L’argent des syndicats : un rapport qui gêne ?
Un rapport parlementaire – dit Perruchot, du nom de son rapporteur - sur le financement des syndicats de salariés et de patrons, a été, après 6 mois d’enquête, discrètement rejeté, le 30 novembre 2011, et par l’UMP qui s’est abstenu et par le PS qui a voté contre en le jugeant trop favorable aux organisations patronales. À quelques mois de l’élection présidentielle, il n’aurait pas été jugé opportun de le faire connaître.
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Seulement, « les fuites organisées » diffusées par Le Figaro, le 3 décembre 2011 (1), sont tellement explosives, que le secrétaire de la CGT a demandé dans l’émission « 7/9 » sur France Inter, mardi 13 décembre 2011, la publication intégrale de ce rapport pour permettre aux syndicats de se défendre contre les accusations portées. C’est on ne peut plus légitime. Le secrétaire de la CFDT lui a emboîté le pas.
Des syndicats de salariés tenus par l’argent de l’État et du patronat ?
À en croire « les fuites organisées », le chauffeur-garde du corps du Secrétaire général de FO payé par la mairie de Paris entre 1992 et 1998 ne serait qu’une broutille (2), un simple petit morceau de la part émergée de l’iceberg et pour tout dire une gâterie, au regard de la part immergée que serait le financement des syndicats de salariés et de patrons.
1- Rendue obligatoire par la loi d’août 2008 sur la représentativité syndicale, la publication de leurs comptes par les syndicats aurait fait apparaître, selon Le Figaro, une terrible réalité : en moyenne, la part des fonds propres que sont les cotisations syndicales versées par les adhérents, ne dépasseraient pas 5 % ! L’essentiel des moyens viendrait donc d’ailleurs, et en particulier d’une mise à disposition par l’État de personnels jouissant de détachement et donc payés sur les fonds publics. Des chiffres sont avancés : « Environ 17.000 agents (en postes équivalents temps plein) seraient mis à la disposition des syndicats dans la fonction publique, dont près de 1200 à l'Éducation nationale ». Et ce ne serait qu’une estimation minimale.
2- Les grandes entreprises privées ajouteraient aux décharges horaires et aux locaux, prévus par la loi, certaines largesses envers les comités d’entreprises, à la RATP, Air France, EDF par exemple.
3- À ces pratiques, il conviendrait, en outre, d’ajouter les méthodes chères à Denis Gautier-Sauvagnac, dites de « fluidification du dialogue social » : c’est l’euphémisme préféré par l’ancien dirigeant de l’UIMM, le syndicat patronal de la métallurgie, pour justifier l’usage de sommes considérables dont son syndicat disposait, sans toutefois jamais préciser quels en ont été les bénéficiaires
Il va de soi que, si les cotisations ne représentent ainsi qu’une part infime des budgets syndicaux, les syndicats de salariés ne disposent pas de l’autonomie financière qui conditionne la liberté de pensée et d’action. Qui paie, commande !
Une corruption organisée depuis l’ère mitterrandienne
1- On en avait le soupçon ! On avait vu, depuis 1981, les attentions réservées à des responsables syndicaux sous Mitterrand : postes de ministre, places dans les cabinets ministériels ou les ambassades. On se souvient de la secrétaire générale du SNES, Mme Vuaillat, décorée de la Légion d’Honneur le 11 décembre 2001 par M. Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale : était-ce pour la récompenser d’avoir opposé un contre-pouvoir efficace dans la défense des salariés ou au contraire pour services rendus au pouvoir ?
2- La permanence des permanents syndicaux est, outre instructive. Ils sont indéracinables. Ils goûtent la place une fois qu’ils l’occupent : combien, après un ou deux mandats, reviennent dans l’entreprise ou la classe qu’ils ont quittée ? Pourquoi ? Un tête-à-tête trop long avec le pouvoir finit par corrompre les représentants inamovibles d’un contre-pouvoir.
Des syndicats, « G.O. » de carnavals rituels ?
Il suffit de voir ce qu’il est advenu des luttes sociales depuis 30 ans. Le sort qu’a connu la dernière en date contre la destruction des retraites entre septembre et novembre 2010 reste exemplaire : le puissant mouvement de révolte qui s’est alors exprimé de plus en plus fort d’une manifestation à l’autre pour culminer le 12 octobre, a été torpillé dans les semaines suivantes.
À croire que les syndicats ne seraient plus désormais que les « Gentils Organisateurs » de joyeuses parades colorées dans les rues pour servir d’exutoire contrôlé aux colères populaires, à la façon des carnavals médiévaux qui purgeaient chaque année à date fixe la rancœur sociale accumulée afin de garantir la pérennité du désordre établi.
On ne peut donc que soutenir la demande des secrétaires généraux de la CGT et de la CFDT. Les fuites organisées publiées dans le Figaro en disent trop ou pas assez. On aimerait que les syndicats puissent se défendre. Pour tout dire, on souhaite qu’ils montrent que ce rapport parlementaire est d’une partialité outrancière. Mais, après avoir vu ce qu’on a vu soi-même depuis 30 ans, on craint le pire. Paul Villach
(2) Paul Villach, « M. Chirac, l’ex-Secrétaire général de FO et son chauffeur : la fable du jour … », AgoraVox, 8 mars 2011
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/m-chirac-l-ex-secretaire-general-90160
Marc Blondel, « Chirac, Blondel et son chauffeur : réponse à Paul Villach », AgoraVox, 29 mars 2011
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chirac-blondel-et-son-chauffeur-91433
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