L’article qui est le mien

« L’article qui est le mien », voilà une formulation dont la lourdeur n’échappe à personne. Déclinée de multiples manières, elle fait pourtant florès dans les prises de parole du personnel politique durant cette campagne présidentielle. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais personnellement cela m’agace les oreilles...
Il suffit d’écouter les discours politiques pour entendre ceci (toutes les citations, authentiques, ayant été pêchées sur les ondes ces dernières semaines) : « L’objectif qui est le mien », « La campagne qui est la mienne », « Le patriotisme qui est le mien », « La responsabilité qui est la mienne », « Le projet qui est le mien », « La décision qui est la mienne », « Le programme qui est le mien », « La détermination qui est la mienne », « L’esprit qui est le mien », « La place qui est la mienne » et même chez le plus célèbre des Insoumis « L’internationalisme traditionnel qui est le mien »...
Autant de formulations stéréotypées que, pour suivre tels des moutons de Panurge « la mode qui trotte* » en matière de communication, les responsables politiques se sont appropriées dans leurs prises de parole. Au point non seulement d’en user, mais aussi d’en abuser. Et cela vaut non seulement pour les candidats majeurs de la présidentielle (François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon), mais également pour les personnalités les plus variées, à l’image de Bernard Cazeneuve, Nicolas Dupont-Aignan, Christian Estrosi, Jean-Yves Le Drian, Florian Philippot pour ne citer que ceux-là.
Agaçant, certes, mais moins que l’omniprésent « jeter le bébé avec l’eau du bain », cette image ayant été utilisée de manière abusive par le personnel politique il y a quelques années. Autre cliché mis naguère à toutes les sauces par les élus : « le beurre et l’argent du beurre » et sa variante « le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière ». De quoi faire monter en chacun de nous une furieuse envie de casser la baratte. Et pour cause : tous ces tics de langage deviennent rapidement assommants, et c’est pourquoi, en ce jour de mars, « l’article qui est le mien » vise à questionner « la lecture qui est la vôtre » sur « les excès de langage qui sont les leurs ».
Petit-neveu du général, eh bien, ça aide.
Encore ne faut-il pas trop se plaindre du personnel politique sur le plan du langage, même si certains caciques ont tendance à se payer de mots, ce qui – pour déplaisant que ce soit – fait d’eux des petits-bras relativement à ceux qui, au-delà des mots illusoires, se paient aussi très grassement en argent public détourné de vile manière. En réalité, les personnalités politiques sont sur le plan des tics dans l’expression orale de piètres amateurs comparés aux athlètes et aux journalistes sportifs.
Quiconque suit des épreuves sportives diffusées par les médias radiotélévisés peut en témoigner : la mode est au « voilà ! » chez les athlètes et au « eh bien » chez les commentateurs. Passons sur les premiers nommés dont certains sont incapables d’aligner plus de deux phrases sans les ponctuer d’un « Voilà ! » ; après tout, ces sportifs ne sont pas des communicants. S’exprimer correctement en évitant redondances et lourdeurs devrait en revanche être au cœur du métier des journalistes. Or, nombre d’entre eux sont de bien médiocres professionnels (cf. La langue française malmenée par les journalistes).
Parmi les pires, Jacques Vendroux et Alexandre Boyon, deux spécimens appartenant à la sous-espèce « journalistes sportifs ». Outres les clichés et lieux communs les plus consternants, ces deux-là sont en effet capables de placer jusqu’à une douzaine de « eh bien » dans une intervention de 90 secondes ! Un record du genre qui, eh bien, rend très vite insupportable l’écoute de ces journaleux dont, eh bien, l’un n’a manifestement dû sa carrière qu’à, eh bien, son titre de petit-neveu du général de Gaulle.
Mais oublions ces encartés de presse pour, élection présidentielle oblige, en revenir à notre personnel politique en campagne. Que ces considérations linguistiques ne vous empêchent pas d’aborder sereinement « la semaine qui sera la vôtre » sans trop faire attention à la forme des propos tenus par les candidats malgré « les tics qui sont les leurs » et en étant assuré(e)s de « la sincère sympathie qui est la mienne » à votre égard.
* Cette plaisante expression a été empruntée à Pierre de Siorac, le héros central de Robert Merle dans la série Fortune de France
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