L’arme qui a changé l’histoire. Pourquoi l’« apocalypse nucléaire », malgré Hiroshima et Nagasaki, n’est pas du ressort de l’homme ?
« J’ai lu ce que tu as écris et je partage ce point de vue pour ne pas dire carrément ta théorie. Ce qui excite ma curiosité c’est le comment. Comment agit l’histoire pour produire l’évènement ou plutôt ce qui est une résultante d’un certain nombre d’actions en temps et lieux donnés pour arriver à ce résultat ? Pourquoi maintenant, pas avant ni après, pourquoi ici et pas ailleurs ? Ce sont tous ces questionnements qui me grattent l’esprit. Un jour viendra peut-être pour comprendre comment est monté cet écheveau… ». C’est le post d’un ami (1) qu’il m’a envoyé, il y a quelques jours, qui, après avoir lu un article paru sur le Quotidien d’Oran le jeudi 16 août 2018, s’est interrogé sur le fonctionnement de l’histoire. (2) La question centrale qui se pose pour l’homme : « L’Histoire est-elle objective ? L’Histoire est-elle rationnelle ? Définit-elle la marche du monde ? Les êtres humains font-ils avancer l’Histoire ? Leur propre histoire ? Où sont-ils mus par des forces qu’ils ne commandent pas ? Et donc ils se trouvent à tisser leur histoire qui, tout en se tissant, se trouve aussi tissée par l’Histoire. »
La fameuse phrase de Marx, paraphrasée par Raymond Aron, « Les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’ils font », ne fait qu’affirmer ce que tous les hommes, en pleine conscience, savent ce qu’il ressort d’eux-mêmes. Certes, libres, les hommes font ce à quoi ils aspirent, cependant leur liberté reste conditionnée par des forces contraires. Dès lors, ils ne sont pas libres de faire leur histoire comme ils le désirent. En d’autres termes, malgré qu’ils soient les acteurs de leur histoire, ils se trouvent aussi acteurs d’une autre histoire qu’ils n’ont pas « pensée » et qui « devait » advenir. Parce qu’elle était « Pensée » d’avance par l’Histoire. L’Histoire avec un grand H relève de décrets, de dessins impénétrables pour l’homme, avant leur exécution, mais, après leur avènement, peuvent être « historicisés » pour comprendre leurs conséquences dans la nécessaire survenue de leur histoire. En d’autres termes, « Ne vient que ce qui est nécessaire pour avancer les hommes et leur histoire, non comme les hommes le veulent mais comme l’Histoire l’a décrétée ».
Pour étayer que l’histoire n’est pas uniquement le fait des hommes, prenons l’Allemagne, en 1939. Revancharde, elle a provoqué la Deuxième Guerre mondiale. Le but d’Hitler est d’effacer la défaite de la Première Guerre mondiale, et conquérir pour le peuple allemand, défini comme la race « aryenne » supérieure aux autres races humaines, un « espace vital », i.e. de vastes territoires pris aux pays de l’Europe de l’Est, de l’Ouest..., pour construire le IIIe Reich qui durerait 1000 ans. Un projet « fou » mais les nazis y croyaient réellement.
Après cette guerre de conquête lancée par les nazis en Europe et dans les colonies, l’Allemagne a payé un grand tribut, plus de 9 millions de morts, des dévastations inimaginables de ses villes, de son industrie, de son économie, son occupation par les quatre grandes puissances mondiales (États-Unis, URSS, Royaume-Uni et France). Si les dirigeants et le peuple allemands avaient su par avance les conséquences qui allaient résulter de la guerre, une Allemagne dévastée, des millions de morts et d’handicapés à vie, le suicide d’Hitler et la « pendaison » d’une grande partie des hauts dirigeants allemands (tribunal de Nuremberg), il est certain que ni les dirigeants ni le peuple allemand n’aurait accepté cette « folie humaine ». Un suicide pour ainsi dire collectif, des dévastations par la guerre, l’occupation et la division de l’Allemagne en deux États.
Précisément, Hitler et les dirigeants nazis ne le savaient pas, et c’est la raison pour laquelle ils se sont lancés dans une politique d’annexion tout azimut qui déclencha le Deuxième Conflit mondial. Mais, si on reprend Hegel, et son concept, un « Esprit existe dans l’histoire », et Celui-ci gouverne les hommes, c’est que Hitler, les dirigeants nazis et le peuple allemand qui a été endoctriné par l’idéologie national-socialiste, c’est que la guerre était prédestinée aux hommes, dans le sens qu’elle devait se produire parce que d’autres forces agissaient puisque l’idée même de la guerre était l’« expansionnisme » de toute puissance qui a les moyens pour prendre chez autrui ce dont elle a besoin pour « grandir », s’ élever au-dessus des autres, comment l’ont fait avant les puissances européennes en colonisant les autres continents.
L’Allemagne voulait faire autant. S’aménager un « espace vital » en annexant par la guerre de vastes territoires de l’Union soviétique et des pays de l’Europe de l’Est. Comme l’a fait aussi le Japon en occupant la Mandchourie (Chine). Ce sont ces forces annexionnistes qui « vont », qui « devaient » se confronter par la guerre pour s’« annihiler » et « permettre » aux « peuples assujettis », ballotés entre les puissances, de se libérer de la tutelle coloniale. Dès lors, la guerre entre les grandes puissances entrait dans les lois de la Nécessité. Une Europe détruite par l’Allemagne et se détruisant elle-même relevait des contingences de l’histoire. Ce qui était pris comme une simple guerre d’annexion, mettant les autres puissances devant un fait accompli, créant ainsi la peur pour ne pas revenir sur l’acte d’annexion, a ensuite tout précipité. Et les contingences s’ordonnaient selon un processus lisible qui passait : 1. du Premier Conflit mondial, 2. passant par la crise de 1929 avec ses 6 millions de chômeurs allemands qui ont permis l’avènement d’Hitler, un caporal autrichien dans l’armée allemande lors de la guerre 1914-1918, devenir chancelier de l’Allemagne. 3. pour arriver au Deuxième Conflit mondial. En réalité, l’Histoire avait parlé. La guerre 1939-1945, au-delà des destructions et des morts, avait pour but essentiel indirect de « libérer » plus de la moitié de la population mondiale « de la colonisation. »
Qu’on accepte cette affirmation ou qu’on la réfute, c’est ainsi, sans le Deuxième Conflit mondial, la moitié de l’humanité serait encore assujettie, sans égard pour les êtres humains qu’ils sont. On comprend donc que ce ne sont pas les humains qui dirigent l’histoire, mais l’Histoire avec H majuscule qui oriente l’histoire des hommes. Au sens hégélien, il y a un Esprit dans l’histoire, qui est au-dessus des hommes. En clair, « l’homme dépend de sa destinée qu’il ne connaît pas. »
Pour étayer cette vision de l’histoire, prenons, par exemple, la Crimée. Pourquoi l’annexion de la Crimée par la Russie n’a pas posé de problèmes majeurs pour la Russie face aux grandes puissances ? Pratiquement mis devant un fait accompli, sans possibilité de s’opposer. Pour les simples raisons : 1. La marine russe est stationnée depuis très longtemps en Crimée. 2. La Crimée avec l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique, dissolue en décembre 1991. 3. Le critère central de l’annexion, la population ethnique d’origine russe est majoritaire : 65,3 % en 2014. 4. La Russie est avec les États-Unis les deux grandes puissances nucléaires du monde. S’opposer à la Russie risquait de créer un conflit mondial. 5. Les menées subversives occidentales pour déstabiliser la Russie l’ont poussé à annexer la Crimée ? Ces cinq points montrent que l’histoire est rationnelle. Que la Russie qui n’a pas recherché à annexer la Crimée malgré qu’« ethniquement » elle fût en droit de le faire. Il a fallu des contingences pour que la Crimée se retrouve « territorialement » dans la Russie, et l’Occident y a participé activement sans le savoir.
- La lettre d’Einstein au président Roosevelt l’exhortant à mettre tous les moyens pour la fabrication de la bombe « atomique »
Si nous reprenons la citation de Raymond Aron, puisée de la pensée de Karl Marx, et que nous l’appliquions à la science, on aurait ceci : « Les hommes font la science, mais ils ne savent pas la science qu’ils font ». Puisqu’ils ne savent pas l’histoire qu’ils font, et que les hommes ne sont ni maîtres de leurs pensées ni de leur imagination, dès lors le postulat fait sur la science est aussi vrai que le postulat fait sur l’histoire. Ce n’est pas l’homme qui fait la science bien qu’elle soit son œuvre, mais « la science qui fait l’homme, la science qui inspire et pense en l’homme. » Et, dans l’absolu, on ne peut réfuter cette vérité.
Ceci étant, prenons l’« arme » qui a révolutionné l’histoire de l’humanité. Qu’en est-il ? Et pourquoi l’effet n’est apparu qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale ? Pourquoi en 1945, et pas avant ? Et en plein été 1945. Les armes se sont presque tues dans le monde sauf en Asie. En Chine, se déroulait une guerre révolutionnaire. Au Japon, ce sont ce qu’on peut appeler les derniers résidus de la guerre totale que fut la Deuxième Guerre mondiale.
Toujours est-il, si cette arme si terrifiante fut découverte par l’Allemagne nazie, en plein milieu de la guerre, et produite en quantité suffisante, que serait-il passé ? Le monde serait entré dans une guerre atomique terrifiante. Avec les V1 et les V2 et une aviation de plus en plus performante, l’Allemagne aurait probablement changé le cours de la guerre, en détruisant une partie de l’humanité.
Or, où se sont déroulées les recherches finales pour la réalisation de l’arme qui va changer le cours de l’histoire ? Aux États-Unis, loin des théâtres de guerre. Et prenons en compte que la phase finale de la recherche alors que les phénomènes radioactifs de certains matériaux naturels ont retenu l’attention des savants depuis la fin du XIXème siècle. La question qui se pose : « Comment un physicien italien Enrico Fermi, marié à une femme juive, qui, après avoir reçu le prix Nobel en 1938, émigra deux mois et demi après aux États-Unis. Le 2 janvier 1939, fuyant l’antisémitisme visant sa femme, il partait pour l’Amérique. » Cette émigration est à relier aussi à une lettre qu’Einstein a envoyée au président des États-Unis. Une lettre qui va donner un autre cours à l’histoire de la guerre. La lettre d’Einstein envoyée au président le 2 août 1939 ci-après dans son intégralité :
« Monsieur,
Un travail récent d’E. Fermi et L. Szilard, dont on m’a communiqué le manuscrit, me conduit à penser que l’uranium va pouvoir être converti en une nouvelle et importante source d’énergie dans un futur proche. Certains aspects de cette situation nouvelle demandent une grande vigilance et, si nécessaire, une action rapide du gouvernement. Je considère qu’il est donc de mon devoir d’attirer votre attention sur les faits et recommandations suivantes :
Au cours des quatre derniers mois, grâce aux travaux de Joliot en France et ceux de Fermi et Szilard en Amérique, il est devenu possible d’envisager une réaction nucléaire en chaîne dans une grande quantité d’uranium, laquelle permettrait de générer beaucoup d’énergie et de très nombreux nouveaux éléments de type radium. Aujourd’hui, il est pratiquement certain que cela peut être obtenu dans un futur proche. Ce fait nouveau pourrait aussi conduire à la réalisation de bombes, et l’on peut concevoir – même si ici il y a moins de certitudes – que des bombes d’un genre nouveau et d’une extrême puissance pourraient être construites. Une seule bombe de ce type, transportée par un navire et explosant dans un port pourrait en détruire toutes les installations ainsi qu’une partie du territoire environnant. On estime néanmoins que des bombes de cette nature seraient trop pesantes pour être transportées par avion.
Les États-Unis n’ont que de faibles ressources en uranium. Le Canada est assez bien pourvu, ainsi que l’ancienne Tchécoslovaquie, mais les principaux gisements sont au Congo belge.
Devant cette situation, vous souhaiterez peut-être disposer d’un contact permanent entre le gouvernement et le groupe des physiciens qui travaillent en Amérique sur la réaction en chaîne. Une des possibilités serait de donner cette tâche à une personne qui a votre confiance et pourrait le faire à titre officieux. Cette personne devrait être chargée des missions suivantes.
a) Prendre l’attache des différents ministères, les tenir informés des développements à venir, faire des propositions d’action au gouvernement, en accordant une attention particulière à la question de l’approvisionnement américain en uranium.
b) Accélérer les travaux expérimentaux qui sont actuellement menés sur des budgets universitaires limités, en leur apportant un financement complémentaire, si besoin est, grâce à des contacts avec des personnes privées désireuses d’aider cette cause et en obtenant peut-être la collaboration de laboratoires industriels disposant des équipements requis.
J’ai appris que l’Allemagne vient d’arrêter toute vente d’uranium extrait des mines de Tchécoslovaquie dont elle s’est emparée. Le fils du vice-ministre des Affaires étrangères allemand, von Weizsäcker, travaille à l’Institut Kaiser Wilhelm de Berlin, où l’on a entrepris de répéter des expériences américaines sur l’uranium. Voilà ce qui explique peut-être la rapidité de cette décision. Sincèrement vôtre. » (3)
Que peut-on dire de la lettre d’Albert Einstein ? Elle est venue à point nommé apporter une première pierre à cet avènement qui va changer le cours de l’histoire. Pourtant ce n’est qu’une recommandation au président américain pour le sensibiliser des craintes des savants. Une lettre qui va amener le président américain à mettre en œuvre Projet Manhattan, nom de code qui devait aboutir à la fabrication de la bombe atomique. Mais, au-delà du Projet Manhattan, l’insistance des savants auprès d’Einstein pour écrire au président américain relève essentiellement de la menace de l’Allemagne nazie. Hitler prônait la supériorité de la race allemande, et l’acquisition de l’arme nucléaire constituait un danger pour le monde, en particulier pour les races sémites. Évidemment, il demeure que cette lettre motivée va déclencher un processus qui va, en 1945, avec la nucléarisation d’Hiroshima et Naga saki, changer totalement le cours de l’histoire. Aussi, peut-on dire que les insistances des savants et la lettre d’Einstein entraient dans l’ordre des contingences.
Et ce que l’on remarque dans l’ordonnancement même du Projet Manhattan : 1. Commencé au cours de l’année même de 1939 qui a vu éclater le Deuxième Conflit mondial. 2. Le succès de l’entreprise d’Enrico Fermi et Leo Szilard pour réaliser pour la première fois, en 1942, la première pile atomique au monde, i.e. une réaction nucléaire en chaîne auto-contrôlée. L’Etat américain a mis tous les moyens à la disposition des savants. Sous les gradins du stade de football de l’université de Chicago, furent entreposées 50 000 briques de graphite soit un poids de 400 tonnes de carbone, 36 tonnes d’oxyde d’uranium et 6 tonnes d’uranium. 3. Cette expérience en 1942 ouvrit la phase finale. Le 16 juillet 1945, l’essai de la première bombe atomique, effectué à Alamogordo, au Nouveau-Mexique, est un succès total. « Gadget », la bombe atomique, du nom de code américain, a développé une puissance de 19 kT, i.e. 19 millions de kilos de TNT. Une explosion nucléaire d’une puissance inimaginable, apocalyptique. L’humanité est entrée dans un nouvel âge. Qu’on l’appelle âge nucléaire, ou autre, cet âge n’a pas de qualificatif. Le monde est désormais sous la menace apocalyptique.
- On ne peut croire que Celui qui a permis à l’homme de découvrir la bombe atomique voudrait du mal à l’homme
« Le cataclysme d’Hiroshima est l’aboutissement d’un long cheminement commencé à la fin du XIXe siècle.
La mission s’est passée sans encombre. Partis de l’aérodrome de Tinian (Îles Mariannes, océan Pacifique), le 6 août 1945 à 2 h 45, à bord d’un bombardier B-29, le colonel Paul Tibbets et ses hommes ont survolé Iwo Jima – où s’était déroulée quelques mois plus tôt l’une des batailles les plus terribles de la guerre du Pacifique –, puis poursuivi vers le nord avant d’apercevoir, peu après 8 heures, leur objectif : Hiroshima, un important centre industriel et portuaire du sud du Japon, jusque-là plutôt épargné par les terribles raids des forteresses volantes américaines.
L’avion, isolé, ne déclenche aucun tir de défense. A 8 h 15, il largue au-dessus de la ville une bombe de 4,5 tonnes surnommée « Little Boy », longue de 4,30 m et d’un diamètre de 76 cm, avant d’effectuer un virage de 158 degrés pour s’éloigner. Quarante-trois secondes plus tard, à 600 mètres d’altitude, l’engin explose. A l’éclair foudroyant succède une boule de feu d’un kilomètre de diamètre, puis une terrible onde de choc, qui secoue violemment le bombardier. En quelques secondes, une gigantesque colonne de fumée s’élève jusqu’à 12 000 mètres d’altitude. Terrifié, le capitaine Lewis s’écrie : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ?
Au sol, une ville entière a cessé d’exister ; 75 000 personnes meurent sur le coup, 50 000 autres disparaîtront dans les semaines suivantes. L’explosion d’une seconde bombe au-dessus du port de Nagasaki, trois jours plus tard, a raison des dernières velléités de résistance japonaises. Le 15 août, l’empereur Hirohito lui-même annonce la reddition de l’empire. » (4)
Trois jours après Hiroshima, la ville de Nagasaki, touchée à son tour par le feu nucléaire, fit près de 80 000 victimes. Que peut-on penser de la découverte de la bombe atomique, et de son utilisation ? Et ses effets apocalyptiques ? Peut-on en vouloir aux savants qui ont fait des recherches en physique nucléaire ? Un long cheminement de la science commencé à la fin du XIXème siècle pour aboutir à la fabrication de la bombe. Les savants Français Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, Frédéric Joliot-Curie, le Britannique Rutherford, l’Allemand, Otto Hahn, l’italien Enrico Fermi et bien d’autres qui ont contribué, par leurs recherches, à aboutir à la fabrication de la bombe savaient-ils ce qu’ils allaient créer ? Au début ce n’était que les phénomènes radioactifs de certains matériaux naturels qui avaient retenu leur attention. Mais les recherche en physique nucléaire se sont intensifiées et se précisaient. Ce sont les « cerveaux » des savants, leurs pensées, qui ont été attachés, enthousiasmés par les phénomènes extrêmement complexes de l’infiniment petit de ces matériaux qui émettaient des radiations inconnues qu’ils cherchaient à comprendre.
Ces savants ne savaient pas ce qu’ils allaient découvrir, ce n’est que plus tard qu’ils ont compris leur importance et leur emploi dans les guerres. En clair, le secret apocalyptique des réactions en chaîne de matériaux fissiles n’était pas dévoilé aux savants, il ne le fut qu’à la fin. Et, en 1945, il était employé contre des villes ennemies, au Japon. La justification américaine énonce que : « Sans l’effet terrifiant de la bombe, seule une invasion de l’Archipel qui aurait coûté la vie à un demi-million de soldats américains pouvait faire céder le Japon. » (4) Un argument qui pose l’emploi comme un « mal nécessaire ».
Raisonnons ce qu’est ce « mal nécessaire » trouvé au Japon, un pays qui n’a pas abdiqué et a continué la guerre. Et les Américains qui sortaient victorieux avec l’Union soviétique en Europe, voulurent aussi la victoire contre le Japon. Pour comprendre la nucléarisation d’Hiroshima et Nagasaki, explicitons. 1. On ne doit pas perdre de vue qu’il fallut deux attaques nucléaires pour que le Japon capitule. 2. Quel est le pays au monde qui se serait trouvé à la place des États-Unis et en guerre contre le Japon, disposant de la bombe atomique, n’aurait pas utilisé l’arme nucléaire et continué la guerre avec des armements non nucléaires. La réponse parle d’elle-même, tout pays qui dispose d’un armement supérieur cherchera à l’utiliser pour vaincre. C’est dans la nature humaine, et par conséquent des nations humaines. 3. Le processus historique de la recherche sur des corps radioactifs, dont les propriétés à l’époque étaient inconnues, et qui va du XIXème siècle au largage des bombes atomiques sur deux villes japonaises montre que le cours de l’histoire de l’humanité était déjà tracé. Nous revenons donc au deuxième postulat. « Les hommes font la science, mais ils ne savent pas la science qu’ils font. » Et cela s’applique à la bombe. Les hommes savaient-ils qu’ils allaient découvrir une bombe apocalyptique ? Si on part du principe humaniste, et l’on dit que le savant est bon de nature, et qu’il eut su où vont-elles le mener ses recherches, il est certain qu’il s’abstiendrait de rechercher une arme apocalyptique qui pourrait tuer si elle était employée des centaines de milliers d’êtres humains en un temps record. Ou des millions si elle était employée massivement. Sauf que les savants au départ ne savaient pas les conséquences de leurs recherches. 4. Les deux villes japonaises, par la fatalité du destin du monde, devaient être des « villes-cobayes » pour montrer les effets terrifiants de la bombe qui a commencé à se poser pour l’humanité.
Dès lors, peut-on dire, l’homme n’est pas maître de sa destinée. La marche du monde était déjà toute tracée depuis la fin du XIXème siècle, et qui allait mener à la destruction d’Hiroshima et Nagasaki, et montrer au monde le danger apocalyptique auquel il allait faire face. D’autant plus qu’une autre bombe encore plus puissante que la première a été découverte sept ans après Nagasaki et Hiroshima. Sa puissance ne se compte pas en Kt mais en Mt, i.e. en million de tonnes de TNT.
Force de dire que la découverte de la bombe atomique relève des contingences de l’histoire, comme d’ailleurs son emploi en 1945 contre le Japon. Par conséquent, si on raisonne dans l’« absolu », l’emploi de l’arme nucléaire n’est pas et ne peut être du ressort de l’homme pour la simple raison que l’homme commande certes à l’armement nucléaire mais son emploi relève de contingences qu’il ne commande pas. L’apocalypse si elle devait venir ne viendrait pas de l’homme, ni même de son aveuglement au cas où il voudrait s’auto-détruire, parce que l’arme nucléaire est une « arme du néant », une arme qui « néantise » pour ainsi dire.
Pour l’étayer encore, prenons l’histoire récente. Le président américain Donald Trump et le président nord-coréen Kim Jong-un n’ont pas cessé, au deuxième semestre 2017, de se menacer mutuellement de se détruire totalement par l’arme nucléaire. Au premier semestre 2018, retournement total de la situation. Les deux présidents se sont jetés mutuellement des passerelles et se sont rencontrés en territoire neutre, à Singapour, le 12 juin 2018, au point que Donald Trump dit que Kim Jong-un est son ami. On comprend dès lors que c’est la crainte d’une « néantisation totale » pour la Corée du Nord et « partielle » pour les États-Unis qui les a assagis. Que l’« Esprit du monde » ne s’est pas trompé en accordant à l’homme le « pouvoir de l’apocalypse nucléaire ».
Sauf qu’une apocalypse nucléaire si elle doit venir ne peut venir que de Celui qui a permis à l’homme de la découvrir et de la fabriquer. On ne peut croire que Celui qui l’a permise à l’homme voudrait du mal à l’homme. Cela n’aurait pas de sens, ni ne donnerait sens à l’existence humaine, et à l’humanité entière.
- La transparence, la volonté de comprendre, la neutralité envers les événements doivent être les normes pour tout scientifique cherchant à comprendre son monde
Ainsi se comprend le sens de l’histoire de l’humanité, que tout événement qui survient et vient « grandir » l’histoire est rationnel. Ceci est suffisant pour dire que le monde n’est pas chaotique, par conséquent, n’est pas livré à lui-même. Tout ce qui a trait à la bombe nucléaire existe dans la nature, les corps radioactifs existent à l’état naturel, et donc depuis des millions d’années. Et ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle, que ce minerai radioactif a commencé à exciter la curiosité des scientifiques. Cependant, pour parvenir à découvrir les propriétés qu’il renferme, la science devait passer plusieurs stades, et donc de découvertes en découvertes, pour arriver à la physique de l’atome.
L’on ne doit pas oublier que le progrès humain est un « tout », il ne se joue pas uniquement dans la science de la physique-monde, mais aussi dans la science des institutions humaines qui régissent les peuples de la terre. Tant sur le plan national qu’international. Il faut rappeler qu’avant 1945, une grande partie du monde était colonisé. Ce qui ne va pas avec la découverte des forces qui régissent notre étoile, le « soleil », qui éclaire le système solaire dont nous faisons partie. L’humanité aujourd’hui est très avancée, l’« âge nucléaire » qui a fait irruption et relève d’un processus historique progressif et rationnel doit, comme l’a fait remarquer mon ami et ancien collègue, pousser les politiques, les scientifiques de toutes disciplines à se pencher sur la rationalité de l’histoire. Seuls ces questionnements sur l’« essence de l’histoire », la « compréhension des grands événements avec ceux qui les ont déclenchés pourraient par leur historicité nous approcher du sens de l’évolution du monde, ce qui pourrait éclairer notre devenir. » Et la transparence, la volonté de comprendre notre monde, la neutralité envers les événements doivent être les normes pour tout scientifique cherchant à comprendre son monde.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
www.sens-du-monde.com
Notes :
1. Message reçu de Mohammed Bensadek, ami et ancien collègue qui porte un grand intérêt à la géopolitique et au devenir mondial
2. « Historicisation de l’intervention militaire de la Russie au Moyen-Orient dans l’histoire. Trump peut-il inverser le jeu planétaire ? » par Medjdoub Hamed. Le 15 août 2018
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/historicisation-de-l-intervention-206860
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5265157
3. « Lettre adressée par Albert Einstein au président Roosevelt sur l’état des découvertes scientifiques » par des lettres. Le 10 août 2018
https://www.deslettres.fr/lettre-dalbert-einstein-au-president-franklin-d-roosevelt-des-bombes-dun-genre-nouveau-et-dune-extreme-puissance-pourraient-etre-construites/
4. « 6 août 1945, 8 h 15 à Hiroshima : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? » par le journal Le Monde. Le 5 août 2015
https://www.lemonde.fr/international/article/2015/08/05/6-aout-1945-8-h-15-mon-dieu-qu-avons-nous-fait_4712214_3210.html
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