L’art de la liberté civile
La liberté est un art. L’égalité est un principe juridique, la fraternité est un devoir envers la patrie, la liberté est un art. Nos aïeux révolutionnaires se sont bien gardés de mentionner la vérité dans la devise car la vérité n’est détenue par personne de façon certaine et absolue. Ni la religion ni la science ne peuvent s’en prévaloir pour imposer leurs vues à tous les citoyens. Mais revenons à la liberté. D’abord, rappelons que Rousseau en distingue deux sortes : la liberté naturelle, la liberté civile.
La médecine est un art, la liberté en est un autre. Aucun des deux ne peut prétendre dominer l’autre. Il est temps que les docteurs le comprennent et qu’ils lisent ou relisent Jean-Jacques Rousseau qui a inspiré directement notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Nous n’aborderons ici que la liberté civile.
I - La liberté civile selon Rousseau et la Déclaration des Droits
La liberté civile résulte du contrat social. Elle n’est pas la liberté naturelle, qui tolère l’esclavage et la loi du plus fort.
Liberté civile, niveau 1 : le citoyen est forcé d’être libre
Selon la règle du contrat social, tout citoyen est forcé à être libre par le contrat social (adopté à l’unanimité par le peuple souverain) : libre au sens citoyen (« civil »). Ce côté forcé implique que la liberté est aussi un devoir. C’est le premier devoir lié à la liberté civile.
"Quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose qu'on le forcera à être libre." (Rousseau - Du contrat social)
Il s'agit d'obéissance à la volonté générale et non d'obéissance à un groupe d'individus (les docteurs) ou à un monarque qui a usurpé le pouvoir de faire la loi.
La contrainte se fait par "tout le corps" et non par une partie du corps des citoyens.
"Forcé à être libre" signifie que vous ne pouvez pas décider, par exemple, d'être l’esclave de quelqu’un. Vous ne pouvez pas accepter de violer la liberté constitutionnelle qui vous oblige à agir en citoyen libre et non en individu à l’état naturel qui ploie sous le joug d’un maître (puisque le fort l’emporte, à l’état naturel).
Le peuple ayant choisi librement d’obéir à la loi qu’il a votée pour lui-même (Art. 6. « La Loi est l'expression de la volonté générale »), il est doté de la liberté qui inclut le devoir d’être un citoyen libre.
Liberté civile, niveau 2 : le citoyen est protégé des abus et des excès par la loi
Le deuxième niveau de liberté est de ne pas être contraint de faire ce qu’on ne veut pas : « Je n’ai jamais cru que la liberté de l’homme consistât à faire ce qu’il veut, mais bien à ne jamais faire ce qu’il ne veut pas. » (Les Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau)
Ce niveau de liberté implique aussi de n’être pas contraint d’avoir à subir les excès de liberté des autres. En conséquence, la liberté civile consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (article 4 de la Déclaration). Chaque citoyen doit, en responsabilité, borner sa liberté pour ne pas nuire aux autres. C’est la liberté en mouvement. Pour représenter ce que pourrait être la liberté en mouvement, je prendrai l’image des coureurs à pied qui, sur la piste du stade, respectent leurs couloirs respectifs.
Cette règle du respect réciproque est le deuxième devoir de la liberté civile.
Liberté civile, niveau 3 : le citoyen est tenu de respecter autrui et la loi
Article 4 de la Déclaration de Droits : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
La liberté civile peut se voir imposer des limites par la loi. La loi doit intervenir pour fixer les « bornes » de la liberté mais le moins possible, comme le confirme l’article 5 : « La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »
La liberté d’opinion est proclamée à l’article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Ainsi, la liberté d’opinion est-elle totale (comme on l’a dit en introduction, la vérité n’est le monopole de personne). La liberté d’expression connaît quelques restrictions (négationnisme, appel à la haine).
Faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ? Ce « tout » étant trop large, la loi (établie par la Volonté générale et non par quelques représentants) peut apporter d’autres limites à l’exercice des libertés pour des motifs d’ordre public.
C’est le troisième devoir des citoyens : obéir à la loi que tous ont voulue pour eux-mêmes.
II – Liberté civile et crise sanitaire
La liberté civile a été mise à mal par les mesures d'urgence prises par le gouvernement. Beaucoup de ces atteintes aux libertés se sont en outre révélées inopérantes ou très peu efficaces. La balance efficacité des mesures/atteintes aux libertés est défavorable.
Des consentements arrachés
L’application de cette loi se fait en arrachant un certain nombre de consentements aux citoyens. Peut-on parler de consentement libre et éclairé ? Deux simples exemples :
- Si vous êtes forcé (ou si vous vous sentez forcé) par le gouvernement à vacciner vos enfants pour qu’ils ne soient pas évincés de l’école ?
- Si vous ne pouvez pas payer les tests en octobre et que vous êtes contraint à vous vacciner ?
Une usurpation de pouvoir selon la conception rousseauiste
Si on se réfère aux thèses de Rousseau, on est en droit de s’interroger sur la légitimité de la loi sanitaire parce que ce texte n’est pas une de ces lois au sens fort où l’entendait Rousseau (l’expression de la Volonté générale). Ce projet a été rédigé par un homme seul dans son cabinet secret (conseil de défense) et n’a pas été travaillé par les chambres (simulacre de démocratie représentative).
La mise en œuvre de la liberté civile suppose une conscience de citoyen : chacun doit tout faire pour ne pas nuire aux autres. Le citoyen doit respecter les opinions des autres et leur liberté, y compris celle de travailler. Cette liberté est proclamée dans le Préambule de 1946 intégré au bloc constitutionnel : article 5. « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » Il est par conséquent interdire de nuire à un boucher parce qu’il vend de la viande ou à un pharmacien parce qu’il procède à des tests ou à des vaccinations.
La liberté civile implique de respecter les gestes barrières et de les faire respecter dans les temps et les lieux où l'épidémie sévit. Selon cette même conscience libre, vous pouvez vous faire vacciner pour vous protéger vous-même et protéger la société d'une crise hospitalière. Chaque citoyen est censé agir en responsabilité selon sa situation et son entourage.
Vaccination obligatoire pour tous ?
La politique sanitaire peut imposer des obligations pour des maladies graves et contagieuses, voire une obligation vaccinale si les données sur la maladie et les vaccins sont stabilisées et sûres. Rendre une vaccination obligatoire alors que nous sommes en plein chaos et sans visibilité des causes et des évolutions du virus et du vaccin, serait à mon avis une mauvaise idée. Par ailleurs, cela serait contraire à l’esprit de la fondamentale qui interdit, par principe, de contraindre les citoyens.
La liberté n’est pas égoïste, c’est l’Etat qui la dénature dangereusement
On entend trop souvent dire dans les médias (quel paradoxe !) que la liberté d’opinion, de pensée et d’opposition est un comportement égoïste. Or, c’est faux ! La liberté civile, telle qu’elle est définie dans la Déclaration des Droits n’est pas la liberté naturelle sans limites et sans règles.
La liberté civile respecte la liberté de ses concitoyens : ma liberté s’arrête où commence ma responsabilité envers les autres.
Mon intérêt particulier s’arrête là où prévaut l’intérêt général. Seulement soyons clair ! Qui peut dire ce qu’est la volonté générale ? C’est le Peuple dans son entier et non une fraction du peuple : ce n’est ni les docteurs, ni la majorité politique, ni les lobbies. Ce n’est pas non plus la majorité de l’opinion publique qui s’exprime dans les sondages.
La liberté civile nuit aux autres quand elle est mal réglementée par le gouvernement. Par exemple, vous vaccinez les jeunes en l’échange d’un passe sanitaire en leur disant qu’ils pourront tirer le masque et faire la fête. En faisant cela, vous leur donnez le mauvais usage de la liberté puisqu’ils relancent alors la contamination en se postillonnant les uns sur les autres. On leur vend la liberté en leur mentant, en leur disant qu’ils ne contaminent plus.
La liberté civile est également mal enseignée par une politique qui favorise les jouisseurs pour faire tourner l’économie. On vaccine pour accéder à la jouissance des biens et des loisirs. C’est faire peu de cas de la Liberté que de la réduire à de petits marchandages. La consommation de masse prévaudrait-elle sur la liberté constitutionnelle ?
Enfin, c’est encore mal éduquer la liberté que de privilégier à tout prix la vaccination des pays riches au détriment des pays pauvres. La solidarité doit faire partie de la liberté civile.
D’abord libéral, puis autoritaire et arbitraire, le chef de l’Etat se montre désormais bienveillant envers les jeunes sur les réseaux sociaux. Le masque de l’autorité arbitraire que prend l’ambitieux est oppressant ; le masque de la bienveillance est hypocrite et mensonger. Dans les deux cas, sous ce déguisement, c’est à votre liberté que l’on veut s’en prendre ! Eduquer sa propre liberté est le meilleur rempart contre les pièges tendus.
En conclusion, ce n’est pas le citoyen qui fait un usage égoïste de sa liberté, c’est le gouvernement qui le conduit à en faire un mauvais usage en lui adressant des messages contradictoires, faux ou mensongers. Le résultat est souvent pire que s’il laissait les citoyens agir tout à fait librement.
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