L’Europe et le syndrome yougoslave
Hier Mercredi 22 Novembre 2017, Ratko Mladic, le « boucher des Balkans » a été reconnu coupable de crimes contre l'humanité en Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995 et de génocide commis dans la ville de Srebrenica en juillet 1995 et de crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye. Le juge du Tribunal pénal international a déclaré que certains des crimes de Mladic étaient “les plus horribles connus de l'humanité”.
Le tribunal pénal international en 1993 à La Haye (Pays-Bas) fermera ses portes à la fin de l'année avec le sentiment du devoir accompli. La condamnation à perpétuité de Ratko Mladic est le dernier verdict rendu par cette instance exceptionnelle créée il y a 24 ans pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie. Peut-on considérer pour autant qu’avec les 151 mises en accusation et 83 condamnations, notamment celles de « prestigieux » chefs politiques ou militaires, le virus « Mladic » est aujourd’hui éradiqué ?
Ce verdict ne changera rien à la vie des Bosniaques ou de ceux qui vivent dans la diaspora à travers le monde. Ils se consoleront un peu en pensant qu'une certaine forme de justice existe sur terre et que ceux qui se rendent responsables de telles atrocités finiront tôt ou tard en prison, mais quelles leçons ont été tirées des guerres yougoslaves ?
Ratko Mladic et le président Radovan Karadzic (condamné à 40 ans de prison par le TPIY) ont commencé leur épopée sanglante en 1992. Sous leur commandement, hommes, femmes et enfants ont été impitoyablement tués, violés, torturés, expulsés de leurs maisons, brûlés vifs, et mutilés. Cela se passait au cœur de l'Europe, alors que l'Union européenne et ses institutions étaient en place et prétendaient apporter l'espoir, la paix et la stabilité pour tous.
La “nouvelle Europe” existait déjà et promettait de vivre dans l'unité et la solidarité, dans le respect des lois, en respectant les droits de l'homme et les droits civils. Mais cette Europe-là n’a pas trouvé de solution pour prévenir, ni même pour arrêter les massacres au coeur même de sa géographie. Les dirigeants se mentaient à eux-mêmes en voulant croire que tout ça ne pouvait arriver que dans les Balkans, une partie du territoire non intégré à l’UE et au passé agité, et ils ne voulaient pas voir la montée en puissance de l’extrème-droite qui est aujourd’hui installée en Autriche, en Pologne, en Hongrie et vient de s’inviter en Allemagne.
À l'époque, les dirigeants européens et occidentaux hésitaient à qualifier de “criminels de guerre” Mladic et Karadzic, ou à utilise le terme de genocide pour leurs agissements. Ils se refusaient à comparer leurs expéditions meurtrières aux tueries de masse nazies, ou de qualifier de fasciste leur idéologie du “nettoyage ethnique”.
Ils préféraient croire à une issue par la négociation avec les meurtriers, et utilise des euphémismes tesl que « conflit » ou « guerre civile » pour décrire ce qui se passait en Bosnie. Il leur a fallu un certain temps pour reconnaître que des crimes de guerre avaient été commis. Ensuite, il leur a fallu presque quatre ans pour agir et arrêter la guerre, quatre ans qui ont coûté plus de 100 000 morts et plus de 2 millions de réfugiés.
Quand ils ont finalement arrêté la guerre, en signant un accord de paix avec ces criminels, il a fallu plusieurs années pour trouver un moyen d’engager des poursuites. Les procédures ont été longues et laborieuses au point que certains process comme celui de Slobodan Milosevic, ancien président de la Serbie, n'ont jamais vraiment eu de fin ; lui est mort avant que le verdict ne soit prononcé.
Les Bosniaques subissent encore les conséquences des l'hésitations de l’UE, mais les séquelles ne sont pas limitées à cette population. En ne réagissant pas à temps pour arrêter les crimes de masse, les dirigeants occidentaux ont envoyé un message au monde entier sur l’impunité à tuer et à répandre des idées ultranationalistes dangereuse en réduisant un genocide à un petit conflit régional entre certains peuples tribaux.
Après des années d'attente, un monstre a été puni pour ce qu'il a fait. Mais, malheureusement, on ne peut pas affirmer que ses actions et ses idées ont été éliminées par cette procedure judiciaire. Ses idées se sont propagées comme un virus opportuniste s'adaptant aux circonstances et à l’époque, et résistant aux médicaments,.
On croit entendre Mladic et Karadzic dans les déclarations de plusieurs dirigeants d'extrême droite en Europe et dans le monde aujourd'hui, à travers des discours sur les politiques de fermeture des frontières et de « sécurité nationale ».
Certains dirigeants et certains observateurs ne reconnaissent pas les paroles de couplets déjà entendus mais pour certains autres, la chanson a quelque chose de connu et d’inquiétant.
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