L’état cherche à sanctionner un citoyen modèle
Je vais tenter d’expliquer pourquoi un membre des Renseignements Généraux mérite tout notre respect pour sa conduite exemplaire, et en quoi la conduite de l’état à son égard est tout simplement inadmissible.
Quand l’état viole les droits fondamentaux du citoyens
Il est une chose avec laquelle le droit français ne rigole pas, c’est l’atteinte aux libertés publiques. Elle entraîne une condamnation au pénal et éventuellement un emprisonnement. Les libertés publiques protègent en substance le citoyen contre l’arbitraire de l’état.
Depuis la loi informatique et libertés (de janvier 1978) est considéré comme une atteinte aux libertés publique la constitution de collection de données à caractère privée sans le consentement des personnes. Les spammeurs, si ils étaient poursuivis en France seraient ainsi passibles à ce titre de peine de prison, et d’inscription de ces faits sur leurs casiers judiciaires.
La loi parle d’informatique, néanmoins le papier est un support de stockage triable, permanent. Un classeur avec un ensemble de données triables est une base de données au sens strict.
On peut légitimement penser que le législateur a eu pour volonté d’éviter que ne se reproduise une pratique sombre de notre histoire qui a été la constitution d’un fichier des juifs français. Fichier qui a facilité la déportation et l’élimination en masse de citoyens français juifs, protestants, homosexuels, communistes ou gens du voyage. On peut raisonnablement faire l’hypothèse que c’est ce qui retient l’état de ficher « l’aspect visuel » des citoyens qui permettrait de mesurer factuellement la discrimination au faciès.
La France a été traumatisée par le danger avéré des fichiers à caractère privé, et elle s’est protégée de ces pratiques par un ensemble de lois claires condamnant explicitement ces pratiques.
Apprécions la sagesse de nos élus et le danger que représenterait de telles données si le pouvoir tombait dans les mains d’un parti à caractère xénophobe.
La raison d’état
Il est un domaine où la liberté publique a été réduite, c’est celle de la sûreté de la nation. Il semble évident pour les gouvernements modernes, que les menaces à la sécurité publique sont supérieures en terme de priorité à la liberté publique. Donc, la CNIL (chargée de faire respecter les lois sur les collection de données à caractère privée) accepte que la police ait de telles bases, tolère celles des services secret. Les fichiers ont été déclarés (certes avec un peu de retard) et vos droits d’oubli, de rectification des données doivent donc pouvoir s’[appliquer->http://www.renseignementsgeneraux.net/stic.php] sur les fichiers de police.
La limite entre raison d’état, et délit
La question est donc dans les récentes affaires de savoir quand les RG sont dans la légitimité. Prudemment, les RG ont déclaré il y a quelques années se recentrer sur l’évaluation des menaces à la sûreté du territoire, donc à priori les RG sont plutôt dans le domaine de la raison d’Etat. A défaut d’être légale, leur action est au moins tolérable pour le citoyen à partir du moment où leur action est pertinente.
Il paraît évident qu’il est plutôt sain d’évaluer la dangerosité d’un candidat pour la sécurité nationale. Qui sait, ce pourrait être dangereux pour la République d’avoir un président coupable de crime de guerre tel que la torture.
Par contre, est ce que le patrimoine immobilier d’un candidat, est-ce que les voisins d’un candidat sont une menace à la sûreté du territoire ? Où s’arrête la limite ? Sommes nous 60 millions de dangers potentiels ?
Sérieusement votre bon sens vous honorant vous conviendrez que la limite a été franchie récemment.
Un citoyen qui reçoit un ordre illégal doit-il le faire ?
Même au nom de l’état, si vous commettez un délit vous en restez l’auteur. Là encore, le droit peut être dans le souvenir de sombres évènements condamne le citoyen qui obéit à un ordre manifestement illégal : la personne passive témoin d’un crime est co-responsable du crime. C’est ce qu’on appelle la non dénonciation de crime. Donc aux RG, ce qui est choquant ce n’est pas tant les actes illégaux, que le nombre manifeste de délinquants en puissance qu’abrite une institution qui garantie le respect de nos libertés et de nos lois.
Dire que l’on ne pouvait rien faire du fait de la pression n’est pas recevable, car chacun de nous est responsable de ses actes (sauf notre président).
Du droit à la pratique
On pourrait penser que l’état doit avoir une certaine priorité dans le classement des crimes. En France par exemple les crimes de sang sont plus sanctionnés que les atteintes au bien, car nos représentants retranscrivent notre préjugé culturel de la supériorité de l’intégrité individu sur la propriété.
Maintenant quand la police des police enquête sur les RG on se dit qu’elle va probablement placer les libertés publiques (qui garantissent les citoyens contre l’arbitraire de l’état) au dessus de la loyauté à l’institution.
Et bien non ! L’IGPN enquête sur les fuites aux RG ! L’Etat met ses moyens pour sanctionner un individu qui a placé son devoir avant sa mission.
Cette personne courageuse, qui a fait acte de résistance est poursuivie. Notre mythologie historique de la résistance contre un état qui ne respecte pas ses devoirs est incarnée par de Gaulle. Devoir de résistance aujourd’hui remis en cause par ses héritiers déclarés.
Sombre ironie, certes. Mais sommes nous sûrs qu’un autre parti aurait fait différemment ?
Une pétition pour la légion d’Honneur pour ce membre anonyme des RG ?
Nixon est tombé à cause du Watergate, et plus exactement par la dénonciation d’une taupe (deap throat). Nixon avait pour habitude d’espionner et de constituer des fichiers sur tous ses adversaires en utilisant les moyens de l’état. Autre pays, autre moeurs, il est probable que Mr le ministre Sarkozy -tenant du modèle américain- ne verra pas sa candidature discréditée par cette histoire. En effet, il est une constante des hommes politique français de tous bords qui est le détournement des moyens de l’état afin d’espionner les citoyens ne représentant pas une menace pour l’état. Mitterrand fût lui même reconnu instigateur d’écoutes illégales.
Alors que l’on décore de la légion d’Honneur des personnes qui nient la valeur de la fraternité (notamment dans le non-paiement de leurs impôts) serait-il envisageable de décorer quelqu’un qui a défendu un aspect de la liberté ?
Peut être que ce ne sera pas le cas. Mais si cette personne est découverte, il sera du devoir des citoyens de le soutenir solidairement.
Les RG personne morale
Depuis les années 1990 l’état français a innové en reconnaissant les organisations comme étant des personnes morales. Quand un subalterne effectue un ordre illégal, il est possible de condamner l’organisation qui le donne solidairement.
Qui plus est l’état est au service du citoyen, et en cas d’infraction grave (passible d’une peine au pénal) le procureur n’a pas besoin d’attendre le dépôt d’une plainte pour poursuivre l’auteur d’un délit.
Les RG sont un personne morale. Qu’un subordonné agisse sans accord et il y a un défaut de contrôle, qu’un subordonné agisse avec l’accord de la hiérarchie et là encore il y a faute... Seront-ils inquiétés ?
Qui garde la garde ?
Oui mais l’état va-t’il se poursuivre ? Probablement non, et ce sera scandaleux. Cependant un citoyen victime de ces pratiques peut toujours déposer plainte, ce qui a été fait.
Certes, la menace terroriste est probablement réelle, certes il est légitime de s’en prémunir. Mais est-il tolérable que ce qui est sensé être un bouclier fait pour nous protéger deviennent une épée de Damoclès ? L’institution n’est pas la raison d’être de l’état, c’est de garantir nos libertés, nos droits, notre sécurité.
Le but n’est pas de faire peur juste de faire réfléchir à ce que l’on attend de notre état, de nos institutions. De réaliser que pareil à ce fonctionnaire l’action est possible avec chacun ses moyens ; en République celui qui surveille l’état n’est pas tant l’état que le citoyen lui même.
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