L’Arbre parle ! Et l’Homme est-il relié ?

Et si l'Homme était composé de deux parts, l'une animale et l'autre végétale ? L'individu humain jeté dans le temps et dans le monde est sans conteste de substance animale. Mais il ne s'agit là que de la partie visible, de la part de l'être qui est en mouvement. L'être qui est enfoui au fond de nous, qui se tait (ou que nous taisons), et qui n'est pas soumis aux lois du mouvement, ne serait-il pas d'une nature végétale ? Une forme d'être qui serait reliée aux autres êtres (un fait que nous ignorons le plus souvent) et qui serait configurée verticalement, répondant, tout comme les végétaux, aux appels de la lumière du soleil et du ciel. Un arbre, métaphoriquement parlant, au sens plus virtuel que matériel, mais réellement parlant, communiquant (à notre insu d'homme ou de femme pressés et superficiels) au sein d'un réseau invisible, en arrière-plan.
Un forestier canadien, du nom de Paul Wohlleben, nous révèle le réseau occulte des communautés d'arbres, dans "La vie secrète des arbres" (lire ici par exemple). Non, nous dit l'auteur, les arbres ne sont pas sans parole ! Sous leurs faux airs de grands taiseux, ils parlent entre eux ! Le réseau de communication de ces êtres majestueux se trouve en grande partie enterré, dans leurs réseaux incroyablement élaborés de racines. Non seulement, ils ont développé un instinct de survie de l'espèce et savent se défendre collectivement face aux agressions (maladies), agresseurs et parasites, mais ils ont inventé - bien avant nous ! - un système de solidarité. C'est ainsi que les arbres robustes viennent en aide aux plus faibles et cela sans suspension ni aucune limite de durée. Il s'agit d'une solidarité inconditionnelle et illimitée.
A l'échelle du Temps, l'arbre a opté pour la lenteur, l'homme pour l'extrême vitesse. Lequel des deux survivra au bout du compte ? Les paris sont ouverts mais je gage que nous ne serons plus là pour arbitrer le jour du résultat, ni pour ramasser la mise (je dis cela à l'attention des incorrigibles optimistes). Evidemment, l'arbre ne peut pas agir de manière très rapide du fait de son choix primitif de parier sur le temps long, mais il contourne sa condition d'être inerte pas des stratégies subtiles et très efficaces. Il peut émettre des gaz pour alerter ses congénères. Il peut aussi, selon l'auteur de ce livre, favoriser la pousse des champignons comme moyens de transmissions rapides d'informations ou de substances destinées à écarter les importuns du genre animal. Vous avez vu à quelle vitesse cela pousse un champignon ? Désormais, on dira "malin comme un singe arbre" !
Les arbres ont aussi une certaine capacité à mesurer le temps et les cycles du temps. Quand je pense que l'on prétend depuis des milliers d'années que seul l'Homme (avec sa grande majuscule - celle qu'il s'attribue lui-même -) est apte à prendre conscience du Temps (avec une autre majuscule puisque le rival de l'Homme doit être à sa mesure, n'est-ce pas !). L'arbre sait notamment "corréler la longueur des journées et la température ressentie."
Et si l'être humain était construit virtuellement en partie sur le modèle végétal, à savoir que, à l'instar des arbres, une part de lui-même ne serait pas dans le cerveau organique de chaque individu mais dans un vaste réseau d'interconnexions, un réseau invisible ? On sait que les vrais jumeaux communiquent inconsciemment, que des personnes ont des prémonitions qui se vérifient à propos de leurs proches... N'y a-t-il pas davantage ? Et si cela était le cas, comment le saurions-nous, nous qui avons fait un choix très opposé à celui des arbres : le choix d'une vie individualiste toute en mouvement et en changements rapides et incessants. Nous avons opté pour le choix d'une existence exclusivement conforme à notre part animale, éprise de désirs incessants à satisfaire au plus vite et de changement incessant de tout : de mode de vie, d'opinions... Une vie d'égotiste, d'égoïste, de Narcisse !
Mais il y a peut-être cette autre voie : celle de l'homme végétal (au sens imagé évidemment) capable d'ancrer ses sentiments et ses pensées dans un terreau solide et fertile, durable aussi. Dans un terreau mais aussi dans un ciel ! Cette voie serait celle des valeurs bien pesées, bien enracinées, de fraternité et de justice solidaire, des valeurs véritablement universelles ! C'est là un espoir immense et l'hypothèse mériterait d'être creusée plus avant.
Mais une fois la lecture de cet article terminé, je sais que vous allez retourner à vos occupations quotidiennes : colporter des opinions très éphémères, "liker" partout sur les réseaux sociaux, surfer sur le Net, faire des selfies parfaitement vains et vous gaver d'images qui bougent (un peu comme moi !).
Mais... ? S'il existait une terre des hommes, comme disait Saint-Exupéry, une terre des hommes que nous ne voyons pas - ou ne voyons plus - parce que la vitesse qui nous projette en avant est tellement grande que nous flottons au-dessus d'elle sans jamais la sentir ni l'apercevoir ? Incapables que nous sommes d'atterrir et de coller notre oreille au sol, dans lequel se trouverait le terreau indispensable à notre véritable bonheur collectif.
Alors, peut-être que cela vaut-il la peine de cesser de "liker", de répandre nos opinions journellement à tous les vents légers et oublieux, de fixer des apparences futiles. Peut-être pouvons-nous réapprendre ce que nos ancêtres savaient mieux que nous : mesurer le temps des cycles et des saisons, ré apprivoiser la patience, c'est-à-dire le Végétal qui est en nous. L'oeil est l'ennemi de la patience, il est le vecteur de nos désirs qui nous jettent constamment vers quelque chose. Pour retrouver la patience, il nous faut utiliser l'oreille et notre sixième sens, celui qui pourrait (re) découvrir la face cachée des choses : le réseau qui relie le Vivant et les êtres humains entre eux.
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