L’étrange déclin du PS : des hommes sans convictions
Un des thèmes politiques présents actuellement, c’est l’ouverture, autrement dit la participation de hauts responsables du PS dans le gouvernement du président Sarkozy, mais aussi dans diverses missions. Jack Lang réfléchit aux institutions, Michel Rocard à l’éducation, Jacques Attali se penche sur la croissance. Et la presse de commenter ces événements, les désigner en évoquant la politique de l’ouverture conduite par Nicolas Sarkozy ou alors, non sans quelques médisances, jugeant qu’il y a débauchage de personnalités de gauche, y compris dans le cas du très apprécié DSK promis à un destin international dans une grande institution financière. Mais autant le vocable débauchage s’applique à un Bernard Kouchner, autant ces participations de socialistes à des missions de réflexion semblent relever de la vie politique ordinaire. Pourquoi alors ces excès dans les commentaires ? Y aurait-il quelques raisons plus profondes ?
Malgré un résultat honorable du PS aux législatives, les médias parlent d’hémorragie au PS alors que Rocard juge que son parti est dans l’incapacité de prendre les rênes de l’Etat pour une durée assez longue. Restent alors les mandats locaux et un socle de militants suffisant pour maintenir en ordre de fonctionnement ce parti que l’on sait être en crise actuellement. Quelques analystes n’ont pas hésité à évoquer un lent délitement du PS causé par un enracinement dans la posture de notable, gérant une rente politique en étant préoccupé de la réélection mandat après mandat. Par ailleurs, la direction s’est bunkérisée rue de Solférino, se coupant des Français tout en péchant par bureaucratisation. On se souvient du coup de gueule de ce haut responsable lassé par des réunions où l’on discute de la place des virgules dans les communiqués.
La situation du PS ne peut pas se comprendre si on ne la recadre pas dans une perspective transversale où se conjuguent la nature humaine, l’essence de l’animal politique qu’est l’homme, l’essence de la fonction politique dans le monde actuel dominé par l’économie, la technique et les questions géopolitiques, conflits mais aussi et surtout les matières premières. Enfin, on devra s’intéresser de près à la place de la conviction dans la pratique du pouvoir. Et se demander si au bout du compte, les politiciens de gauche n’ont pas suivi leur instinct de fonction, plutôt que de s’atteler à penser la société tout en forgeant des valeurs et en inventant des idées pour que la France aille dans une direction plus solidaire, plus à gauche, plus progressiste, pour autant qu’on sache encore ce qu’est une politique de gauche.
La situation du PS ressemble alors à une conjoncture décrite par l’historien Bloch dans son fameux livre L’Etrange défaite de 1939. L’armée française n’a offert qu’une faible résistance face aux Allemands. Selon Bloch, plusieurs facteurs expliquent cet événement. D’abord les choix personnels effectués par les officiers et autres diplômés des grandes écoles militaires. Nombre d’entre eux ont choisi l’intendance, sans doute plus confortable en termes de carrière. Mais cela n’explique pas tout et ce sont les choix dans l’action sur le terrain qui furent décisifs. La tactique a été privilégiée face au mouvement et à la stratégie. La tactique, étymologiquement, consiste dans l’art du positionnement, de la disposition. La stratégie inclut la dimension temps, renvoyant à la pensée, le concept, l’esprit. La comparaison est risquée mais n’aura échappé à personne le sens stratégique tout napoléonien de la conquête de l’Elysée par Sarkozy. Une élection ressemble par certains traits à une guerre se déroulant à la fois sur des positions et des intentions, des représentations, des anticipations. Les partis sont une force. Alors on parlera d’un étrange déclin du PS.
Deux domaines jouent, la puissance et la technique pour agir et le domaine spirituel des convictions, des valeurs, de la foi, pour persuader. A ce jeu, la défaite du PS, suivie de la poursuite de sa décomposition, de la fuite de ses hauts responsables, est éclatante de toute sa vérité idéologique, mais aussi anthropologique. Le champs des idées, valeurs et principes de gauche s’étant étiolé, le ciment spirituel de gauche s’est délité entraînant la course personnelle des mieux placés pour, qui un poste gouvernemental, qui une place dans une mission. Le choix personnel de carrière l’a emporté sur la force de conviction et la volonté de résister en recréant les fondamentaux de gauche, en osant affronter la traversée du désert, le temps qui travaille lentement. En restant solidaire de ses compagnons d’infortune, fidèle à ses idéaux. Il n’y a pas à juger ces attitudes, simplement constater comment tourne la vie politique française et ce qu’elle dévoile sur le déclin des idéaux et convictions socialistes.
D’où la seule question qui vaille. Y a-t-il une fenêtre de tir dans l’espace des idées pour qu’un concept de société gouvernée à gauche puisse se propager dans les cibles populaires ou bien, maintenant que les bloc géopolitiques s’entrechoquent et que l’économisme domine avec le pragmatisme, une seule loi de progrès nous est-elle imposée et donc une seule orientation politique pouvant être modulée selon les circonstances avec des arbitrages sociaux pour gérer les problèmes ?
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