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Accueil du site > Tribune Libre > L’euro, la dette et l’oligarchie

L’euro, la dette et l’oligarchie

Quelle erreur, la construction européenne a-t-elle commise, pour faire basculer les pays membres, dans la dette. Comment sommes nous passés des trente glorieuses, à la crise où nous nous débattons, avec la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie, enfermés, que nous sommes, dans cette trappe monétaire, qu'est la monnaie commune européenne.

Pour comprendre, revenons sur le cas précis de la France. La dette française est, globalement, la conséquence des intérêts cumulés et exorbitants, environ 37 milliards d’euros, que nous payons, chaque année aux marchés monétaires mondiaux, sur les quels, la France est obligée d’emprunter. Comment un pays souverain, peut-il accepter d'être sous le joug de marchés monétaires externes ? Le paradoxe prend toute sa dimension, lorsque l'on mesure la catastrophe grecque. Battre monnaie est le corollaire de la souveraineté. L'indépendance politique en dépend. Comment une nation peut-elle accepter d'être notée, par des agences privées extérieures ? On va essayer de rassembler le puzzle pour comprendre les mécanismes monétaires et les forces en présence qui font plier les pays européens et les peuples qui les composent, en les mettant littéralement à genoux puis en curatelle.

Depuis 1973, et l’article 104 du traité de Maastricht, suivi par les différentes confirmations des présidents Pompidou et Giscard, et entérinés par le traité de Lisbonne, la France est privée de son droit régalien de battre monnaie, c'est-à-dire qu'elle n'est plus autorisée à créer de la monnaie nationale, en l'occurence le Franc, pour ses propres besoins, avec son instrument régalien et légitime qui était la Banque de France et son institut d'émission. Ainsi, la France privée de son privilège régalien d'émettre de la monnaie, et les états de l'UE avec elle, ont été livrés aux banques privées, pour émettre les crédits payants, afin de financer les dettes du fonctionnement normal de ces mêmes états de l'UE. Le piège était là. Les pays européens ont, donc, été tributaires, pieds et mains liés, des marchés financiers internationaux. Pour comprendre, il faut savoir, qu'un pays qui émet une monnaie nationale, ne s'endette jamais réellement, car il existe un certain nombre de leviers monétaires, comme le taux d'intérêt et le taux de change par rapport aux devises (monnaies étrangères), qui ramènent à l'équilibre, la dette, par les variation des taux de change et d'intérêt, un peu, à la façon dont les variations de l'offre et la demande, entraînent un équilibre des prix, sur le marché des biens et services. Le taux de change et le taux d'intérêt rééquilibrent aussi le différentiel de compétitivité entre les pays, ceci est essentiel, pour comprendre la difficulté des pays du sud de l'Europe. Un pays moins compétitif sur la qualité, aura une monnaie faible, et sera favorisée par un avantage compétitif sur les prix. Ces prix seront plus faibles, de l'extérieur, en devises étrangères 

Aucun équilibre ne peut être obtenu avec une monnaie commune, car l'euro est indépendant des situations économiques spécifiques des pays européens, pris individuellement. L’Allemagne bénéficie ainsi, d'une monnaie beaucoup trop faible, au regard de ses performances économiques et de ses excédents commerciaux (excédents des exportation sur les importations). Double avantage pour l'Allemagne, car cette monnaie trop faible, pour elle, ne lui pose pas, non plus, de problème de hausse de change, que lui aurait causé une monnaie nationale de par ses performances , car l'euro est entraînée à la baisse par les pays moins performants, et sa faiblesse stimule, encore plus, les exportations allemandes. Par compte rien de favorable ou d'avantageux, pour les pays du sud de l’Europe, l'euro est, pour eux, beaucoup trop fort, eu égard à une compétitivité plus faible. Pour comprendre, on peut prendre en considération, par exemple, que la demande d'une BMW ou d'une Mercedes sur le marché de l'automobile, n'est pas la même que celle d'une Fiat ou d'une Seat, et que le prix, qu'un acheteur est prêt à mettre, n'est pas le même, non plus. Pour résumer, un euro fort ne nuit pas à la vente internationale d'une voiture allemande, mais pénalisera la Fiat italienne et la Seat espagnole. Vous généralisez ce raisonnement et ce mécanisme, à tous les secteurs de l'économie des pays européens et vous comprenez immédiatement la situation de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie et de la France !

C'est, effectivement, dans ce mécanisme, que se trouve la raison de la destruction des économies des états les plus faibles, et les hausses drastiques et irrémédiables du chômage. La solution immédiate serait effectivement, une baisse significative du coût de production et de toutes les prestations sociales, solution au coût humain insupportable, et qui est celui, effectivement, imposé à la Grèce.. On comprend aussi pourquoi, le bon élève, l’Allemagne, réclame des réformes , Il faut entendre des réformes qui augmenteraient la compétitivité des pays à la traîne, pour permettre la survie du système. Vous comprenez, aussi, que le levier des monnaies nationales n'existant plus, il ne reste plus que l'augmentation de la productivité du travail, et en attendant cette hypothétique augmentation des productivités, la réduction du niveau de vie. Comme, il est, aussi, évident que du jour au lendemain, on ne peut pas métamorphoser les performances d'un grec ou d'un espagnol, en celles d'un allemand, ou plus globalement, de germaniser, en quelque sorte, les modes de production des pays les moins productifs, il s'agit dans un premier temps de réduire les dépenses sociales, les dépenses de santé, les dépenses de services publiques, les dépenses de retraites, etc... Ce processus de réduction se nomme la rigueur ! Car évidemment, sans monnaie nationale, les budgets doivent être équilibrés. Le déficit budgétaire n'est plus possible, sauf à créer, encore et toujours, de la dette. Et la trappe politique s'est refermée sur les peuples européens, avec l'euro.

C'est à ce titre que sont attaquées les 35 heures françaises, qui plomberaient la compétitivité de la France.

Pour arriver à la notion d'oligarchie, dont singulièrement, le phénomène décrit par Platon dans la République, ne semble pas avoir pris une ride, et qui est le statut de celui qui dirige le système à quelque titre que se soit, politique, économique, financier ou idéologique, je reprendrais le même exemple, que Platon, qui précise que dans la ruche, on ne saurait être un frelon... Et d'ajouter, si on veut produire, il faut être discipliné ( on imagine l'opinion de la Chancelière Angela Merkel, sur les grecs). Toujours, selon Platon, l'oligarque est quelqu'un qui sait se tenir, parce qu'il a un intérêt au système. Vous comprenez, aussi, que l'oligarchie détruit systématiquement ce qui n'est pas rentable, mais elle le fait sournoisement, car son but n'est connu que d'elle ou de sa caste. Mais Platon souligne le lien, qu'il y a entre l'oligarchie et la démocratie. Selon lui l'oligarchie et la démocratie vont de paire... La démocratie se constitue en filiation de l'oligarchie, mais en rupture avec elle (Platon dans le livre 8 de La République). En fait, on reconduit l'oligarchie en prétendant lutter contre elle ! C'est d'ailleurs ce qui s'est produit pendant la révolution française, et en Grèce récemment, toute proportion gardée. Le malheur de la démocratie, s'est qu'elle survit par l'affrontement permanent à l'oligarchie. A chaque fois, on ressuscite l'oligarchie pour faire survivre la démocratie. Toujours selon Platon, le démocrate est un homme de loisir, qui n'a pas de fonction réelle dans la citée, et qui est, quelque part, en surnuméraire. Son principal défaut est qu'il n'a pas d'opinion ! Platon les appelle les frelons et les faux bourdons. Le portrait de l'homme démocratique, fait par Platon, se rapproche effectivement de l'homme moderne démocratique. C'est ce qui oppose Protagoras, défenseur du bien commun, au démocrate qui est mené par son caprice individuel... On comprend aussi au passage, pourquoi la droite a pris le nom de républicains... C'est un peu l'idée au départ du clivage, entre le parti démocrate et le parti républicain aux Etats Unis.

Toujours selon Platon, la guerre entre l'oligarchie et la démocratie entraîne la tyrannie... C'est bien se qui se passe, actuellement, en Europe, où les référendums ne servent plus à rien...

Ceci dit, et pour compléter le tableau rétrospectif étonnant , au IV siècle avant Jésus Christ, le peuple d'Athènes fut ruiné par l'oligarchie et l'introduction, par elle, du prêt à intérêt... Il est stupéfiant que, 2 500 ans plus tard, les mécanismes oligarques et économiques soient les mêmes, et que la tragédie soit rejouée sur le même théâtre grec...

Vous avez, aussi, compris pourquoi on nous occupe avec des problèmes de sociétés, pendant que les décisions importantes, où sont joués notre avenir et celui de la nation, sont prise ailleurs et à notre insu. Nous sommes manipulés depuis des années. La complexité de cette construction européenne rend la manipulation facile ! Manipulus en latin veut dire poignée ! Quant à l'oligarchie, je ne me suis pas aventuré à essayer de définir où elle commence et où elle s'arrête...


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9 réactions à cet article    


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 29 juillet 2015 08:06

    Bonjour,
    Jacques Sapir, qui s’agite désespérément depuis des années pour faire comprendre les méfaits de l’euro à une Gauche inculte, sourde et aveugle, vient de régler leur compte aux économistes du PCF, qui ne racontent que des salades, pour rester dans l’ UE et dans l’euro.
    « Quand la mauvaise foi remplace l’économie : le PCF et le mythe du bon euro »


    PS : si tous les pays de la zone euro, au nom de la compétitivité, sacrifient les acquis sociaux pour faire drastiquement baisser le prix du travail, les effets s’annulent, si tout le monde fait pareil, non ?

    PSS : La Grèce a une dette en droit anglais, la sortie de l’euro n’y changerait rien, sauf que l’économie grecque n’aurait plus le mark comme monnaie, ce qui n’est pas rien !

    Il faudrait surtout qu’elle sorte de l’ UE pour retrouver la souveraineté, et pouvoir décider, comme l’a fait l’ Argentine, de faire défaut. Mais ce n’est pas du tout l’idée de Tsipras.

    Discours de Kirchner à l’ ONU : « il y a aussi des terroristes économiques ».


    • Mmarvinbear Mmarvinbear 29 juillet 2015 12:10

      Pfff n’importe quoi.


      Quand on veut trouver des solutions à un problème, la moindre des choses est de bien le comprendre.

      La croissance européenne connait des difficultés mais revenir aux 30 Glorieuses est une ineptie. Si la croissance était forte entre les années 50 et 75, c’est parce qu’il fallait reconstruire le continent ravagé par la guerre, voilà tout !

      L’erreur des politiques de l’époque est de ne pas avoir imaginé la fin du mouvement, accéléré par les crises pétrolières. Ou de n’avoir pas eu le courage d’y faire face et d’adapter les systèmes de protection sociale qui sont lourdement déficitaires désormais.

      Ensuite, la loi de 73 ne concernait pas le droit de battre monnaie, mais précisait les circonstances dans lesquelles le pays était autorisé à emprunter auprès de la Banque de France à taux 0.

      Le pays avait cette possibilité, mais uniquement dans la limite de 3 % du budget national. Tout emprunt supplémentaire auprès de la BDF était possible, mais aux taux du marché !

      • Pascal L 29 juillet 2015 16:51

        @Mmarvinbear
        La loi de 73 est aussi la fin des lignes de crédit qui n’étaient pas remboursées et donc le début de la monnaie exclusivement dette qui nous a conduit lentement à la situation actuelle. Pour bien fonctionner, une monnaie a besoin de rigueur, pas de règles de fonctionnement perverses.


      • Captain Marlo Fifi Brind_acier 30 juillet 2015 07:03

        @Mmarvinbear
        On se demande bien pourquoi des pays qui sont hors de l’ UE et de l’euro, s’en sortent très bien et n’ont quasiment pas de chômage : l’ Islande, la Suisse, la Norvège ... , même la Russie : 6% de chômage alors que la zone euro est à 12% !


        Pauvres malheureux qui ne connaissent pas les charmes de notre belle Europe de la prospérité... ; priez pour eux.

      • Ben Schott 29 juillet 2015 12:20

         
        « L’erreur des politiques de l’époque est de ne pas avoir imaginé la fin du mouvement, accéléré par les crises pétrolières. Ou de n’avoir pas eu le courage d’y faire face et d’adapter les systèmes de protection sociale qui sont lourdement déficitaires désormais. »
         
        Éléments de langage et bla-bla mainstream à la mode C dans l’air. Rien sur « la concurrence libre et non faussée » ou sur l’euro monnaie inique...
         


        • Blé 29 juillet 2015 13:27

          @Ben Schott

          Rien sur l’optimisation fiscale, rien sur les paradis fiscaux, rien sur les paradis sociaux, rien sur les délocalisations massives, rien sur la déréglementation du droit du travail, rien sur l’exclusion des peuples sur les décisions économiques, etc..., etc..., rien sur les privilèges de la nouvelle bourgeoisie française et européenne.


        • tf1Groupie 29 juillet 2015 19:00

          Article pas très sérieux : la dette n’est pas un problème lié à l’UE ; TOUS les pays développés sont massivement endettés.

          Ensuite on trouve les bêtises récurrentes sur la loi Pompidou et Maastricht pour nous faire croire qu’il existait auparavant une merveilleuse époque où l’Etat produisait de l’argent à volonté.

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