L’homme est un homme pour le loup
Depuis des mois, des faits divers qui se veulent territorialement mobilisateurs, informent l’opinion d’attaques de troupeaux de moutons par de grands prédateurs que sont le loup et l’ours, et ce avec un manque d’empathie pour la faune sauvage inversement proportionnelle à une solidarité économique pour l’éleveur, le maquignon, l’équarisseur et le boucher réunis. L’ours et le loup sont des mammifères climaciques qui n’auraient jamais dû être systématiquement évincés des écosystèmes et pour lesquels nous agissons désormais pour la légitime réintroduction.
Laisser un peu de viande au loup ou à l’ours ? Jamais au grand jamais ! Et quand je pense à ce salaud de loup qui ose manger une brebis, j’enrage ! Telle est la cruelle et stupide mentalité d’Homo sapiens demens, toujours plus anthropocentriste et spéciste, qui entend s’approprier l’entièreté de la planète aux dépens des autres espèces, sans savoir qu’il hypothèque ainsi son avenir.
Des fais divers à propos de la soi-disant incompatibilité entre le loup (et tant d’autres grands prédateurs naturels) et nos filières pastorales et bouchères - par ailleurs coupables de la perte de biodiversité et de l’érosion des sols - en disent long sur la cécité écologique de l’homme exterminateur et désertificateur.
L’exploitation de la pensée spéciste est un avariant facile. Tout est bon, de la peur du loup à l’appropriation des alpages à la seule fin du pastoralisme. Comme si les montagnes devaient être reconverties en fabriques de moutons, comme si nous ne pouvions « partager », de façon d'ailleurs bien peu paritaire, quelques brebis avec les loups subsistants, et dont le régime est exclusivement carnivore. Notre suggestion au loup serait-il : fais-toi végé ou t’auras affaire à nous !? Notre suprématie sur les fondamentaux naturels nous aurait-elle conduits à la déraison ?
L’élevage est une filière économique qui repose sur un bluff : notre dérive gourmande à manger bien trop de cadavre, alors que notre régime est omnivore, à tendance frugivore. Un peu comme l’ours, un peu comme le chimpanzé, pour lesquels la viande n’est qu’un complément très aléatoire. Mais le système mercantile fit de nous des zoophages et nous savons ce que cette dérive coûte en exploitation abusive des ressources, en injustice à l'égard des pays du Sud, en souffrance animale et, pour ce qui se rapporte à notre petite personne, en maladies cardiovasculaires, cancers du colon et autres.
Ces lignes n’ont pas pour dessein de faire l’apologie du véganisme, ou même du banal végétarisme. Je voudrais juste attirer l’attention sur le droit des animaux non domestiques à ne pas se voir expropriés de leurs habitats. Aucune espèce ne doit disparaître par la faute de l’homme. Nous en sommes pourtant aux trois-quarts d’espèces végétales et animales éteintes suite à nos agissements contre-nature. C’est ce que l’on nomme la sixième phase d’extinction massive des espèces, la première de notre responsabilité. En se foutant de la Nature, les gens se foutent de leur futur.
Au Moyen Âge, comme il y avait l’ours et le loup, il y avait Goupil, le renard, et les poules disparaissaient. Alors, les renards y sont passés. Mille ans plus tard, la rage est éradiquée, mais à la demande des éleveurs de volailles, le renard est considéré comme un animal nuisible. 600.000 renards et renardeaux sont tués annuellement par les chasseurs et piégeurs. Cette destruction, souvent par des moyens ignobles, s'effectue au mépris de toute idée de respect de la biodiversité ou de notion d'autorégulation des prédateurs, et donne encore lieu, en certaines régions, au versement d'une prime à la queue de renard...
Dans le monde agricole, le spécisme est l’histoire d’une détestation plus ou moins inconsciente de l’animal auquel ne sont prodigués de bons soins qu’en contrepartie de services rendus ou de la qualité de sa viande.
Il tue le loup, il frappe l’âne, il caresse son chien et mange l’agneau, c’est l’homme !
Tuer le loup, caresser le chien et manger le mouton, c’est l’homme dans tout son redoutable et très subjectif spécisme, on ne peut mieux symbolisé dans les champs et les pâturages. Durant cette année 2011, des attaques de troupeaux attribuées au loup ont été recensées dans une dizaine départements. Pour les seules Hautes-Alpes et jusqu’en juillet, une cinquantaine de ces assauts auraient occasionné la mort de 263 ovins, lesquels étaient de toute façon destinés à la mort, mais à l’abattoir et au profit d’une consommation humaine et payante. Je ne vous raconterai pas toute l’histoire de Sami avant les loups… C’était le nom de mon berger belge lorsque je vivais dans le Mercantour, dans les années 1970, avant que l’on réintroduise le loup. Comme je n’ai jamais pu attacher un chien, celui-ci divaguait par monts et par vaux, non sans saigner ou apeurer quelques moutons. Les bergers du coin n’ont jamais hésité à venir me réclamer le dû de leur perte. Combien de chiens errants jouent-ils encore au loup ? Mais le loup est un bouc émissaire, pas le chien que l’on caresse ! Selon les évaluations officielles, entre 150 et 200 loups sont présents en France. Et pour le moment, seuls les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ainsi que les lieutenants de louveteries sont autorisés « à détruire » les loups à distance hors de la zone autour du troupeau menacé, dans les conditions fixées par des arrêtés préfectoraux à durée limitée. L’homme est un homme pour le loup… Nous en sommes aux dernières sommations avant usage des armes et le populisme électoral que suscite l’approche des présidentielles ne sera pas favorable au noble prédateur de nos côtelettes. On va tirer de plus en plus.
Laisser un peu de viande au loup ou à l´ours ? Jamais au grand jamais ! Même si l’on débat de l’érosion des sols, de la désertification, de la détérioration de la strate végétale dans les systèmes les plus arides, du recul de la biodiversité floristique, de l’éviction de la faune sauvage, on ne se pose même pas la très écologique question de savoir si nos troupeaux surnuméraires ne sont pas plus nocifs aux écosystèmes que quelques loups erratiques. La filière bouchère et sa viande au kilogramme obnubilent. Économie et profits immédiats, en avant toute et myopie écologique oblige ! Telle est la cruelle et stupide mentalité d´Homo sapiens demens, toujours plus anthropocentriste, qui entend s´approprier l´entièreté de la planète aux dépens des autres espèces, sans savoir qu´il hypothèque ainsi son avenir.
Avec force de leurs arguments, nos agriculteurs montagnards s’opposent farouchement aux réintroductions de l’ours et du loup, pourtant anciens commensaux de l’homme et de son pastoralisme. La biodiversité n’est qu’une empêcheuse d’élever et de cultiver en rond. Quand le paysan parle de diversité animale, c’est avec des œillères et il ne pense qu’animaux productifs. Un animal non domestiqué n’a pas à exister. « Nous, paysans d'une vingtaine de pays européens et d'autres continents, appelons les éleveurs à continuer à protéger et à garantir la diversité animale créée depuis des siècles, par les savoir-faire de générations de paysans : diversité des races ou des populations, diversité au sein des troupeaux », déclare une Confédération paysanne qui ne voit l’animal que sous forme d’abats. Mais comment la bande à Bové si spéciste gère-t-elle donc ce conflit avec Europe-Écologie-Les Verts, tous pro-ours et pro-loup, que je sache ? Comment peut-on accuser les écolos de radicalisme alors que le plus grand laxisme règne chez eux dans l’objectif électoraliste ? Et pourquoi les écolos et les fondations environnementales ne sont-ils même pas un tant soit peu naturalistes ou animalistes ?
« Se nourrir des animaux n'est pas loin de l'anthropophagie et du cannibalisme. La même quantité de terre utilisée pour paître et nourrir du bétail pourrait nourrir dix personnes ; si de plus nous la cultivions avec des lentilles, haricots en grains ou petits pois, cela pourrait nourrir une centaine de personnes... Le bassin d'Orénoque peut produire suffisamment de bananes pour nourrir l'humanité entière confortablement. » Alexander von Humboldt
« En fait, si une personne fait du mal aux humains elle sera considérée comme étant cruelle, mais quand des gens sont cruels envers des animaux, spécialement au nom du commerce, on ferme alors les yeux sur cette cruauté, et lorsque de grosses sommes d'argent sont en jeu, elle sera même défendue par des gens autrement intelligents. » Ruth Harrison
« Je soutiens qu'il ne peut y avoir aucune raison — hormis le désir égoïste de préserver les privilèges du groupe exploiteur — de refuser d'étendre le principe fondamental d'égalité de considération des intérêts aux membres des autres espèces. » Peter Singer
« Le classement des formes, des fonctions organiques et des régimes a montré d'une façon évidente que la nourriture normale de l'homme est végétale comme les anthropoïdes et les singes, que nos canines sont moins développées que les leurs et que nous ne sommes pas destinés à concourir avec les bêtes sauvages ou les animaux carnivores. » Charles Darwin
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