L’Europe pourrait se retrouver prochainement avec trois Orban au lieu d’un
Les hauts fonctionnaires de la Commission européenne sont sérieusement préoccupés par les nouvelles tendances politiques européennes. Selon les commentaires des représentants de la Commission au bureau européen de Politico, Bruxelles considère comme une "catastrophe" l'éventuelle arrivée au pouvoir dans deux pays des forces politiques qualifiées de "prorusses" dans la publication.
Il s'agit du Parti de la liberté d'Autriche, dirigé par l'ancien ministre de l'Intérieur du pays, Herbert Kickl, et du parti de la gauche démocratique slovaque Smer dirigé par l'ancien premier ministre Robert Fico.
"Prends garde, l'Ukraine, l'Empire austro-hongrois arrive. Les politiciens prorusses, similaires au (dirigeant) hongrois Viktor Orban, gagnent en puissance en Autriche et en Slovaquie", titre un article de Politico, qui résume le fond des réflexions et des craintes des eurocrates.
La peur de se retrouver en Europe centrale et orientale avec plusieurs régimes incontrôlables dans l'esprit de "l'orbanisme" (c'est-à-dire du populisme combiné à une réticence à suivre l'agenda euro-atlantique, y compris en ce qui concerne la Russie et le soutien à Kiev) est tout à fait justifiée.
Le vote démocratique pourrait conduire l'Union européenne à l'apparition bientôt de trois Orban au lieu d'un. Ou même quatre, si l'on compte le président croate en exercice Zoran Milanovic, qui est capable de qualifier la confrontation militaire avec la Russie de "folie", les sanctions d'impuissantes, et la perte de la Crimée par l'Ukraine de fait accompli. Cependant, dans une république parlementaire comme la Croatie, le président est plutôt une figure décorative. En revanche, l'apparition des premiers ministres Fico et Kickl dans d'autres républiques parlementaires de l'ancienne Autriche-Hongrie (en plus du premier ministre Orban) semble être un problème plus sérieux.
En Slovaquie, les élections législatives doivent avoir lieu le 30 septembre, et beaucoup prédisent l'arrivée ou plutôt le retour au pouvoir de Robert Fico et de ses partisans. L'ancien premier ministre est connu pour ses vues eurosceptiques et son désir d'établir des relations économiques avec la Russie. En particulier, le leader du Smer a promis qu'en cas d'arrivée au pouvoir, il mettrait fin à l'aide militaire à l'Ukraine.
Un récent sondage mené par l'organisation non gouvernementale Globsec est révélateur. Selon ses résultats, la Slovaquie a été qualifiée du pays le plus russophile d'Europe (selon le mensuel tchèque Parlamentní Listy). Seuls 40% des Slovaques sont convaincus que la Russie est à blâmer pour le conflit en Ukraine, 34% estiment que l'Occident est responsable de ce qui se passe, et 17% pensent que l'Ukraine est à blâmer. Selon le sondage, les Slovaques soutiennent également moins que les habitants d'autres pays l'adhésion à l'Otan.
En Autriche, les élections législatives auront lieu à l'automne 2024, mais Herbert Kickl a déjà annoncé ses plans de devenir le "chancelier du peuple", et son parti populiste de droite, le Parti de la liberté, devance depuis novembre 2022 les concurrents locaux, les Verts et les centristes du Parti populaire, qui sont en phase avec Bruxelles. Si les sociaux-démocrates n'arrivent pas à battre Kickl, l'Europe pourrait se retrouver avec "un autre gros casse-tête", craignent les interlocuteurs de Politico.
Il est possible que les médias exagèrent, mais Herbert Kickl est effectivement connu pour son scepticisme à l'égard de la politique étrangère des États-Unis et il a marqué les esprits en déclarant qu'il fallait exercer son droit de veto lors de l'examen de la résolution sur les sanctions antirusses.
Et dans les conditions actuelles, alors que les autorités autrichiennes sont plutôt modérées, les relations entre l'Autriche et la Hongrie voisine (l'"enfant terrible" de l'Europe) se développent plutôt bien.
Cela est lié tant à la politique de Viktor Orban, qui est souverainiste et neutre, qu'au fait que l'Autriche suivait traditionnellement une politique de neutralité et d'équilibre en Europe, malgré les changements de conjoncture politique.
Certes, un gouvernement plus à droite et plus eurosceptique est possible en Autriche, et un tel gouvernement prendrait des décisions plus réfléchies, sans suivre aveuglément l'UE.
En Slovaquie aussi il y a des chances qu'un gouvernement plus sceptique envers l'Ukraine et la pression antirusse arrive au pouvoir. La Slovaquie, tout comme certains pays des Balkans (tels que la Bulgarie), fait partie des États européens où la population est globalement russophile, quelles que soient les forces politiques au pouvoir.
Là où les responsables de la Commission européenne et certains médias européens ont tort, c'est en qualifiant Robert Fico et Herbert Kickl de "politiciens prorusses". Ni le Parti de la Liberté, ni le Smer, ni leurs dirigeants ne soutiennent la politique étrangère de Moscou ni approuvent l'opération spéciale en Ukraine. En effet, Fico soutient la participation de la Slovaquie à l'Otan et à l'UE, et ne conteste pas le droit de l'Ukraine à la "légitime défense".
Et idéologiquement, les deux "maux de tête potentiels de l'Europe" sont différents. Robert Fico est un social-démocrate. Herbert Kickl est un conservateur de droite et un nationaliste. Peut-être que le seul point commun entre les deux hommes politiques est qu'ils ont tous deux perdu leurs postes à la suite de scandales. Le ministre de l'Intérieur autrichien a dû démissionner à cause de l'affaire Ibizagate, dans laquelle Herbert Kickl n'était pas impliqué, tandis que le premier ministre slovaque a dû démissionner suite à l'affaire de l'assassinat du journaliste Jan Kuciak. Actuellement, le mécontentement de la société face à la crise économique et énergétique, causée par la rupture des liens entre l'UE et la Russie, pourrait faire revenir ces deux ex-dirigeants au pouvoir.
Alexandre Lemoine
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