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L’enseignement :Apprendre ou à l’essai ?

 La dégradation du niveau des études est un fléau universel dont l’intensité varie d’un pays à l’autre. La saturation du marché du travail qui décourage les étudiants, la démission des parents de leur rôle de guide accompagnateur, le règne de l’image qui remet au second plan la culture livresque, les enseignants mal formés et qui veulent tout faire sauf leur métier ; autant de facteurs mis en avant pour expliquer cet échec flagrant de l’école qui ne se trouve plus être seule détentrice de savoir et de promotion sociale. Néanmoins dans certains pays il y a d’autres facteurs tels que l’indigence, l’insuffisance du budget alloué à l’enseignement mais aussi la mauvaise foi, la triche et l’inconscience de certains « gens du métier » qui accentuent encore cette chute vers l’inconnu.

Devrait-on croiser les bras, du moment que nous sommes payés, quels que soient les résultats, ou bien devrions nous ruer dans les brancards et refuser une situation problématique au risque d’être taxé d’empêcheur de tourner en rond ? Mais c’est parce que ça ne tourne plus rond justement qu’on s’inscrit à faux contre un système qui grince et dont le bateau a tendance à faire eau de toutes parts !
 
 
La meilleure preuve pour illustrer cette dégradation télécommandée du niveau des études, dans tous le pays, est le copiage systématique auquel ont souvent recours la majorité des élèves à tous les niveaux de leur scolarité. Mais les causes de ce copiage, en plus des facteurs extra-scolaires, se retrouvent aussi dans les pratiques peu orthodoxes de certains professeurs au niveau primaire qui, encouragés souvent par des directeurs d’école peu scrupuleux qui veulent augmenter le nombre des admis de leur école pour en donner une bonne impression, rédigent au tableau noir toutes les réponses des épreuves, notamment en classe de sixième primaire. Une pratique frauduleuse toujours en usage actuellement et qui fausse malheureusement tous les résultats et donne une évaluation erronée du niveau de l’élève, qui est ainsi "poussé" vers le niveau supérieur sans qu’il ait nullement assimilé les acquis nécessaires à cette admission.
 
De plus le recours à un quota prédéterminé, je ne sais d’après quels critères occultes fait que le seuil d’admission varie selon cette carte scolaire qui détermine d’avance le nombre d"admis" voulu pour chaque école. Dès lors la moyenne prise en considération fluctue au gré des décisions prises dans les bureaux du ministère sans nul égard au niveau réel des élèves et de leurs compétences réelles. Ces mêmes compétences dont on trouve l’expression dans tous les manuels en vigueur où elles servent seulement de trompe-l’oeil, du moment que personne ne les prend vraiment en considération quand il s’agit de définir les critères d’admission. C’est ainsi qu’on descend ou remonte le seuil (traduit abjectement par "3ataba" en Arabe classique, qui évoque l’entrée d’une caverne plus qu’une moyenne d’admission) suivant apparemment la disponibilité des salles de classe. Quant aux enseignants ils représentent aux yeux des administratifs rien de plus que des corps à qui l’on demande depuis bien longtemps de faire du gardiennage, vu le nombre des élèves, et non pas de l’enseignement en bonne et due forme, puisque personne ne se donne jamais la peine de les consulter à propos de quoi que ce soit.
 
Donc, suivant cette logique un élève peut être admis au niveau supérieur, non pas selon les efforts effectivement fournis en classe mais selon des circonstances qui n’ont rien à voir avec sa scolarité, tels que la mort d’un élève dont la place serait par conséquent vacante ou encore selon les conditions atmosphériques qui auraient détruit une classe en préfabriqué rendant impossible d’y donner des cours. En physique cela a un nom c’est l’effet des ailes du papillon, ce qui n’a rien à voir avec un domaine dans lequel la prévision et la rigueur prospective devraient être les règles maîtresses. Certes on ne peut, diront certains, prévoir ni la mort de l’élève ni la bourrasque soudaine de vent qui emporte la classe sommaire, mais on aurait dû construire depuis longtemps déjà des classes assez solides et non pas temporiser au dernier moment.
 
Ce qui est alarmant c’est que ces pratiques sont la règle et non pas l’exception pour reparler du copiage qu’on essaie de dissimuler de nos jours derrière des statistiques ( la science des ânes), il y a des établissements où il est devenu un droit inaliénable des élèves qui le réclament, comme d’autres réclament le droit à de l’air non pollué. Dans d’autres ce droit acquis est défendu à l’arme blanche ou au moins à l’intimidation des surveillants qui préfèrent souvent battre en retraite et laisser faire les copieurs au lieu de sévir à leurs risques et périls, avec la possibilité de se retrouver dans le meilleur des cas aux urgences avec un oeil au beurre noir ou carrément avec une marque du logo" nike" tatouée indélébilement sur le visage.
 
Voila où nous ont conduit les réformes continuelles tant annoncées à grand renfort de propagande démagogique tapageuse qui vise, non pas à mettre le train de l’enseignement sur la bonne voie, mais à donner l’impression de la bonne gouvernance et de la réussite du parti politique qui détient à chaque fois les rênes du ministère. C’est ainsi que depuis un quart de siècle on a vu défiler des théories pédagogiques importées clés en main qu’on impose dans des réunions avec des inspecteurs qui sont généralement brieffés hâtivement, moins informés des soubassements et des contenus de ces théories que certains enseignants qu’ils sont censés venir encadrer et informer. J’ai vu défiler durant ma carrière des gens promus au" grade" d’inspecteur à cause de leur adhésion politique, d’autres par hasard, en application d’une carte scolaire qui signalait un manque à combler et l’on avait recours au plus âgé, réputé être plus expérimenté tout à fait comme chez les chimpanzés ; d’autres avaient copié pour passer l’examen d’admission au centre de formation et ont plagié leur mémoire de sortie en le photocopiant avec ses points et ses virgules et dont je garde toujours dans mes archives une copie conforme à toute fin inutile !
 
Bref rares étaient ceux qui apportaient vraiment quelques éclaircissement aux "hommes saignants"qu’ils se contentent de toiser de haut, comme s’ils étaient les seuls à détenir la quintessence du savoir didactique. Quant à contribuer de manière efficiente à diagnostiquer les erreurs d’apprentissage et contribuer par des travaux de valeur à améliorer le niveau des élèves par une réflexion approfondie qu’aurait enrichie leur expérience dans le domaine, il faudra repasser ! La perception même de ce métier chez les enseignants qui rêvent de devenir inspecteurs et qui n’y voient que des vacances richement payées, est à ce propos très révélatrice. C’est l’image qui se dégage de ces corps inspectoraux (généralement sans pectoraux par manque d’exercice), vautrés au soleil dans les cafés ,incapables même, pour certains, de tenir une réunion d’une heure dans la langue de Meirieu ni même solutionner une grille thématique de mots fléchés de force 2. Que dire alors de la rédaction d’un article à vocation pédagogique ou littéraire, ce sont les ceux-là qui attendent patiemment la fin du mois pour aller se faire payer leur bronzage .
 
Les établissements scolaires sont devenus de ce fait tout sauf des lieux d’apprentissage et d’éducation, des casernes où les élèves issus de couches sociales défavorisées apprennent à faire connaissance avec l’ennui et la morosité , dans des bâtiments à l’allure martiale, sans doute pour qu’ils ne se sentent pas dépaysés lors de leur engagement dans les rangs des forces armées qui demeurent leur unique échappatoire, et encore n’est-ce permis qu’aux plus vernis d’entre eux...avec dans les lycées la discipline en moins !
 
Voilà diront certains un tableau bien noir de ce système dont personne n’ignore les défauts et les défaillances, mais rares sont les personnes qui osent en donner une esquisse dramatique, de peur de troubler cette eau dormante, mais jusqu’à quand devrait-on fermer les yeux et faire semblant de ne rien voir ? La responsabilité exige de chacun d’entre nous, au contraire de mettre le doigt sur la plaie et de vider cet abcès, chacun à son niveau pour pouvoir repartir sur des bases plus solides. Il faut faire nôtre l’aphorisme qui dit "lorsque on se conduit comme un tapis il ne faut pas se surprendre que les autres s’essuient les pieds sur nous". La survie de notre système de valeurs et la valeur de notre système en dépendent !
 

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2 réactions à cet article    


  • jcn 6 juillet 2009 18:21

    Vous parlez bien sûr du système scolaire ... marocain ... ouf, j’ai eu peur !
    C’est pas chez nous qu’on verrait des choses comme ça se produire :D

    Entre l’évolution (!) de la société et la dégradation de l’instruction scolaire publique et laïque, la population tend vers une population de simples consommateurs. Consommateurs dont l’ignorance (instruction défaillante) et l’incapacité à gérer les frustrations (éducation défaillante) nous entraine vers un siècle, que d’aucuns voyaient spirituel, et que je vois plutôt barbare.

    mes vœux vous accompagnent dans votre assaut des moulins à vent ...

    cordialement

    jc


    • Az. boufous. Boufous Aziz 7 juillet 2009 00:48


        Non rassurez-vous la France a un autre genre de problèmes avec son école depuis Jules Ferry.Le problème est chez nous qui sommes délaissés à notre sort par une nation qui nous a colonisés et est parties les mains dans les poches pleines des richesses de ses anciennes colonies.Sa mission « civilisatrice » a consisté a détruire toute velleité de changement en nous léguant un système d’enseignement boîteux qui continue à claudiquer et à chercher constamment à satisfaire ses anciens maîtres et à importer leurs méthodes pédagogiques et didactiques qui n’ont même pas brillé dans leurs terres d’origine ,comment dire alors d’autres contrées acculturées à mort.Bien sûr on pourrait me rétorquer en employant le mea-culpa d’Albert Memmi « nous avons été colonisés parce que nous étions colonisables »,mais on n’arrivera jamais à me convaincre que la France s’est retirée du Maroc sans y laisser ses « honorables correspondants » pour servir ses objectifs dans un monde ou la colonisation directe est devenue immorale si ce mot possède encore un sens.Bien sûr aussi vous n’y êtes personnellement pour rien et moi non plus je ne vous en veux pas comme personne et je ne responsabilise pas non plus directement votre pays dans la dégradation de notre enseignement ,ce serait de la folie et je n’en suis pas heureusement encore arrivé là malgré que je combatte des moulins à vent à la Don Quichotte.

      Merci pour vos voeux que j’imagine sincères !

      cordialement


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Az. boufous.

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