• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > L’effet du coca sur le cerveau et sur les nappes

L’effet du coca sur le cerveau et sur les nappes

À l’heure où Coca fait sa pub à renfort d’ex-rockers imbibés, les femmes de la province du Kerala ont remporté une victoire en justice contre les abus de pompage de la multinationale américaine.

 A regarder le dernier spot publicitaire de la firme Coca-Cola, il y a bien de quoi rire. Le groupe Kiss est mis en scène dans une révision de son histoire qui ne déplairait pas aux électeurs du Mississipi ni aux groupuscules peu musicaux de certains Etats du sud des Etats-Unis.

On y voit en effet quatre garçons éthérés, insouciants au point de venir jouer de l’harmonica et du banjo, maquillés d’un fond blanc sur le visage, le tout au nez des afro-américains d’un quartier comme le Bronx. Réaction quasi-pavlovienne des habitants du quartier noir : leur courir après.. ( bonjour le cliché raciste, mais aux States c’est peut-être une réalité communautariste). Les garnements, tout de blanc grimés, regagnent une piaule où, récompense après l’effort, ils trouvent quelques canettes dans le frigo, s’essuient le visage, et comme si l’envie leur prenait de pousser la provoc’ un peu plus loin, rajoutent sur le visage quelques signes, en noir, où l’on reconnaît immédiatement l’étoile et le chat des célèbres Kiss. Leur sortie au milieu des filles du quartier sonne comme un coup de tonnerre, laisse les garçons noirs pantois et impuissants. On sent déjà l’effet du Coca se produire. Soudain, l’un des membres du groupe métamorphosé a une idée géniale : et au lieu de jouer du pipeau, si on montait un groupe de rock ? La suite est connue sur le refrain de “I was made for loving you”. Le succès est planétaire, planétaire est celui de Coca-Cola  ? Le procédé a quelque chose de comique et pervers à la fois. Premier acte, de l’action, une séquence anxiogène. Acte deux, une séquence anxiolytique, le repos du guerrier primitif. Acte 3, la révélation, un rêve qui se réalise. Une gradation : difficultés/Coca/ succès : la recette du Coca enfin dévoilée. L’histoire des Kiss, volontairement réduite à une fiction, dont la contrepartie en espèces sonnantes et trébuchantes n’a sûrement pas fait reculer la maison de disques des ex-rockers.

Mais tout de même, nous faire insidieusement avaler qu’une boisson, quelle qu’elle soit, puisse produire un effet psycho-tonique sur un benêt au point d’allumer en lui une idée lumineuse, ressemble à une incitation subliminale à la consommation de substances actives, celles dont les quartiers noirs (justement) de ce pays “de la liberté” fournissent les quartiers huppés...

On ne peut ignorer la parenté -même phonétique- entre Le Coca et La coca, dont son concepteur vantait les “effets” curatifs voici plus d’un siècle. (D’ailleurs tous les pays latins, sauf la France, prononcent LA coca pour la substance et la boisson ). C’est aussi pour les besoins du scénario, s’engager sur les rails de la société du tout-paraître, puisque dans le film publicitaire, les Kiss se révèlent en tant que tels dès qu’ils en ont inventé le look. Aujourd’hui, au grand dam des musiciens qui se cassent le trognon à faire 15 ans d’études, quelquefois pour aucun emploi, on formate des stars en trois mois dans certaines “académies” avant même de leur avoir appris trois notes de solfège. Ici, les Kiss ont, semble-t-il, eu envie de changer de répertoire au cours de cette folle journée dont le point d’orgue était, évidemment, l’ingestion de la boisson miraculeuse.

Des nappes phréatiques sèches, des sols pollués.

Un autre miracle a eu lieu en Inde, où les usines de cette boisson, et une autre qui y ressemble, ont provoqué ces derniers mois l’ire des paysans du district de Palaghat, au Kerala et surtout des femmes de paysans. Ceux-ci viennent de gagner une guerre sans précédent contre les deux multinationales Pepsi et Coca. Les usines de Cola, installées avec l’approbation et les subventions du gouvernement indien, n’ont rien fait d’autre qu’assécher la région en pompant les nappes phréatiques au-delà de 100 mètres. Les nappes n’y ont pas résisté, avec 1 million et ½ de litres d’eau pompés par jour et par usine, les paysans se sont retouvés avec une perte de 30% de leur culture de riz cette année : la fabrication de Coca requiert 9 litres d’eau potable pour produire 1 seul litre de boisson gazeuse diabétogène. (Dans un pays qui meurt de soif et où les paysans vont chercher l’eau à dos d’homme, voilà qui est fort de café !)

Enfin, en décembre 2003, le tribunal de la province du Plachimada a réussi à faire fermer l’usine par une décision d’un juge compétent, qui écrit : « La doctrine de la confiance publique repose avant tout sur le principe voulant que certaines ressources telles que l’air, l’eau de mer, les forêts ont pour la population dans son ensemble une si grande importance qu’il serait totalement injustifié d’en faire l’objet de la propriété privée. Lesdites ressources sont un don de la nature et devraient être gratuitement mises à la disposition de chacun, quelle que soit sa position sociale. »...« Puisque cette doctrine impose au gouvernement de protéger ces ressources de telle sorte que tout le monde puisse en profiter, il ne peut autoriser qu’elles soient utilisées par des propriétaires privés ou à des fins commerciales (...). Tous les citoyens sans exception sont les bénéficiaires des côtes, des cours d’eau, de l’air, des forêts, des terres fragiles d’un point de vue écologique. En tant qu’administrateur, l’Etat a, de par la loi, le devoir de protéger les ressources naturelles, qui ne peuvent être transférées à la propriété privée. »

Mais dans une autre province, le gouvernement n’a pas réussi à en faire autant pour le concurrent de cette multinationale bien connue : une sombre histoire de corruption est venue à bout des actions en justice réclamées par les paysans. Le producteur de boisson salissante et sucrée a refusé de livrer sa recette et de mettre au jour les polluants rejetés dans les rivières avoisinantes. Des laboratoires indépendants ont donc fait -sur mandat judiciaire- les analyses et ont trouvé à l’embouchure des usines du plomb et du cadmium, sans préciser si pareilles traces étaient présentes dans les bouteilles.

C’est en filigrane tout le problème du partage des richesses et des ressources, leur destination, qui apparaît d’une manière autrement plus sensible que dans nos pays, pour l’instant.

Lire l’article de Vandana Shiva Directrice de la Research Foundation for Science dans Le Monde Diplomatique de mars 2005.- http://www.monde-diplomatique.fr/2005/03/SHIVA/11985?var_recherche=kerala

Mais aussi en France, l’article de Coupechoux sur l’exemple de Jacques Drapier, Maire de Neufchâteau. http://www.monde-diplomatique.fr/2005/03/COUPECHOUX/11984


Moyenne des avis sur cet article :  3.86/5   (7 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès