L’enfance du monde
J'ai 47 aujourd'hui, ni jeune ni vieux, je me sens adulte dans un monde dont je perçois l'enfance...
L'âge et le temps sont bien relatifs, et avant toute théorie scientifique, c'est juste une manière bien humaine d'appréhender notre monde, tout, nous et l'univers.
J'ai eu des âges incommensurables à imaginer, depuis les « dans 5 minutes » de mon enfance aux milliards d'années de l'univers. Les deux ne pouvant rien m'apprendre d'autre qu'à patienter et relativiser.
Relativiser mes jours comptés, ma vie, à celle du reste du monde, qu'il soit infini ou le mien qu'il soit peuplé ou vide, qu'il soit espace ou abstraction.
J'en ai donc une impression qui m'humanise quelle que soit l'échelle et quel que soit ce que j'appréhende. Le temps, l'âge du temps, l'âge du monde...
Alors mon âge en fait importe peu, c'est juste ce que j'en ressens qui me situe dans ce monde.
Mais c'est là que j'ai un problème existentiel.
Suis-je en décalage ?
Mon espace temps, ma conscience du monde et son âge ne collent pas.
Oui il est vieux, bien plus vieux que nous, il existait bien avant l'homme, 13,7 milliards d'année pour l'univers à l'horloge scientifique du big-bang... et quelques nanosecondes surement...
Et notre monde depuis le pré-humain Toumaï serait de 7 millions d'années, moins de 0,20% de l'age de la terre née elle avec le système solaire environ 4,467 milliards d'année avant.
Moins de 7 millions d'années pour devenir homo-sapiens dans les derniers 50 000 ans.
Homo sapiens, « homme sage » que l'éthologie définie par la complexité de nos relations sociales, l'utilisation du langage, la maitrise du feu, la domestication végétale ou animale, la fabrication d'outil, ainsi que notre aptitude à l'abstraction et l'introspection.
C'est à partir de là que je nous classe dans l'enfance.
Quelle que soit l'échelle considérée, temporelle ou caractéristique de notre évolution, notre espèce est encore très jeune !
Et moi je me sens plus vieux.
La complexité et l'obsolescence de nos systèmes sociaux m'afflige.
Notre communication par l'utilisation du langage est un balbutiement d'idées en mots.
Notre maitrise du feu est devenue terrifiante.
Notre aptitude à la domestication dégénérescente.
Nos outils plus que dangereusement efficaces.
Et nos facultés d'abstraction et d'introspection embryonnaires ne nous font pas grandir.
Homme sage ! Presque un peu présomptueux non ?
A l'évidence il nous faut du temps, beaucoup de temps. Il nous en faudra encore plus pour justifier le nom de notre espèce, et passer à la suivante.
Dans quelle évolution suis-je embarqué ?
L'aventure est belle, l'opportunité peut être exceptionnelle pour l'univers et la vie, de pro-création en création nous pouvons transcender cet homme sage en quelqu'un d'autre et évoluer encore.
Même mon âme vibre quand j'y pense, pré-consciente prémonition ?
L'homme sage sait qu'il est un bébé de cette évolution.
Il est la récente dernière évolution de la vie dans sa complexité exponentielle.
L'aventure est vraiment belle pour nous, l'espèce la plus aboutie parmi les espèces en évolution, la vie dans sa complexité la plus évoluée connue par nous.
Et en pleine conscience en plus, quelle responsabilité depuis la naissance du vivant !
Mais n'est ce pas un peu trop tôt ?
Je veux parler de cette responsabilité, indissociable de la conscience, d'être aussi récent dans cette évolution et d'en porter toute la valeur.
Sommes nous prêt à l'assumer ?
En sommes nous bien même conscient ?
Vraiment ?
Alors, j'ai peur d'être trop âgé dans une espèce trop jeune.
J'ai peur de mon espèce.
Heureusement nous créons sans cesse de nouvelles civilisations !
Civilisations.. !!
Les grandes étapes de nos relations sociales.
Que d'aboutissements.
Que d'intelligences, d'idées, de concepts, de cultures, de croyances,d'organisations, que de systèmes mis en œuvre pour vivre ensemble et nous civiliser, nous les hommes sages.
De nos premières relations sociales entre homo sapiens, dansant, chantant, discutant et dormant autour d'un feu, à ce jour, quel progrès ! C'est incontestable.
A nos relations sociales primitives se sont ajoutés l'art, l'agriculture, le travail, l'écriture, le commerce, la science, l'organisation en état, l'habitat en ville, et toutes les normes de comportement associées.
Ces normes ont beaucoup changé au gré des civilisations, même si quelques grandes valeurs se sont dessinées au fil du temps et deviennent communes à presque toutes les civilisations.
L'une des plus remarquable depuis notre éveil à la conscience est peut-être le respect de la vie.
Nos idéaux de relations sociales aujourd'hui nous la font respecter presque comme une condition éthique à notre condition d'être humain, cet homme sage.
En respectant la vie, en adoptant cette norme, on ne tue pas !
Enfin pas entre nous.
Et sauf en cas de guerre.
Là la norme disparaît sous les raisons d'États détenant le monopole de la violence.
C'est inhumain certes, mais ce n'est pas une responsabilité d'homme... c'est celle d'un État.
Un peu comme une société à responsabilité limitée.... une super personne morale mais dénuée de la responsabilité morale d'un homme.
C'est bien sur toujours valable pour le dernier cri en matière de civilisation.
On a pas encore osé développer de modèle sans cette particularité en 50 000 ans !
S'il est presque excusable que les premières civilisations aient eut besoin de ne pas respecter ce fondement même de notre condition d'homme sage.. et conscient, tel un organisme vivant animal en proie à ses besoins de prédation pour survivre, il est plus étonnant depuis que l'on a conscience que notre survie n'a pas besoin de prédation que nous continuions à construire des modèles sociaux ou cet instinct prédomine.
Serions nous inéluctablement condamné à vivre et procréer cette vie dans cette condition animale ?
Ne percevez-vous pas comme moi, individuellement, que nous pouvons enfanter autre chose, qu'une évolution de l'espèce est en train d'aboutir à un développement de la vie dégagé de cette primitivité ?
Je le ressens, individuellement, comme si mon cerveau développé depuis des millions d'années d'évolution allait éclore comme un fruit mûr. Une graine en gestation dans cette mutation permanente qu'eut la vie sous ces différents règnes, du végétal à l'animal, évolution intrinsèque à la vie même se renouvelant en créant continuellement.
Alors dégagé de mon orgueil d'humain, je me perçois dans le fil d'évolution de la vie, comme une voie explorée en devenir, en mutation, ou condamnée à s'éteindre par elle même bloquée dans sa propre évolution, par inadaptation à notre conscience « d'être » dans notre environnement.
A ce jour rien n'est gagné, nous ne sommes qu'une espèce dans le règne du vivant.
Les civilisations évoluent, et tout est une question d'échelle encore une fois pour affirmer ce point de vue. Des pré-hommes à nos jours les constructions sociales ont régies ce que l'on nomme civilisations. Mais quelles différences avec d'autres organisations animales ?
Les plus évoluées du règne animal sont empêtrées, bloquées dans leur évolution par leur nécessité de prédation et leurs prédateurs.
Quelle différence avec nous ? Dans quelle mesure avons nous évolué ?
Parce que nous sommes devenus les super prédateurs de cette planète ?
Quel avenir s'en dégage ?
Nos civilisations sont en marche, en progrès, certes, mais dans quelle direction ?
Qui gouverne le navire ?
Personne, ou ponctuellement certains, visionnaires ou opportunistes, rares sont les décideurs, il s'agit plutôt d'une évolution inconsciente au grès de nos découvertes, organisées alors dans de nouvelles règles, au grès des lois qui nous gouvernent et qui s'imposent au fur et à mesure que nous les découvrons. Alors nous édifions de nouvelles règles dans nos relations.
J'ai de plus en plus le sentiment qu'elles nous détournent de l'essentiel au profit d'un hasardeux jeux de société.
Le pire est pour moi de comprendre que certaine règles s'imposent aujourd'hui nécessaires : se défendre, faire des guerres, gagner plutôt que perdre, mais contre qui ?
Et pour quel enjeu ?
Et bien contre nous mêmes ! Ne rêvons pas. Le danger est aujourd'hui bien plus inhérent à notre espèce que contre toute autre.
Cet homme sage n'est pas réveillé partout, et le prédateur que nous sommes est encore cannibale, il faut bien s'en défendre. Les règles édictées n'en sont qu'un garde fou.
Nos civilisations n'ont encore qu'un but.... nous civiliser.
C'est là où j'enrage sur les règles hypocrites de nos sociétés, établies pour nous permettre d'y vivre et d'évoluer, elles démultiplient l'instinct de prédation contre nous même, nous opposant au but dans des règles détournées.
Comment en effet cautionner une règle du jeu basée sur des lois qui protègent et encouragent la destruction, le pillage de notre propre maison, cette belle planète ?
Comment cautionner un système économique basé sur les pénuries, le manque, le besoin, l'offre, la valeur, le commerce, l'achat, entre celui qui a et celui qui n'a pas ?
Comment cautionner encore plus hypocritement que pour garder l'élan de civilisation on doit se résoudre aux guerres, aux tueries, aux génocides d'autres espèces et même de la notre pour favoriser notre progression ?
Comment peut-on espérer nous dégager de cet instinct de prédation si notre organisation en société ne fait que nous y encourager ? Jusqu'à y voir une société qui se bâti en super-super-prédateur contre ceux la même pour qui elle est créée.
Je me sens perdu dans un monde trop fou inconscient et irresponsable face à l'enjeu.
J'ai vraiment peur de mon espèce.
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