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L’héroïsme en question

 

Loin d’être une vertu obsolète, l’héroïsme revient en force dans l’actualité du moment. Mais qui, exactement, peut être désigné comme un héros ? Et quels desseins politiques l’héroïsme contemporain sert-il ?

 

 Longtemps on a cru que l’héroïsme appartenait au passé, à une certaine idée de la bravoure et de la guerre que les nouveaux rapports politico-économiques avaient relégué au musée. Le héros semblait réduit à ses nombreuses représentations artistiques, quelle que soit l’époque où l’on situât ses faits d’armes. Sans remonter très loin dans l’histoire, les résistants durant l’Occupation – Jean Moulin en tête – nous avaient fourni maints exemples de ce que l’homme peut faire et supporter en des situations extrêmes. Au courage s’alliait le sens du sacrifice personnel pour une action orientée par des valeurs d’ordre éthique (amour de la patrie et de la liberté, haine de la barbarie, souci d’autrui et des générations futures, etc…). Telle nous paraît être encore la plus juste définition de l’héroïsme. C’est dire qu’elle exclue tous ceux qui, de nos jours, tentent des records aussi périlleux qu’absurdes dans le seul but d’attirer l’attention sur eux.

Si la guerre reste la première pourvoyeuse de circonstances exceptionnelles où la vie humaine semble jouée à pile ou face, la vie civile peut aussi ouvrir des brèches dans la routine des citoyens ordinaires. Les trois hommes qui ont affronté, récemment à Londres, le terroriste au couteau afin de l’empêcher de faire de nouvelles victimes, relèvent certainement de cette deuxième catégorie de héros. Tout comme les trois jeunes américains qui, en août 2015, avaient maîtrisé un autre terroriste qui s’apprêtait à faire un carnage dans l’express Amsterdam-Paris. Le cas de l’officier de gendarmerie Arnaud Beltrame qui, en mars 2018, s’est substitué à une otage dans un supermarché de Trèbes, relève autant de l’héroïsme que du martyre – lequel suppose une acceptation de sa propre mort, sans le recours aux armes pour défendre sa vie.

Car la guerre a changé d’allure et de moyens. Elle est devenue moins protocolaire, plus souterraine et plus diffuse. Si les nations s’affrontent encore, c’est par l’intermédiaire de groupes para-militaires qui représentent leurs intérêts divergents. Ou alors elles s’opposent directement à des organisations criminelles qui ignorent toute forme de diplomatie. On est loin du schéma classique de deux armées s’affrontant sur une partie du territoire national, avec les hécatombes humaines que l’on sait. Néanmoins la guerre demeure vivace un peu partout sur la planète en ce début du XXIeme siècle. Et elle requiert toujours des soldats pour la faire – des soldats désormais engagés volontaires – sur des théâtres d’opérations souvent éloignés de leur métropole.

Le cas des treize jeunes militaires français, disparus au Mali le 25 novembre dernier dans un accident d’hélicoptère, est caractéristique de cette nouvelle donne conflictuelle. Du courage, ils en avaient certainement pour avoir accepté cette mission dans ce pays africain, face à des combattants de l’ombre. Mais leur mort, aussi bouleversante soit-elle, résulte quand même de conditions accidentelles, comme il s’en produit aussi dans la vie civile. Elle n’est pas la conséquence d’une attaque - ou d’un guet-apens - face à des adversaires déterminés, comme ce fut le cas, en mai dernier, pour Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello. Qu’on ne s‘y trompe pas ! Cette mort accidentelle est encore plus tragique pour un soldat qu’une mort au combat les armes à la main, car elle le prive de faire la démonstration de sa valeur militaire. Dès lors, fallait-il parler aussi vite d’héroïsme comme l’ont fait nos gouvernants et les médias qui ont relayé leur voix ? N’est-ce pas faire un usage abusif de ce mot, même pour honorer à juste titre leur mémoire ? 

Au-delà de cette exigence définitionnelle, on peut se demander à quoi visent les cérémonies officielles qui accompagnent désormais la perte de chaque soldat français dans l’exercice de sa fonction. N’y a-t-il pas, en filigrane, la volonté d'insuffler à chacun d’entre nous la fierté d’être français ? Dans ce cas c’est une leçon de patriotisme qui nous est donnée, paradoxalement à l’heure de la construction européenne ? Mais on peut aussi y distinguer une intention plus bassement politicienne. Car, à chaque nouvelle perte humaine, il s’agit de reconquérir l’opinion publique, elle qui supporte de moins en moins bien que de jeunes français aillent mourir loin de leur pays, pour des intérêts qui ne sont pas toujours très clairs. Ainsi, à l’heure ou la guerre n’est plus – heureusement - synonyme de mort de masse, chaque disparition de soldat qu’elle entraîne, directement ou indirectement, peut apparaître comme auréolée d’héroïsme.

 

Jacques LUCCHESI  


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5 réactions à cet article    


  • xana 10 décembre 2019 11:02

    Et la mort des mercenaires ? N’est-elle pas héroïque ?

    Cet article ne veut rien dire.

    Il y a des gestes héroïques dans la vie de tous les jours. Mais pour que ce soit pris en considération il faut en plus que ce soit spectaculaire. L’héroïsme n’est donc plus qu’une question de buzz. Et de conformité. Beaurk !


    • jmdest62 jmdest62 10 décembre 2019 11:43

      on peut aussi y distinguer une intention plus bassement politicienne.

      °

      Non !!!! Vous croyez ????

      Hommage aux invalides pour un accident d’Hélico concernant des militaires <=> un p’tit mot de compassion à l’AN pour trois secouristes morts dans les mêmes circonstances....cherchez l’erreur.

      @+


      • Yann Esteveny 10 décembre 2019 13:00

        Message à Mr Jacques Lucchesi,

        Vous confondez l’héroïsme et le spectacle du faux. C’est bien dommage car le sujet mérite mieux.

        En détournant la citation d’Anatole France : Bien avant Jemmapes jusqu’à aujourd’hui, certains croient mourir pour la patrie et meurent pour des banquiers.

        Respectueusement


        • Lucchesi Jacques 10 décembre 2019 14:13

          @Yann Esteveny
          Si « le sujet mérite mieux », comme vous dites, traitez le dans le sens qui vous semble être le plus juste. J L


        • Yann Esteveny 10 décembre 2019 18:36

          Message à Mr Jacques Lucchesi,

          Vos propos sont défendables mais votre recherche du courage dans la pâture médiatique servie est une moquerie au vrai courage. Les médias actuels vous offriront que des produits frelatés d’héroïsmes.
          L’exercice de métiers périlleux pour sa vie trouve de multiples raisons n’ayant rien à voir avec le courage. Cela va de la recherche d’abord d’un salaire, d’un héroïsme pour sa personne, d’un piment à sa vie, etc...Intervenir exceptionnellement en risquant sa vie peut être un acte courageux, mais même pour l’intervenant la part d’instinct ou de courage est délicat à reconnaître.

          Le vrai courage demande force d’âme avec une grande exigence morale. L’héroïsme en revanche n’est pas une vertu lorsqu’elle est recherchée pour elle-même.

          La nécessité d’une conscience pour prétendre à du courage est déjà évoqué dans un ouvrage de Platon. Peut-être ne connaissez-vous pas la chanson « La statue » de Jacques Brel afin d’être vigilant sur les « héros » surtout lorsque leur mort ne leur permettent de s’en défendre ? Connaissez-vous le discours d’Alexandre Soljenitsyne « Le Déclin du courage » pour saisir ce qui se passe dans nos sociétés ocidentales ? Connaissez vous les films suivants pour saisir que le courage accompagne la vérité et s’oppose à la bravade du danger par orgueil : « L’homme qui tua Liberty Valance » de John Ford, « Courageous » et surtout « Fireproof » d’Alex Kendrick.

          Le vrai courage insuffle l’amour aux autres au « mépris » de sa propre vie. Cet amour se donne en enrichissant les autres et aide à grandir. Pour les premiers chrétiens, cela était une évidence. Le courage est-il une vertu plus masculine ? Je ne sais. Il arrive parfois qu’une jeune fille de Domrémy doivent rappeler à biens des hommes d’armes de France ce que signifie le courage dans le combat.

          Evoquer le courage est courageux de votre part, mais de grâce, traiter le avec la pudeur que cela exige et surtout loin du carnaval médiatique des chaînes de télévision. Enfin je vous remercie d’une part de votre invitation à traiter avec vous ce sujet et d’autre part des éventuelles corrections que vous saurez vous même apporter. Mon texte n’est pas plus juste que le vôtre mais quelques notions devaient être mises en perspectives et quelques écueils évités.

          Respectueusement

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