L’eau, les nitrates et la Justice en Ille-et-Vilaine
Des paroles de candidats confrontées au comportement qu’ils adoptent en situation réelle.
« Vous serez étonné par ma démagogie ». C’est une phrase que l’on prête à Jacques Chirac en 1995 lors de sa campagne pour les présidentielles où il s’est fait élire sur le thème de la fracture sociale et qu’il s’est empressé de passer par pertes et profits en bon démagogue qu’il est.
En voyant tous ces candidats faire allégeance aux idées de Nicolas Hulot, j’ai eu la désagréable impression qu’ils étaient tous en train de copier le comportement de Chirac en 1995.
De quel droit je me permets de proférer de telles affirmations ? Ne s’agit-il pas de pure calomnie de ma part ? Ne serais-je pas en train de jouer le jeu du Tous pourris ?
Tout d’abord cet empressement peut paraître suspect alors que la plupart des candidats ont bien du mal à accoucher d’un programme qui obtienne une majorité au sein de leur parti.
Mais plus sérieusement, pour répondre à ceux qui m’accuseraient de médisance, je tiens à apporter mon témoignage dans un dossier d’environnement et sur lequel trois des partis signataires ont eu à prendre position et ont préféré se ranger du côté de ceux qui détruisaient l’environnement et mettaient en danger la santé des consommateurs.
Il s’agit de la qualité de l’eau distribuée aux abonnés. Plus précisément de l’eau distribuée par Véolia-eau dans la région du Coglais, située au nord de l’Ille-et-Vilaine. Depuis les années 1990, cette eau était saturée par les nitrates et les pesticides de toutes sortes.
Confronté personnellement à cette situation et ayant été victime indirectement de cette eau empoisonnée, je me suis adressé à la justice pour qu’elle mette fin à cette violation du droit de la consommation et de la Santé publique.
En 2000, alors que le PS était au gouvernement, le substitut du procureur de la République prenait une réquisition tendant au refus d’informer. Un début d’instruction a cependant été entrepris dont quatre juges successifs auront eu à se pencher sur le problème et qui se terminera par un non-lieu que confirmait la Chambre de l’instruction le 14 février 2002 en affirmant que si l’eau distribuée n’est pas conforme aux normes de qualité, elle n’a pas pour autant un caractère dangereux pour la santé publique. Tant pis pour les consommateurs confrontés à cette situation... La même légéreté des pouvoirs publics face au problème de l’eau polluée que dans le cas du sang contaminé ou de l’amiante.
Alors que la population était toujours confrontée à une eau polluée par les nitrates et les pesticides, le pouvoir en place n’a pas jugé souhaitable de saisir la Cour de cassation d’une telle ordonnance de non-lieu.
C’est par la citation directe que j’ai décidé de poursuivre le combat pour parvenir enfin à obtenir une eau de consommation qui réponde aux normes nationales et communautaires en vigueur.
Lorsque je me suis adressé au parti des Verts en leur demandant de me soutenir dans ma démarche en se constituant partie civile, j’ai tout d’abord obtenu un accord de principe mais ils ont finalement décidé de renoncer à la constitution de partie civile au motif que, s’agissant d’une première, je n’étais pas assuré d’obtenir gain de cause.
C’est donc sans le soutien d’organisations politiques, sans le soutien d’associations de protection de l’environnement ou de consommateurs, accompagné par une poignée de familles, que je me suis présenté devant les juges du tribunal correctionnel de Rennes.
Après plusieurs renvois, l’affaire était plaidée le 6 septembre 2005. C’était l’UMP qui était alors au pouvoir.
Alors même qu’en date du 28/10/2004 la Cour de justice européenne avait condamné la France pour non-respect de la directive 80/77 concernant les taux de nitrate dans l’eau destinée à la consommation humaine, le procureur de la République n’a pas eu un mot concernant le droit des consommateurs à bénéficier d’une eau conforme aux règles. Par contre, il s’est lancé dans une violente diatribe sur mon entêtement à importuner la justice avec des questions qui ne méritaient aucun intérêt.
C’est sans surprise que le 2 mars 2006, j’étais débouté de toutes mes demandes.
Lors de l’appel du 20 octobre 2006, le procureur était absent.
Je me suis pourvu en cassation à la date du 8 décembre 2006.
Tout cela pour dire que malheureusement, trop souvent, les partis politiques ne tiennent pas les promesses dont ils ont si généreusement abreuvé les électeurs.
Dans ce cas précis j’ai pu constater que confronté à une situation de mise en danger de toute une population par des eaux de consommation polluées par des nitrates et des pesticides, trois des partis qui ont signé la convention de Nicolas Hulot ont pris le parti de la multinationale plutot que celui des simples citoyens.
Peut-on pour autant affirmer que les autres signataires auraient eu le même comportement ? Je leur accorde le bénéfice du doute.
Plus généralement, on est obligé de constater qu’au fur et à mesure que les organisations politiques ont renoncé aux moyens d’action qui leur permettaient de répondre aux besoins fondamentaux des populations qu’elles sont censées représenter et défendre, ce sont d’autres organisations qui ont décidé d’imposer leur point de vue. A ce jeu, les multinationales ont pris une longueur d’avance sur toutes les autres organisations...à tel point que la justice n’a plus le courage ni les moyens de leur imposer la loi commune.
Ce qui est encore plus dramatique c’est que les partis politiques ne semblent pas être les seuls à avoir renoncé. Les associations de consommateurs et les syndicats se montraient intéressés par cette question mais il suffisait d’évoquer le nom de Véolia et ils me faisaient gentiment comprendre que le sujet n’était pas une de leurs priorités.
Dans les médias, c’était encore plus caricatural. Il n’y a eu que France 3 Ouest et France Culture pour aborder le sujet. La palme revient à Ouest France qui, fort de son monopole sur l’Ille-et-Vilaine, a refusé de passer un communiqué invitant la population à une réunion publique d’information sur le sujet.
Pour ceux que cela intéresse, je donne les références de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er décembre 2006 : N° 2051/2006 et le pourvoi en cassation est enregistré sous la cote D0689083.
A l’occasion de cette affaire, j’avais créé un site Web http://home.tele2.fr/droitalo où j’évoquais cette affaire.
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