L’égalité politique : une solution à la crise de la démocratie ?
À l'heure où l'on s'interroge sur une nouvelle forme de représentation, une Assemblée Nationale où l'égalité politique des députés serait proclamée, est une piste jusqu'ici inexplorée. L’égalité politique part du principe que toutes les idées sont recevables politiquement et que c'est le vote d’une Assemblée populaire ou du peuple souverain qui les départage.

L'égalité politique signifie que pour toute initiative de loi déposée devant l'Assemblée Nationale, tout député, groupes de députés ou groupe de citoyens tirés au sort a le droit de présenter son propre projet. L'égalité politique implique, de facto, l'existence de deux assemblées : une première qui écrit la loi, et une seconde qui vote la loi. Si la première assemblée serait composée majoritairement de députés élus (95 %), la seconde, l'Assemblée du Peuple, serait composée exclusivement de citoyens tirés au sort.
Avec l'égalité politique, l’Assemblée du Peuple ne voterait pas pour ou contre un seul projet, elle aurait le choix entre plusieurs projets qui pourraient être présentés aussi bien par des groupes politiques que par des députés non inscrits ou par des citoyens tirés au sort.
Mais qui serait à l'initiative des lois ? Examinons qui pourrait être légitime à prendre une initiative.
En premier lieu, on pense aux députés du groupe majoritaire, ensuite on pourrait estimer que les groupes d'opposition, à partir d'un certain nombre de députés, auraient eux aussi le droit de réclamer un certain nombre d'initiatives (pas autant que le groupe majoritaire).
L'exécutif serait sans doute également légitime à proposer des lois (mais pas dans tous les domaines) et à condition que l'on instaure le mandat impératif.
Le peuple, via des conventions citoyennes tirées au sort ou via le Conseil Économique et Social, serait naturellement légitime à présenter des projets, notamment les projets sociétaux, environnementaux ou éthiques.
Toute modification de la constitution ou visant la souveraineté nationale serait obligatoirement approuvée par référendum.
Débats à l'Assemblée du peuple
Les projets de loi pourraient être déposé devant l'Assemblée du peuple selon 2 modalités différentes : le ou les auteurs pourraient choisir de rester anonyme afin de ne pas influencer les membres, ou au contraire ne pas choisir l'anonymat. Dans ce dernier cas, il serait accordé au rapporteur un temps de parole pour défendre son projet.
Pour délibérer et discuter, il serait préférable que l'Assemblée du Peuple se scinde en petit groupes afin d'éviter un effet de masse non propice au débat.
Après 1 à x jours de débat, on procèderait à un vote préférentiel. L'avantage d'un vote préférentiel serait de tenir compte non seulement des votes pour mais aussi des votes contre, cela permettait d'écarter les projets trop clivant.
Ou alors en partant du principe que de bonnes idées peuvent émerger de n'importe quel parti, on pourrait imaginer un mixte des différentes proposition de lois.
Les lois seraient adoptées ou rejetées à la majorité absolue un peu comme cela se passe lors d'un vote d'une résolution dans une assemblée de copropriétaires.
Organisation des contrepouvoirs
Il serait sans doute sage qu'il y ait un contrepouvoir à l'Assemblée du Peuple. Il me semble raisonnable d'accorder aux députés un droit de rejet d'une loi votée par l'Assemblée du Peuple, il faudrait pour cela un vote de plus de 75% de l'ensemble des députés. En cas de rejet, les porte-parole des députés ayant voté contre auraient l'obligation d'expliquer devant l'Assemblée du Peuple les raisons de ce rejet et de faire des propositions afin de trouver un consensus.
En cas de désaccord persistant, il y aurait 2 possibilités :
Soit il s'agit d'une loi organique, auquel cas l'Assemblée du peuple pourrait demander la tenue d'un référendum.
Soit il s'agit d'une loi ordinaire, l'Assemblée du Peuple aurait la possibilité de dissoudre l'Assemblée Nationale si plus de 75% de ses membres votent pour.
L'évaluation des lois
Une fois votée, l'efficacité des lois serait jugée à intervalle régulier. Une première fois par exemple au bout de 6 mois, puis au bout d'un an et enfin tous les 2 ans, etc.
Cette mission d'évaluation pourrait être confiée au Sénat. Les sénateurs jugeraient de l’applicabilité de la loi et seraient force de proposition pour les améliorer. Les lois jugées mauvaises, inutiles, inefficaces ou obsolètes reviendraient devant l'Assemblée Nationale pour y être abrogées ou remaniées.
Punitions, récompenses et reddition des comptes
A l'issue de leur mandat de 5 ans les députés rendraient des comptes, ce qui est logique dans une démocratie. Les meilleurs éléments, ceux qui auraient le plus contribué à l'élaboration de bonnes lois seraient récompensés. Personnellement cela ne me choquerait pas qu'un député qui aurait travaillé sans compter ses heures pendant 5 ans et qui aurait œuvré pour l'intérêt général touche une prime de 100.000 euros. En revanche les tire-au-flanc ou ceux ayant été à l'origine d'une loi désastreuse seraient pénalisés.
La reddition des comptes pour les citoyens tirés au sort me paraît également nécessaire de manière à les responsabiliser un minimum et à les inciter à ne pas voter n'importe quoi.
Conséquences, avantages et inconvénients
- L'égalité politique implique que l'Assemblée Nationale soit élue à la proportionnelle. Plus le curseur pour obtenir un élu sera faible, plus la diversité des élus sera grande et plus le débat démocratique sera intense.
- Si le scrutin est proportionnel, il n’aurait probablement pas de parti majoritaire ce qui ne serait en aucun cas un problème puisque ce serait l’Assemblée du peuple qui aurait le dernier mot. L’égalité politique favoriserait les petits partis car le vote utile se ferait en leur faveur.
- Les lois qui seraient sûres d’avoir une forte opposition ne seraient pas proposées, (comme celle pour la privatisation d’ADP et celle sur Notre Dame) on éviterait la tyrannie de la majorité. Les députés feraient le nécessaire pour adapter les lois aux attentes de la population.
- Peu importe qu'un ou deux députés farfelus puissent être élus, car ce ne sont pas ceux qui écrivent les lois qui les votent.
- L'égalité politique implique aussi l'égalité devant l'élection. Quelle que soit l'élection, il faudrait créer un site Internet officiel où tous les candidats déposeraient leur profession de foi, ce qui permettrait de comparer les projets. Les candidats n'auraient plus besoin de dépenser une fortune pour se faire connaître. Les bulletins de vote seraient imprimables en ligne sur ce site.
- Le mot démocratie reprendrait tout sons sens. Le peuple serait réellement souverain, et cela ne partirait pas dans tous les sens à condition que tous les acteurs soient responsabilisés et que l'on instaure les bons contrôles.
- Un député non-inscrit pourrait à lui tout seul être à l’origine de nombreuses lois votées à l'Assemblée du Peuple. Où serait le problème ? Si une loi est jugée bonne, peu importe la couleur du maillot de celui qui l'a écrite.
- Les lois écrites dans un jargon incompréhensible seraient probablement rejetées.
- Le rôle du député serait revalorisé, il retrouverait sa fonction première qui est d'écrire des lois. Une loi pourrait également être rejetée sans que cela entraîne dissolution de l'Assemblée Nationale.
- Le rôle des sénateurs serait revalorisé également puisque le Sénat deviendrait une sorte de contrepouvoir régulateur.
- Le pouvoir exécutif, qui est le plus dangereux de tous les pouvoirs, n'interviendrait plus dans la rédaction de la loi ; il se contenterait de proposer (un peu) et surtout d'exécuter.
Conclusion
Le système actuel basé sur l'inégalité politique de nos représentants est un non-sens démocratique absolu qui va à l'encontre de l'intérêt général. La proclamation de l'égalité politique, comme nouveau droit fondamental, pourrait bouleverser la conception de la démocratie.
L’Assemblée Nationale, telle qu’elle fonctionne actuellement, est le contre-exemple de ce que devrait être une démocratie. Les citoyens commencent à prendre conscience qu’il faut scinder le pouvoir législatif en deux avec une chambre qui écrit et une chambre qui vote. Dans un précédent article, je proposais même de le scinder en trois en y ajoutant une chambre en amont qui serait à l’initiative des lois.
Pourtant la démocratie réelle fait peur à une large majorité des Français et plus encore aux élus. L'analyse que je fais de cette peur est qu'une majorité de nos concitoyens sont effrayés à l'idée qu'une mauvaise loi soit écrite ou votée par des citoyens tirés au sort. Il y a une injustice car à l'heure actuelle on ne compte plus les mauvaises lois votées par les députés ; mais comme ce sont des personnes élues, il y a une meilleure acceptation car on pense les avoir choisis.
Aussi, expérimenter pour de vrai la démocratie est indispensable, car ce qui fait peur c'est ce qu'on ne connaît pas. Une expérience démocratique à petite échelle permettrait d'évaluer le système, d'apprécier les avantages et de corriger les défauts.
En 2018, 166 lois ont été votées par l'Assemblée Nationale. Une expérience sur au moins 3 lois dans des domaines différents serait riche d'enseignement. Du côté des députés, cela permettrait de dé diaboliser la démocratie et, du côté des démocrates, cela montrerait qu'il n'est peut-être pas aussi simple qu'on le pense d'écrire des lois.
L’égalité politique permettrait de réconcilier les Français avec leurs représentants, avec la politique et avec les élections. Il est difficile d'en imaginer toutes les conséquences ; celles-ci ne seraient pas que politique, elles iraient bien au-delà. Cela insufflerait de l'espoir et donnerait un nouvel élan au peuple Français qui en a bien besoin actuellement.
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