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Accueil du site > Tribune Libre > L’homo oeconomicus, les semi-nomades kirghizes et nous

L’homo oeconomicus, les semi-nomades kirghizes et nous

De juin à octobre, les montagnes kirghizes se peuplent de yourtes et de troupeaux conduits par des familles de bergers semi-nomades. Dans cette petite République d’Asie centrale, 30% des habitants vivent encore de l'agriculture. En quasi-autarcie durant 5 mois de l’année, le quotidien des éleveurs constitue un cas d’école pour l'analyse économique.

 

Des communautés autarciques loin de tout contact marchand

​​​​​​L’autarcie des semi-nomades kirghizes ne joue pas la partition de militants postmodernes de la décroissance ou de hippies alternatifs mais s'inscrit dans le cadre global du marché : ils sont salariés par leurs pairs au sein de coopératives pour élever les troupeaux et doivent louer leurs pâturages aux collectivités locales. Quand les récits de voyages chantent la liberté du nomade, sa réalité économique est étrangement proche de celle d'un quelconque travailleur. Surtout, la liberté fantasmée est toute limitée par le service du bétail. Comme l'entrepreneur obéit à ses clients, le berger suit les besoins de ses bêtes. Il n’a de liberté que celle de se mouvoir avec son troupeau sur le terrain qu'il a loué à la région pour la saison.

Dans ce cadre étrangement marchand (salariat et location), les semi-nomades kirghizes revêtent cependant une spécificité forte : la faible fréquence des relations commerciales. Selon leurs lieux d'installation, les visites d’acheteurs de lait, de crème, de fromage et de bétail peuvent s'espacer de plusieurs mois. C'est donc dans un monde de services entre voisins, pour la tonte des moutons ou les mises à bas, et de division familiale du travail, pour la gestion quotidienne des troupeaux et les tâches ménagères, que vivent ces communautés. Dans cette sphère générale de dons et de contre-dons ou aucune monnaie ne transite en dehors des contacts irreguliers avec les marchands, se dessine une leçon économique.

 

Une leçon sur la rationalité des décisions : des nomades oeconomicus

Les semi-nomade nous montrent à voir que la rationalité des décisions n'est pas corrélée à l'essor du marché, ce serait même plutôt l'inverse. Paradoxalement, la faible fréquence des contacts commerciaux fait de ces éleveurs de parfaits homo oeconomicus. Ils sont si peu en relation avec le marché que tout contact commercial est pesé, mesuré, analysé, pensé. Ils ne descendront au village que lorsque le cours de la laine sera au plus haut et leur bénéfice en sera ainsi maximisé. Ils soupèsent leurs besoins pour optimiser les achats de fournitures. Le comportement économique des éleveurs correspond ainsi aux idéaux rationnels de la plupart des économistes. Une rationalité ici en partie alimentée par la pression financière qui pèse sur les exploitations.

A l'inverse, l’homme occidental et marchandisé doit prendre chaque jour une demi-douzaine de décisions économiques pour se mouvoir, se nourrir, se divertir ou se vêtir. L'explosion des contacts avec le marché nous rend paradoxalement moins rationnels car on ne sous-pese pas ses actions à longueur de temps. C'est comme si les hypothèses de fonctionnement optimal du marché étaient valables lorsque ce dernier est encore peu développé mais s'évanouissaient avec son succès. Nourri de publicité, incité à acheter à tout va, aiguisé par le désir mimétique, aguiché par les promotions, l'homme moderne est victime d'une foule de biais cognitifs dont les marques usent avec bonheur. Dès lors, pour pléthore d’achats du quotidien il consomme comme un réflexe, loin des hypothèses rationalistes des modèles économiques.

 

Les hypothèses des économistes remises en cause par l'extension du marché ?

Émerge ainsi une question qui avait été posée par l’intellectuel critique Ivan Illich : efficace lorsqu'il est peu répandu, le système capitaliste ne produit-il pas ses propres déficiences en croissant ? Il semble que cela puisse être le cas au sujet de la rationalité de nos décisions. Lorsque le marché reste circonscrit à quelques rares moments, l’hypothèse d’un homo oeconomicus semble bien réelle. Lorsqu'il s'étend à toutes les sphères de notre vie, on peut en douter. Les décisions marchandes des semi-nomades kirghizes seraient ainsi bien plus rationnelles que les nôtres.


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12 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 16 octobre 2017 11:08

    je me souviens d’un vieux reportage en VO sur le sujet.
    ils ont la télé et un lecteur dvd dans un placard fermé, des panneaux solaires, des gros 4X4 ......
    les yourtes n’ont pas changées sauf pour le chauffage car adaptées à ce style de vie.


    • pemile pemile 16 octobre 2017 11:49

      @foufouille

      Vous nous donnez le revenu moyen annuel de ces nomades ?


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 12:44

      @pemile
      ce n’était bien évidement pas dit dans le reportage, c’était en mongolie.
      je ne pense pas que le 4X4 était neuf, tout de même.


    • pemile pemile 16 octobre 2017 14:00

      @foufouille
      Pour le 4x4 je préfère ne pas relever tellement c’est ridicule.

      Pour l’importance des panneaux solaires pour assurer la pérennité du mode de vie de ces éleveurs nomades en Mongolie :

      http://www.banquemondiale.org/fr/results/2013/04/08/portable-solar-power-for-nomadic-herders


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 14:17

      @pemile
      désolé mais ils avaient des 4X4 et des transports pour les chevaux.


    • pemile pemile 16 octobre 2017 14:27

      @foufouille

      Cela n’en reste pas moins ridicule de tenter d’en faire une généralité de richesse et de confort de vie comme premier commentaire d’un article sur les nomades Kirghizes.


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 14:29

      @pemile
      je ne pense qu’un hélico va venir chercher un blessé .................


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 14:37

      @pemile
      je n’ai absolument pas parlé de richesse ou de confort, surtout qu’une yourte est confortable.
      ça ressemble surtout à un machin pour bobos trekker.


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 14:39

      @pemile
      http://www.france-sire.com/actu_webtv-11417-la_course_de_pur_sang_a_cru_sur_22_kms_au_kirghizistan.php
      Quant à l’allocation, elle n’est pas clairement désignée comme en France. Il y a un chèque qui peut dépasser les 15.000 € dans les bonnes courses, et aussi une voiture de type 4x4 neuf qui peut aller jusqu’à 60 ou 80.000 € ! Cela à mettre en rapport avec le SMIC local qui n’est que de 150 € par mois...Enfin, il faut signaler que le cavalier touche 20% du prix. Autant dire que certains ados sont déjà millionnaires dans ce pays !


    • pemile pemile 16 octobre 2017 15:00

      @foufouille

      Quel rapport entre ces Jeux Nomades avec Steven Seagal comme invité d’honneur en 2016 et le fond de l’article sur les communautés rurales et isolées et cet exemple Kirghize de communauté autarcique loin de tout contact marchand ??


    • foufouille foufouille 16 octobre 2017 15:41

      @pemile
      la réalité simplement est loin de la vision du bobo vert trekker :
      50Nous avons été témoins des changements survenus dans la vie des éleveurs tels que Kubanyčbek. Non loin de son campement à Tepši, près du lac Soŋ köl, en haute montagne, se trouvent un bâtiment de la société Šoro, qui achète du lait de jument aux éleveurs pour fabriquer du kymyz industriel, et, trois kilomètres plus loin, un centre de tourisme pour les étrangers. L’élevage est maintenant devenu une activité plus commerciale et certaines personnes entreprenantes ont choisi de vivre de la revente du bétail. L’introduction de nouvelles formes de propriété s’est accompagnée du développement de l’individualisme, du rétrécissement des cercles de solidarité clanique et communautaire. Parmi tous ceux qui, jusqu’à une époque récente, ne faisaient que de l’élevage, nombreux sont ceux qui se sont mis à la culture céréalière ou potagère, ou à d’autres activités complémentaires. C’est surtout là que se manifestent, dans la population, les conséquences de la transition et de la globalisation.
      leur mode de vie est commercial comme les autres.


    • pemile pemile 16 octobre 2017 17:32

      @foufouille « 50 Nous avons .. »

      Tu fais un copier/coller d’un des 53 points d’un article, donne donc le lien vers l’article smiley

      À propos de l’identité actuelle des pasteurs “nomades” de la région de Naryn


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