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L’assassinat des industries

L’assassinat des industries.

     L’herbe folle éventre le goudron des allées, les murs chargés de salpêtre et d’humidité sont fissurés et la mousse a commencé à élire domicile au pied des géants d’acier. Une rouille sale et triste colonise peu à peu les enchevêtrements de tuyaux et de tôles. Les lourdes et épaisses portes des fours sont soudées par la colle invisible de l’inactivité. Les hauts-fourneaux sont froids comme la mort et la cokerie s’est figée dans le silence.

     Cet endroit vide est lugubre, il a des relents de misère, d’abandon et de lâcheté. Le froid et la solitude vous y transpercent l’âme quand vous le parcourez. Combien de litre de sueur et de torrent de larme ont coulé ici en ce lieu maintenant maudit ? Combien d’hommes y ont perdu leur vie, leur santé, leur dignité.

     Le génocide de la métallurgie a gravé là son ineffaçable empreinte. Ailleurs, sous d’autres cieux plus cléments aux actionnaires, on fait exploiter le minerai par des enfants de sept à soixante dix sept ans pour un bol de riz, une paillasse et une obole de misère. Tous ces combats et ces luttes gagnés par nos aïeux pour plus de justice et d’équité depuis Zola et qui, maintenant sont mis à bas par l’avarice, la convoitise et la rapacité.

     Serge, Luc, Angelo et les autres regardent leurs mains calleuses qui, pendant trente années ont broyé les pierres pour faire couler l’acier en sang, le laminer, le frapper, le modeler. Une vie de travail dure et exigeante pour ses artisans de la matière qui l’assumaient et la revendiquaient chaque jour avec lucidité. De coups de gueules dans l’atelier aux tapes amicales sur l’épaule des collègues, ils ont fourni pendant des décennies l’Europe en acier.

     Bateaux, avions, automobiles, appareils ménagers jusqu’à la plus insignifiante cueillere, ils sont à l’origine de l’objet, alchimistes de sa source. Dans leurs cuves en fusion, par des températures proches de l’enfer, grâce à leur savoir faire la magie opérait.

     Oublié ces années de courage et de fierté où, en rentrant du travail, sur la table de cuisine il y a avait toujours de quoi nourrir la famille. Elles ont fait place aux années de galère, de chômage, de déprime et parfois elles sont stoppées net par l’acte du désespoir ultime, le suicide.

     Des prédateurs sont venus arrêter le site, les voleurs ont spéculés et se sont enrichis en pariant sur sa fermeture et les fossoyeurs sont à l’œuvre pour dépecer sa carcasse sur le marché de la ferraille.

     Il y a pourtant de quoi produire de l’acier dans ce pays et un acier de qualité. L’outil et l’expérience existent et pourraient assurer une indépendance nationale voir Européenne face aux géants d’Orient concernant la fourniture de cette matière première.

     L’histoire se répète. L’avidité et le profit sans limite ont tué la sidérurgie comme ils ont tué le charbonnage, le textile et la machine à outil. Bientôt viendra le tour de l’automobile. Les dernières usines sont transformées en loft ou finissent en musée. Ces activités qui permettaient la survie d’une région, d’une ville et de ses habitants en mourrant ont entraîné le chaos social et la misère.

     En Europe les machines ont remplacé l’ouvrier. Hors de nos frontières les hommes sont exploités comme des esclaves, tout cela pour répondre et satisfaire au rendement exigé par des fantômes assis derrière des bureaux passant leur journée à jouer avec une calculatrice. N’en ayant jamais assez, ils s’attaquent maintenant aux aides sociales et aux salaires des travailleurs restants. Comment quelqu’un possédant déjà plus que le superflu peut-il voler le nécessaire à ses frères ? Cela reste pour moi une énigme.

     Je salue ici tous ces magiciens, les gueules noires, les métallos, les mécaniciens, les couturières et leurs collègues qui, grâce à leur travail, ont amélioré chaque jour notre confort et à qui, pour les remercier les spéculateurs et autres requins ont socialement assassiné pour leurs seuls profits. Voyez vous, La planète peut pourvoir aux besoins de tous, mais pas à la cupidité de certains.

     Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c'est l'insatiable égoïsme et l'indomptable orgueil des hommes. Remplacez cela par la fraternité et tout sera à sa place.

      Merci à toi lecteur pour ta patience.


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18 réactions à cet article    


  • gruni gruni 12 mars 2013 16:57

    Je suis natif d’une vallée sidérurgique, la vallée de la Fench où se trouvent les hauts-fourneaux de Florange. Alors bien sûr cet article me touche. Toutefois je garde espoir que la métallurgie ne disparaisse pas de ma région ni l’industrie de France.

    Vous avez raison de signaler la dureté de la vie des travailleurs du fer, j’ajoute que les salaires dans ces professions sidérurgiques, comme dans la plupart des travaux manuels ne sont pas à la hauteur de la difficulté ni des compétences requises.

    Merci pour l’article 

    • Gabriel Gabriel 12 mars 2013 17:17

      Bonsoir gruni, tout comme vous j’espère que les dirigeants prendront conscience de cette nécessité. Vous avez les outils et le savoir faire. De plus la survie et la vitalité de toute une région en dépendent.


    • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 13 mars 2013 09:49

      LES 2 BOURREAUX S’ APPELAIENT CHIRAC ET SARKO

      les 2 assassins de l’industrie francaise................


    • Robert GIL ROBERT GIL 12 mars 2013 17:27

      Pour la siderurgie, voici brievement comment depuis 1966 jusqu’a aujourd’hui on en est arrivé la...

      voir : SIDERURGIE, COMMENT EN EST-ON ARRIVE LA ?


      • Gabriel Gabriel 12 mars 2013 17:39

        Les Wendel, voilà une belle brochette d’honnêtes citoyens soucieux de leurs prochains. Le baron Seillière toujours prêt à faire la morale et dispenser ses bons conseils. Le petit lien qui suit fort instructif.

        http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Avalanche-de-plaintes-chez-les-Wendel-523614


      • bakerstreet bakerstreet 12 mars 2013 18:27

        « Et alors, vous devriez vous réjouir que le marché permettent maintenant aux pays sous développés de s’ouvrir à l’industrie ! Etes vous contre l’amélioration du niveau de vie des indiens et des chinois ! »

        Voilà ce que les prédateurs osent invoquer, pour tenter de faire taire les esprits chagrins. Le cynisme de ce système a quelque chose d’inédit. C’est comme si les esclavagistes d’hier évoquaient les mérites du voyage, pour légitimer le commerce tri parties....

        Ce n’était pas par pure générosité, la vieille culture paternaliste d’hier.
        Elle s’adaptait à un monde économique où les barrières de la mondialisation n’avaient pas tout fait sauter.
        La politique en ces temps là dirigeait encore un pays.
        C’était avant que ne viennent les marchands décompléxés, comme ils disent.


        • Gabriel Gabriel 12 mars 2013 19:00

          Bonsoir bakerstreet, l’argument fallacieux qu’ils utilisent, personne n’y croit, même pas eux-mêmes, quoi que répété en boucle sur les radios et les télés cela doit faire tout de même son petit effet.


        • Richard Schneider Richard Schneider 12 mars 2013 18:30

          Très bon article. À rapprocher avec celui de La Râleuse - Qu’est-elle, la France devenue ?

          La disparition de presque toutes nos industries « lourdes » ou « légères » est due au système ultra-libéral qui s’est imposé depuis un plus plus de vingt-cinq ans. 
          Seules comptent la « compétitivité », « la rentabilité » au profit d’un petit nombre de personnes.
          On ne peut même pas compter sur les politiques qui gouvernent : ils sont au mieux incompétents et impuissants, au pire des marionnettes des technocrates de Bruxelles - qui sont bien les dignes serviteurs du Capitalisme international.

          • Gabriel Gabriel 12 mars 2013 19:06

            Vous venez de faire une parfaite synthèse du maux principal en évoquant les dignes serviteurs du capitalisme mondiale.


          • ZEN ZEN 12 mars 2013 18:56

            Bonjour
            Il faut voir ce que sont devenus certains quartiers de Détoit ou de Chicago
            Comme après un tremblement de terre !


            • Gabriel Gabriel 12 mars 2013 19:08

              Merci ZEN pour ce lien, cela devrait en faire réfléchir plus d’un.


            • brindfolie 12 mars 2013 19:28

              Je vous salue Gabriel.

              Quoi-que vous écriviez,c’est toujours magnifique !
              Quelle justesse,quel humanisme.

              Tout simplement,MERCI.


              • Gabriel Gabriel 13 mars 2013 07:22

                Merci à vous de votre lecture. 


              • alinea Alinea 12 mars 2013 19:31

                L’homme de bon sens ne peut pas comprendre dans son âme, dans son coeur et dans sa conscience ce qui se passe actuellement ; c’est le défi d’un pouvoir totalitaire, plus inhumain qu’aucun pouvoir auparavant ! Perdre un savoir-faire est un assassinat ; bien sûr je ne parle pas de l’exploitation faite ailleurs, les transports, l’absurde d’un monde qui déshumanise ; comment ces fous sans chair ont-ils pu ainsi prendre la maîtrise du monde ?
                Pourquoi les politiques complices de ce massacre sont-ils au pouvoir ? Comment ont-ils pu, à un moment, forcément, faire croire à un progrès ?
                C’est triste la fin d’un monde qui ne débouche pas sur un autre, plein de promesses !
                Votre texte transpire la sensibilité et la pudeur ; il touche,en nous toutes ces couches ensevelies sous d’autres couches encore, chaque jour accumulées. Dans la plus parfaite impuissance


                • Gabriel Gabriel 13 mars 2013 07:33

                  Bonjour Alinea,

                  Toutes les civilisations passent par une phase de déclin. La vigilance des peuples c’est atrophiée dans la consommation et endormie dans le confort. L’occident a succombé à la fièvre du paraître et de l’avoir, il est devenu mécanique et matérialiste en sacrifiant la spiritualité de son être et ses liens avec la nature, avec l’autre, son voisin, son frère. Les hommes se sentent impuissant car ils ne sont pas solidaires. Seul une grande catastrophe, une grande misère, un grand choc pourra à nouveau les réunir… Merci de votre si juste commentaire. 


                • Noel2412 13 mars 2013 13:54

                  Et oui, elles sont nombreuses, les entreprises, assassinées. Pas par le gouvernement uniquement, mais bel et bien par une brochette de patrons verreux aux pratiques abominables.

                  Arcelor Mittal, mais aussi PSA, Renault, Publicis, Sanofi, ...la liste est longue concernant ces tristes sirs


                  Mon top perso des patrons ayant le moins de respect pour leurs salariés serait Mittal et Chris Viehbacher

                  • Gabriel Gabriel 13 mars 2013 13:58

                    Trop longue est la liste qui malheureusement s’allonge de jour en jour et trop nombreux son ces dirigeants sans scrupule et dénués d’humanité. Merci de votre passage sur ce post.


                  • Gabriel Gabriel 13 mars 2013 15:33

                    Magnifique poème plein de lucidité qui nous rappel l’interdépendance des êtres et des éléments et la vacuité de la propriété. Merci 

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