L’enfer du tri des déchets...
Vous vous souvenez de cet extrait des Temps Modernes de Chaplin ? L'univers de l'usine est bien évoqué avec ses cadences infernales, la mécanisation de l'homme, conditionné pour travailler le plus possible : le travail aliène l'individu, transforme l'homme en une machine, car on lui demande toujours plus de rendements et d'efficacité.
On pourrait penser qu'à notre époque de telles conditions de travail auraient disparu en France.
Eh bien non !
Dans la série Cash investigation, sur France 2, on nous montre l'envers du décor du tri des déchets : terrifiant !
"Dans une usine Paprec de la Courneuve, les ouvriers dénoncent des conditions de travail difficiles et dangereuses : des manutentionnaires sans casque à proximité d'un engin dont les griffes métalliques se balancent près de leurs têtes...
Au lieu de trier les bennes de papiers au sol, des travailleurs sont en équilibre sur des tapis roulants sur lesquels sont déversés directement les déchets...
D'autres ouvriers relégués dans des cubes en béton, des trieurs ramassent à la main des tas de papiers dans des nuages de poussières.
Un journaliste s'est fait embaucher en 2020 comme agent de tri dans un centre de tri dernier cri.
Une employée est alors chargée de le former. D'emblée, elle évoque ses problèmes de santé qui seraient liés au travail : "D'après ce que disait ma rhumato, elle trouve que c'est pas normal que la douleur soit aussi intense malgré tous les cachets que je prends..."
La formatrice revient d'arrêt-maladie mais ne semble pas guérie.
Le poste de travail se trouve dans ce qu'on appelle : la cabine... c'est la dernière étape du tri après les machines automatisées.
Le journaliste prénommé Grégoire va alors commencer à travailler sur les tapis de tri : journaux, revues, magazines. Il faut enlever les cartons, les plastiques.
Une cadence infernale ! Car le tapis déroule les déchets à vive allure....
Deux heures de tri non stop, puis changement de tapis et nouvelles consignes : là encore, il faut repérer les intrus en un clin d'oeil.
Des gestes automatisés, le corps qui devient une machine, l'esprit qui doit suivre la cadence et qui s'épuise aussi.
Mettre tous ces emballages dans la poubelle jaune, pour les habitants, c'est sûr, c'est plus simple. Mais pas pour les ouvriers des centres de tri : c'est beaucoup plus de déchets et plus d'emballages différents à identifier.
Alors, forcément, pour son premier jour, le nouvel employé a un peu de mal pour suivre le rythme.
Sa formatrice le rappelle à l'ordre...
"Tu es vite débordé... je te trouve dépassé : après deux jours, je fais un rapport au chef, je dis qu'il y a des lacunes, que tu comprends bien mais que tu bosses pas, et tu ne reviens pas... ce serait con."
A la fin de sa première journée de travail, voici ce que dit le journaliste : "C'est comme si on était un scanner humain, je suis à moitié hypnotisé par le truc : j'ai l'impression que ce n'est plus le tapis qui avance mais que c'est moi, ça défile, ça défile, et ça défile, ça défile... ouh là je vais tomber, quoi."
Au terme de sa formation de deux jours, Grégoire gagne finalement sa place sur la chaîne de tri... avec des cadences encore plus rapides.
Le journaliste remarque une ouvrière paralysée par la douleur, une collègue vient à sa rescousse et lui prodigue des massages.
Ici, beaucoup souffrent au quotidien et prennent des antidouleurs.
"On a tous mal au dos", dit un ouvrier.
L'entreprise Paprec fait-elle tout ce qu'il faut pour prévenir les maladies professionnelles ?
"Répétitivité, vitesse, intensité physique, amplitude de mouvements... des situations qui vont porter atteinte à la santé des personnes. Ce travail provoque des troubles musculosquelettiques mais aussi un épuisement mental.
Un travail qui risque de produire des déchets sur le marché de l'emploi, c'est à dire des gens qui seront tellement usés ou abîmés qu'ils ne seront plus en capacité d'occuper un emploi." commente un ergonome.
Le code du travail prévoit que l'employeur a la responsabilité de concevoir des organisations du travail qui soient adaptées aux personnes qu'il va employer.
Travailler sur la chaîne de tri comporte d'autres risques : sur le tapis, il peut y avoir des intrus, métal coupant, bris de verres, seringues pouvant transmettre des maladies infectieuses graves.
Pour éviter de se blesser, les ouvriers portent des gants, mais les employés n'ont droit qu'à une seule paire de gants par semaine, et en plus, ces gants ne seraient pas totalement adaptés aux risques."
En bref, des conditions de travail inhumaines, indignes : "Le travail effréné est le plus terrible fléau qui ait jamais frappé l'humanité", a écrit Paul Lafargue.
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2021/11/l-enfer-du-tri-des-dechets.html
Source : à 37 minutes...
https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/2874175-dechets-la-grande-illusion.html
Vidéo :
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