L’attentat bactériologique ou chimique n’est plus une hypothèse
Lors de l'examen de la prolongation de l'état d'urgence devant l'Assemblée Nationale jeudi 21 janvier 2016, le Premier ministre a fait part des craintes du gouvernement confronté à un attentat avec des « armes chimiques ou bactériologiques ». Le risque est pris très au sérieux surtout après le vol d'une dizaine de tenues sanitaires de protection dérobées dans un local sécurisé de l'hôpital Necker (Paris). Face à cette menace, la pharmacie des armées a distribué des syrettes d'atropine aux services d'urgence civils en France.

Le 27 juin 1994, la police locale de la petite ville de Matsumoto située à 300 km au nord-est de Tokyo, fut incapable de réaliser qu'une attaque chimique venait de se produire ! Le bilan de l'attaque au gaz sarin commis par la secte Aum fera sept morts et entraînera plus de 500 hospitalisations. L'entreprise criminelle était tellement inconcevable à cette époque, que personne n'en tira de leçons. Neuf mois plus tard, la secte réitèrera son attaque chimique dans le métro de Tokyo. La société allait passer de l'hypothèse à la réalité de cette menace et se préparer à la survenue d'un risque majeur : « un événement qui cause de très graves dommages à un grand nombre de personnes, de biens et à l’environnement, qui par sa gravité et/ou son étendue provoque une situation de crise et l’organisation des secours demande une très importante mobilisation des personnes et des services, voire la mise en place de moyens exceptionnels. »
Presque tout agent infectieux peut servir d'arme biologique : le virus de la variole, de la peste, celui de l'anthrax qui transmet la maladie du charbon dont les spores du bacille peuvent résister pendant plusieurs dizaines d'années enfouis dans le sol. En 1941, l'armée britannique a procédé à des tests sur l'île de Gruinard située au nord de l'Écosse. L'accès de l'île reste toujours interdit ! Peu après les attentats du XI septembre, des parlementaires, des personnalités des médias, des employés de la Poste, commencèrent à recevoir des lettres souillées de spores de la maladie du charbon qui firent cinq morts et 17 malades.
Un journaliste du The Guardian a écrit : « Des terroristes bien formés pourraient facilement recréer le virus de la variole et d'autres virus mortels. Ils leur suffirait de commander par Internet des éléments de base nécessaires à leur fabrication, étant donné le vide juridique à ce sujet. » Contrairement à l'anthrax mortel à 90 % lors d'une contamination pulmonaire, la variole (éradiquée depuis la fin des années 1970), mortelle dans 30 % des cas, suscite les craintes d'un bioterrorisme de masse. Extrêmement contagieuse elle se transmet par contact direct (cutané ou muqueuses) et indirect (respiratoire ou digestive). Toute personne ayant été à moins de deux mètres d'une personne dans les 72 heures ayant précédé l'apparition des premiers symptômes (fièvre et éruption) est susceptible d'avoir été contaminée. Le vaccin antivariolique est aujourd'hui réservé aux chercheurs ainsi qu'aux soldats envoyés sur certains théâtres d'opération.
Il existe 46 banques de virus réparties à travers la planète à disposition des scientifiques et des virus voyagent chaque jour. Au mois d'avril 2009, l'alerte biologique a été déclenchée dans l'Intercity avant son arrivée en gare de Lausanne (Suisse). Un paquet avec huit fioles contenant des souches de virus porcin et de l'acide nucléique s'est déchiré au pied du technicien chargé de leur transport entre l'institut de virologie vétérinaire de Zurich et l'hôpital de Genève. Le virus devait servir à mettre au point un test pour trier les patients contaminés par la grippe porcine des patients souffrant d'une simple grippe !
La toxine botulique qui compte parmi les substances les plus toxiques est aussi la plus facile à cultiver. Les spores de la bactérie anaérobie résistent plus de 30 minutes à une température de 110°C et prolifèrent dans tout aliment riche en glucose (viande et végétaux, notamment les asperges). Une mise en conserve qui ne respecte pas la procédure de stérilisation déclenche immanquablement le processus ! Un gramme de toxine botulique dispersé dans l'air et inhalé peut tuer 20 millions de personnes !
Le 17 janvier 2003, quatre Algériens comparaissaient devant la Cour britannique pour avoir préparé une attaque chimique en utilisant de la ricine, substance découverte dans leur appartement de Wood Green. A Sofia (Bulgarie) au mois d'avril 2004, un homme a aspergé de pesticide (chloropicrine) un groupe de personnes qui faisait la queue. Quarante-quatre personnes ont été blessées.
On a coutume de répertorier six sources de contamination : le sol - l'air - l'eau - les aliments - les animaux - les hommes. L'influenza (virus de la grippe) par exemple, peut être véhiculé par les billets de banque échangés et y survivre jusqu'à dix-sept jours ! L'air est plutôt considéré comme un vecteur de transmission des germes par les fines gouttelettes de salive qu'il transporte. Ces germes peuvent rester en suspension pendant plusieurs heures, et leur taille a une influence sur la région du corps où ils pourront aller se déposer. Les spores d'anthrax contenus dans les enveloppes acheminées par la Poste aux États-Unis mesuraient de 1,5 à 3 mm, présentaient une concentration de 1 trillion (10^12 ) de spores par gramme, ce qui représente une qualité bien supérieure aux spores produits par les laboratoires des armées américaines ou russes ! D'autre part, les spores avaient été enrobés avec un silicate et non de la bentonite pour se répandre plus rapidement... Selon le FBI, 2 500 dollars auraient suffi pour équiper un laboratoire de fortune.
Les agents chimiques sont répartis en agents létaux et non létaux, mais la différence est surtout une question de concentration, de durée d'exposition et de sa vitesse de diffusion dans l'organisme. L'agent chimique (gaz, liquide, poudre, pâte) peut être libéré par dissémination thermique, projection (grenade), pulvérisation ou saupoudrage, et certains produits industriels représentent une menace toute aussi mortelle et de constituer un risque accidentel ( Bhopal, Seveso), ou être la cible d'une attaque terroriste.
La convention internationale sur les armes chimiques interdit l'usage d'agents toxiques dans le cadre d'un conflit, mais elle concède une dérogation aux forces de police dans le cadre du maintien de l'ordre : « les effets ne doivent être que passagers », mais rien n'est précisé pour les autres cas. Nous sommes dans la zone grise des textes internationaux. Moscou le 26 octobre 2002, il est 5 heures exactement lorsque les projecteurs qui éclairent la façade du théâtre de la rue Melnikova s'éteignent, l'obscurité régnante va permettre aux hommes du groupe d'intervention Alpha d'injecter un gaz dans la ventilation. A six-heures trente l'assaut est lancé, il va durer vingt-huit minutes. Les terroristes tchétchènes qui retenaient 700 spectateurs (une centaine est parvenue à s'échapper en profitant de la confusion) venus assister au spectacle musical « Nord-Est » sont neutralisés afin qu'ils ne puissent activer leurs explosifs. La chaîne de secours et le personnel médical arrivent quarante minutes plus tard et les otages évacués pour être dirigés sur les hôpitaux moscovites. Une semaine après l'intervention, le bilan fait état de 119 otages décédés.
Les ambassades étrangères demandent de leur côté quel antidote administrer à leurs citoyens qui se trouvaient dans la salle. Les médecins ignorent tout de l'agent chimique utilisé. On apprendra plus tard qu'il s'agissait de Fentanyl, un opiacé utilisé en chirurgie pour les anesthésies (son antidote, la Naxolone). Le Fentanyl n'est pas mortel en lui-même, mais il est utilisé habituellement par voie intraveineuse ou sous-cutanée et son effet aurait pu être démultiplié par l'effet « vase-clos », l'état de faiblesse des victimes restées sans boire ni manger, mais selon certains toxicologues, le Fentanyl aurait pu être associé à de l'Halothane, un autre anesthésiant et à un solvant gazeux. Quoi qu'il en soit, 85 % de la population se déclara satisfaite de la gestion de la crise.
En France, les antennes du SAMU sont dotées de chambres de décontamination mobiles pour être installées au plus proche des lieux contaminés afin de réduire les transferts de contamination sur d'autres personnes et d'en limiter la dispersion à d'autres lieux. La recommandation première, se placer sous le vent et non au vent, se couvrir le visage avec un textile, si possible humidifié, à défaut plonger la tête dans un sac plastique transparent et s'éloigner de la zone dangereuse ou rejoindre un lieu de confinement le plus rapidement possible et attendre les secours. Si vous êtes dans un magasin par exemple, activez les sprinklers, cela aura pour effet de déclencher un rideau d'eau. En cas de retour dans un appartement, il faut placer tous ses vêtements dans un sac plastique hermétique, prendre une douche et en cas de doute appeler le 15 ou le numéro vert.
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