L’émergence de la démocratie
C’est ainsi que le quotidien américain « Wall Street Journal » titre son éditorial du 11 novembre dernier au sujet des événements récents en Bolivie.
« Les véritables héros de la rébellion populaire contre l’ex président bolivien Evo Morales s’appellent Luis Fernando Camacho de Santa Cruz et Marco Antonio Pumari de Potosi, deux protagonistes qui devraient absolument faire partie du prochain scrutin présidentiel. »
A l’instar du président américain, qui déclara, lors d’un bref instant de lucidité, au sujet du pétrole en Syrie, en citant Jules César, « To the victors go the spoils », le « Wall Street Journal » a le mérite de ne plus faire l’effort de cacher son jeu.
Les « butins » césariens, dans le cas de la Bolivie, sont précisément, d’un côté, la province de Santa Cruz, riche en gisements de gaz, proie à des velléités sécessionistes en 2008, menant à l’expulsion de l’ambassadeur américain Phlip Goldberg pour son rôle dans l’instigation des émeutes, et Potosi, gardienne d’un autre trésor, éminemment plus stratégique, le lithium, une composante essentielle, utilisée dans la fabrication d’ordinateurs, de téléphones portables et de batteries pour voitures électriques, dont la Bolivie partage avec le Chili et l’Argentine 70% des réserves mondiales.
Le 4 novembre dernier, juste avant le putsch militaire, le gouverneur de la province de Potosi, Juan Carlos Cejas, annonce, avec regret, l’annulation du décret 3738 du 7 décembre 2018, émis par le cabinet ministériel du gouvernement Morales, décret instaurant une « joint-venture » entre « Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB) », une entreprise publique, majoritaire à 51%, et la société allemande « ACI Systems », choisie en tant que partenaire stratégique dans l’exploitation et l’industrialisation du gisement de lithium du lac superficiel de sel d’Uyuni, estimé à 10 millions de tonnes. La société allemande projetait un investissement, à terme, de 1,3 milliard USD.
Le gouvernement bolivien cède ainsi aux pressions du mouvement des droits civiques « Comité civico de Potosi », sous la présidence de l’activiste Marco Antonio Pumari, qui demandait, à part la démission immédiate du président pour fraude électorale présumée, pour l’exploitation du lithium, une augmentation, des 3% de royalties prévus à 11% en faveur du trésor public de la province. Le gouverneur commente la décision gouvernementale de façon sibyllin : « Un jour nous saurons peut-être qui a agi pour le bien de la province. »
Quoi qu’il en soit, l’annulation abrupte du projet n’a pas dû réjouir Peter Altmaier, ministre allemand de l’économie et de l’énergie, qui avait des ambitions pour l’industrie automobile allemande : « L’Allemagne pourrait devenir un important centre de production de batteries pour voitures électriques », un marché actuellement dominé par la Chine avec 50% de part de marché.
Seulement l’ex président bolivien ne l’entendait pas de cette oreille, car celui-ci visait plutôt une production indigène de composantes électroniques contenant l’élixir vénéré. Son gouvernement avait déjà libéré 800 millions USD pour la création d’une future industrie bolivienne du lithium, « capable de fabriquer une Toyota bolivienne propulsée par du lithium. »
Surement aurait-il dû faire, dans un premier temps, quelques concessions au partenaire allemand, car la mise en place d’une logistique importante, inexistante actuellement, compatible avec des considérations écologiques, aurait demandé des investissements colossaux. En effet, dans un premier temps, 80% du lithium extrait était destiné à l’export, vers les usines de Wolfsburg et Munich selon le PDG du partenaire allemand « ACI Group ».
L’émergence de la démocratie veillera sans doute à ce que le partenaire allemand sera remplacé au plus vite.
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