L’hospitalité en trompe-l’œil du pape François
Ils sont nombreux, ceux qui de bonne foi s’interrogent sur la question de l’accueil des migrants et sur l’attitude à adopter à l’égard d’un phénomène décrit comme inexorable. Eternel dilemme entre le coeur et la raison dont l’équilibre n’est pas évident à trouver. On se souvient de la formule de Michel Rocard « la France ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». Beaucoup moins qu’il s’agit d’une phrase remaniée qui synthétise une vision reposant sur une maîtrise forte des flux migratoires, très éloignée de l’homélie de Noël du pape François, en faveur de l’accueil des migrants.
« Noël, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, en force pour une nouvelle créativité de la charité », a expliqué avec force le chef de l’église catholique le soir du réveillon. Reste à savoir où l’on place le curseur de la charité et le nombre de migrants que nous sommes prêts à accueillir.
Le roman des migrations n’en est pas à sa première page. Homo sapiens a sans doute dû sa survie comme espèce au fait qu’il ait migré et se soit mélangé à d’autres populations. Mais les vérités d’hier ne sont plus forcément celles d’aujourd’hui en raison de l’explosion démographique mondiale mais aussi, des technologies notamment de communication, qui ont transformé les sociétés occidentales en véritables lampadaires qui attirent irrésistiblement, tels des moustiques, les habitants de cieux moins fortunés.
Reste un sentiment partagé. Celui que nous sommes à la croisée des chemins, dans l’un de ces moments de vérité où se joue peut-être le devenir de nos sociétés occidentales sur une planète fragilisée par l’insouciance de l’homme moderne. Peut-on balayer d’un revers de main les craintes de ceux qui observent aujourd’hui la panne qui touche notre modèle d’intégration (et pas seulement en France) mais aussi, ceux qui pensent qu’un afflux non contrôlé aura des incidences sur leur mode de vie et qu’à ce titre, la charité proclamée, se traduira par un partage des richesses ou de la pauvreté selon que l’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide ?
Les faits économiques à cet égard sont têtus. Depuis trois décennies, la France se paupérise. En attestent ses millions de chômeurs, son système économique qui n’est plus compétitif et sa dette publique passée de 20% du PIB dans les années 80 à 92% actuellement. A l’écart de cette tendance générale, une minorité, celle dont les élites font partie, au contraire s’enrichit. Cette dichotomie explique en partie le caractère quasi inaudible pour la France d’en-bas du discours généreux des élites, de facto à l’abri des conséquences négatives des flux migratoires.
La fonction publique dont le poids est si important dans notre pays constitue une illustration flagrante de cette France où désormais le revenu moyen est inférieur au revenu moyen de l’Union Européenne. La fonction publique, en dehors de la haute qui soigne ses avantages, c’est un nivellement par le bas sans précédent marqué par l’apparition impensable de catégories de travailleurs pauvres.
Dire dans ce contexte que la situation sociale et tendue est un pléonasme. Elle pèse lourdement sur la classe politique et notre système démocratique qui n’a échappé aux formations extrémistes lors des dernières élections présidentielles que par l’offre, à travers Emmanuel Macron, d’un dégagisme policé.
Il ne faut pas être hypocrite. Ouvrir largement nos frontières se traduirait directement par une mise en concurrence des classes moyennes et populaires hexagonales avec celles des pays du sud. La voie à emprunter est donc celle d’un chemin de crête où chaque faux-pas peut nous entraîner vers les abimes. Ouverture au monde et solidarité d’un côté, maintien de la cohésion sociale et des régimes démocratiques de l’autre.
On sait depuis l’Irak et la Libye les conséquences que peuvent avoir l’effondrement des structures étatiques. La question des flux migratoires mérite mieux que la culpabilisation dans laquelle voudrait nous emmener quelques belles âmes autoproclamées. Le pape est dans son rôle en prêchant l’amour et l’ouverture à l’autre mais il nous appartient, au-delà de tout angélisme, de regarder le monde tel qu’il est et non tel que nous voudrions qu’il soit. Le rôle essentiel des intellectuels est de nous aider à cette compréhension des enjeux. Pas de faire faire des pirouettes médiatiques utopiques, creuses et dangereuses.
Crédit photo : © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons
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