Ce tiers secteur pris au sens large des vocables actuels (économie sociale et solidaire, responsabilité sociétale, entrepreneuriat social, social business, commerce responsable) devrait à l’horizon 2020 générer - dit-on - près d’un million d’emplois potentiels.
En plein développement, mais proposant pour l’heure peu de débouchés visibles, le secteur semble encore en phase de structuration.
Il s’agit plus d’un joyeux fatras où se mélangent des aspirations à la solidarité, l’éthique, la responsabilité dans les entreprises et des niches de production récentes, à l’image du commerce équitable, de l’éco-habitat, voire même du micro-crédit.
Les associations, coopératives, banques, mutuelles de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), fondations, organismes d’insertion et entreprises du commerce équitable ont été les premiers à monter au créneau.
Derrière elles, et cherchant à valoriser leur image, les entreprises du secteur de l’énergie et de l’environnement (AREVA, TOTAL, VEOLIA....) investissent actuellement ce créneau en créant de nouveaux métiers.
Certains des nouveaux postes créés, comme celui de chef de projet développement durable, pourront ainsi convenir aux ingénieurs polyglottes et mobiles et à ceux des R.H qui rêvent de nouvelles relations sociales dans le monde du travail, il y a celui de « responsable diversité » très en vogue dans les grands Groupes.
Toutefois, si les grandes entreprises affichent la solidarité, l’éthique, la responsabilité sociale, il faut bien reconnaître que ce sont plus souvent de grands mots que de pratiques.
Récemment, le Crédit Coopératif, faisait du « bonheur » le thème de sa rencontre nationale annuelle, avec le slogan « quand la mer se retire, que voit-on de l’économie sociale ? ».
Bonne question qui risque fort de contourner celles qui fâchent.
L’actualité est là pour nous rappeler au quotidien que ces mêmes entreprises, qui tentent de nous convaincre de leur volonté à faire notre bonheur, n’hésitent pas à fermer des sites au nom de la compétitivité mondiale, alors même qu’elles engrangent d’indécents bénéfices.
De même, faut-il croire une banque qui dit cultiver sa différence, quand elle délivre peu ou prou la même potion amère à ses clients en mal de trésorerie ?
Alors, comment concilier cette aspiration à contribuer au bonheur individuel et collectif avec les impératifs de rentabilité et de croissance des organisations ?
Le bonheur et la croissance sont-ils compatibles sans un changement profond des méthodes de management, sinon de la finalité même de l’entreprise ?
C’est ce que certains tentent de faire en préférant le statut de SCOP à d’autres, avec l’idée d’une nouvelle gouvernance, plus orientée vers l’éthique, la frugalité et la passion de partager un projet d’entreprise, source (peut-être) de bonheur individuel et collectif futur.
Toutefois, même si ce statut est bien dans l’air du temps, il est à craindre qu’il ne subisse lui aussi le sort d’une utopie politique, certes plus radicale, mais aujourd’hui enterrée : l’autogestion, ce fantasme révolutionnaire des années 68.
Force est de constater que l’individualisme est encore plus puissant, témoin le succès du statut d’auto-entrepreneur.
Alors, si les SCOP sont revenus de mode, c’est autant aux épisodes récents de lock-out de sites industriels qu’aux méthodes brutales de management mis à jour par la presse, à l’occasion des suicides chez France Télécom, qu’elles le doivent.
Beaucoup d’entrepreneurs et de salariés veulent vivre autre chose et c’est tant mieux. Les SCOP sont une formidable espérance, mais ne rêvons pas…
D’ailleurs, l’exigence de civisme dans les milieux bancaires, révélée par la crise boursière, est en train de faire long feu…
Sans jeter le bébé avec l’eau du bain, il faut être borgne pour ne pas voir qu’une certaine forme de récupération médiatique est à l’oeuvre, qui pourrait bien se retourner contre ceux qui très vite trahissent l’esprit et la lettre de ce qu’ils professent...