L’enjeu (institutionnel) oublié du vote du 24 avril 2022
L’enjeu (institutionnel) oublié du vote du 24 avril 2022. (*)
On a découvert, avec la mise au jour de l’ « affaire » Mc Kinsey, que la gestion des affaires gouvernementales n’était pas exactement celle que les professeurs de droit constitutionnel enseignaient.
C’est vrai qu’avec les mécanismes européens, le pouvoir décisionnel des autorités de l’Etat avait déjà glissé ( art 88-2 de la constitution / F. Mitterrand) vers des cercles de décideurs ( les divers organes de l’ « Union européenne » ) chargés de mettre en place la liberté d’action des financiers et des marchands. Programme politique sur lesquels les peuples n’avaient depuis, plus aucune prise (pressions des peuples remplacées par celle d’une multitude de lobbys oeuvrant pour des intérêts de cette nature).
I.
Avec E. Macron en tous cas, un pas est franchi. Dans l’ordre interne cette fois : le « mélange » du pouvoir économico-financier et du pouvoir politique est institutionnalisé.
Comment, en effet, la politique de la nation a-t-elle été concrètement déterminée et conduite ces dernières années ? Selon l’article 20 (1) ? - Bah non !!! … Dans les faits, par « autre chose » que le « gouvernement » (1).
La politique a été déterminée d’une part, avec une société, Mc Kinsey, ayant des liens avec d’autres sociétés ( par exemple Pfizer). D’autre part, avec les autorités « officielles » ou quelques unes d’entre elles. A la tête desquelles le président de la République. ( NB. Qui par ailleurs, mais c’est une autre question - même si cette dernière s’inscrit probablement dans la même logique de porosité entre le pouvoir économico-financier et le pouvoir politique - , s’est fait faire sa campagne électorale de 2017 par des collaborateurs de Mc Kinsey et qui a contribué, au moment où il était banquier, à la réussite de l’achat par Pfizer d’une branche de la société Danone).
Sans compter la conduite de l’affaire sanitaire en « conseil de défense », groupe de personne dont on ne sait pas toujours exactement qui est y convié, mais qui n’est évidemment pas le conseil des ministres (1). Dont les délibérations, y compris celles à retombées commerciales, sont placées sous le boisseau.
Ce qui éloigne encore le fonctionnement réel du pouvoir exécutif ou de ce qui le remplace, du fonctionnement des institutions auquel les rédacteurs de la constitution avaient pensé en s’inspirant de la tradition républicaine
Chacun a connaissance des thèses du « gouvernement mondial » ( appelé de leurs vœux par des Américains célèbres et influents, et en France, par des influenceurs tels J. Attali, A. Minc et quelques autres parmi lesquels E. Macron).
Mais on se demandait comment le passage entre le gouvernement démocratique, et ce nouveau genre de gouvernement, pourrait bien se faire.
E. Macron a en quelque sorte donné la réponse (crise sanitaire entre autres) : par un simple contrat entre les représentants de la République et les représentants du pouvoir financier et économique ( … pourquoi pas demain avec le forum de Davos ?) .
Il fallait simplement y penser. Et il fallait évidemment l’oser.
II.
La compréhension de ce nouveau système de « gouvernance » exige que l’on aborde la question du recrutement des individus qui joueront ce jeu … para constitutionnel … dans le cadre de la constitution. Alors que la constitution - que l’on est bien forcé d’utiliser - , prévoit que les gouvernants, en commençant par le président de la République, procèdent de l’élection.
La solution qui a été apporté au problème est elle aussi très simple. La « trajectoire Macron » donne la clef. Au moins la clef actuelle.
Il suffit qu’une personne souhaite avoir un poste offrant, comme celui de président de la République, divers avantages immédiats et diverses perspectives (après coup). L’impétrant travaille à donner l’assurance ( en faisant et disant ce qu’il faut et en faisant montre de traits de caractère adéquats) qu’il fera le travail. S’il a obtenu la confiance, il peut être alors mis sur les rails du pouvoir. Comment faire ?
En lui fournissant des financements suffisants ainsi que l’aide de quelques spécialistes de la communication et de la manipulation : celle des communicants et des journalistes salariés par les milieux financiers et économiques (qui se sont rendus propriétaires des médias). Qui, les uns et les autres, « travailleront », sinon au corps du moins « au cerveau », un nombre suffisant d’électeurs pour que l’opération se fasse.
Actuellement ce n’est pas très difficile. En effet, un tel impétrant peut accéder au poste de président de la République avec en réalité un peu près le quart des votants. Donc, il fui faut environ dans les 18 % seulement des électeurs inscrits, - puisqu’un quart des électeurs ne se déplace pas (2) - au premier tour.
Au deuxième tour, il suffit de faire de l’adversaire un repoussoir. Les médias dont on a parlé ci-dessus continuent alors à faire ce qu’il faut. En introduisant dans le cerveau des électeurs les images subliminales (3) qui provoqueront le vote. Un peu comme si l’on avait mis le bulletin de vote dans la main de l’électeur au moment où ce dernier sort de chez lui.
Avec comme résultat, que l’individu qui s’est proposé aux milieux financiers et économiques se voit conférer par la magie de l’élection, la légitimité que l’agrément et que le soutien desdits milieux ne lui procurait pas.
L’opinion publique n’a vu dans « l’affaire » Mc Kinsey que des questions secondaires (au regard de l’essentiel évoqué ci-dessus) : - les contribuables paient des fonctionnaires et paient en plus des consultants pour faire le même travail … - le président de la République avait un lien d’intérêt avec Mc Kinsey dont il n’a pas parlé … - Mc Kinsey gagne de l’argent en France, mais n’y paie pas d’impôts …
En réalité, le régime politique change … les citoyens ne semblent pas s’en inquiéter.
C’est pourtant l’enjeu de leur vote. Ou ça aurait pu l’être.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(*) Dans les lignes qui suivent, on cherchera vainement un plaidoyer en faveur de l’un ou l’autre des candidats qui s’affronteront le 24 avril 2022. Les développements se limitent à la question du décalage qui existe selon nous ( et qui est occultée) entre le fonctionnement réel du pouvoir exécutif et ce qui avait été prévu en 1958 dans le texte constitutionnel. La question du décalage entre les prévisions d’un texte constitutionnel et la réalité des pratiques n’est pas nouvelle. On se rappelle que les lois constitutionnelles de 1875 avaient donné au chef de l’Etat des prérogatives qui n’ont pas été exploitées par les présidents de la III° République. On se rappelle aussi que les dispositions de la constitution de 1946 qui permettaient au président de conseil de former un gouvernement sans marchandages préalables, n’ont pas été exploitées non plus. Sur ces questions, v. nos commentaires dans « textes et documents constitutionnels depuis 1958. Analyses et commentaires. Dalloz – Armand Colin.
(1) art 20 al 1er de la constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».
NB. Dans la constitution de 1958, le gouvernement, c’est le conseil des ministres présidé par le président de la République ( art 9)
(2)- L’ abstention étant sous un certain rapport une bonne chose, puisque les abstentionnistes acceptent en réalité le fait que l’élection n’a aucun effet ni sur le fonctionnement de l’Etat ( v. ci-dessus la structure gouvernante), ni sur la politique menée ( v. le contenu des règles des traités) .
(3) Pour Marine Le Pen : extrémiste, fasciste, xénophobe, voire raciste, irresponsable, incompétente, alliée de tel régime étranger présenté comme abominable … Pour Jean-Luc Mélenchon : (le cas ne se pose pas), mais on imagine sans peine qu’ « on » aurait eu recours aux images des hordes islamistes déferlant sur la France, supprimant la culture française, et les images subliminales de la soviétisation de la société avec la confiscation des libertés et de certaines propriétés, le vidage des porte monnaie et l’inflation, etc… etc…
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