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L’impossibilité du compromis - Neuromarketing : le cerveau ne ment jamais (7)

Il est temps d’évoquer le neuromarketing, que je n’ai pas utilisé lors de mon stage mais qui m’interpelle pour plusieurs raisons. Il est indispensable de s’y intéresser car les résultats des travaux du secteur viennent révolutionner le consensus des études de sociologie de la réception qui statuait à dire qu’au final, la publicité n’avait pas tant d’influence. A ce propos, Olivier Droulers et Bernard Roullet entament ainsi leur article consacré au neuromarketing[1] :

« Les progrès accomplis récemment par les neurosciences ont permis une révision complète de la compréhension du fonctionnement cérébral. Une révolution est en marche, bouleversant les paradigmes établis en sciences humaines. Le marketing, après avoir assimilé successivement les concepts de psychologie générale puis de psychologie cognitive, doit aujourd’hui s’approprier les notions et concepts des neurosciences pour garder sa place au sein des sciences sociales ou humaines »

 Nous pouvons aujourd’hui établir un fait indéniable : la publicité n’est pas sans effet sur l’humain et ses choix.

En effet, pour Luk Warlop professeur de publicité - KUL Leuven «  L’impératif dans une publicité, c’est de provoquer une réaction dans la tête des gens, elle doit activer quelque chose.  » Ainsi, Jacques François, publicitaire nous explique que « le neuromarketing, c’est quelque part en soi se mettre à la recherche du Graal et trouver les recettes magiques pour agir sur le comportement du consommateur à coup sûr.  »[2]

Alors, quelle est la part du fantasme, dans ces conceptions ? Une étude menée par le professeur Read Montague[3] permet de confirmer, au moins en partie, ces définitions. Cette étude, faisant consommer du Pepsi et du Coca-Cola à des consommateurs en aveugle puis à découvert démontre que la publicité est capable d’inhiber la conscience et de nous faire avoir des comportements qui sont parfois contre-nature. En aveugle, le consommateur préfère le Pepsi, mais en voyant la marque, il préfère le Coca. Faire consommer du Coca-Cola à quelqu’un qui préfère le goût du Pepsi est une prouesse digne de ce qu’Edward Bernays avec fait concernant les femmes et la cigarette ! Le choix et les perceptions ne sont donc pas rationnels, ils sont influencés par notre subconscient, lui même pollué par les messages et les univers publicitaires.

C’est pourquoi certains consultants publicitaires comme Arnaud Petre en Belgique, ont investi le neuromarketing :

 « Les neurosciences ont fait des progrès fantastiques ces vingt dernières années, et c’est seulement le début. L’idée c’est de s’adresser au cerveau plutôt que de vous poser des questions. Si vous aimez ou pas un produit on va vous mettre dans un scanner et voir ce qu’il se passe dans votre cerveau. Et puis il y a aussi d’autres types de test qui permettent d’essayer de mesurer l’impact inconscient que peut avoir un produit ou une publicité sur vous, et donc sur la consommation.  »[4]

À deux millions d’euros la machine IRM, l’investissement ne se justifie que si l’on a des clients. Et ils se font de plus en plus nombreux. On retrouve des marques bien sûr, mais aussi des personnalités politiques. Alexandre Naret confie d’ailleurs : « Il y a clairement des utilisations potentielles en politique et on a clairement des contacts avec des partis politiques qui… se tiennent informés et qui sont relativement intéressés par ce type de procédure. » Ainsi, le professeur Graham a démontré que, dans son clip de campagne pour les élections de 2004, George Bush capitalisait sur les événements du 11 septembre afin de stimuler la peur et attirer vers lui les électeurs républicains, plus sensibles à ce levier. [5] Ce marketing idéologique pourrait donc « servir à vendre non seulement des produits de consommation mais également des idées, des politiques, des idéologies ou des partis politiques. »[6]

Pourtant, selon Olivier Oullier, neuropsychologue, « il n’existe aucune étude scientifiquement reconnue établissant un lien causal univoque entre le fonctionnement d’une aire cérébrale et un comportement aussi complexe que la décision d’achat »[7]. Gérard Zaltman ajoute que « Le cerveau ne se laisse pas décoder aussi facilement. Nous ne pouvons pas lire les pensées des autres. Nous pouvons seulement dire si les régions du cerveau associées généralement à certains types de pensées et d’affects sont ou non activées. Nous pouvons induire certaines informations sur la qualité de ces pensées en observant quelles autres régions cérébrales s’activent au même moment ou quelle région s’active avant ou après une autre. Tout cela ne nous permet quand même pas de circonscrire la pensée ou le sentiment exact qui provoque l’activation. »[8]

Mais Olivier Droulers explique que ces techniques restent pertinentes et seront exploitées dans l’avenir :

«  Ce qui intéresse les entreprises, je dirais que cela tourne autour de trois concepts :

1) L’attention : est ce que mon consommateur fait attention à mon stimuli, mon packaging, mon linéaire, ma publicité.

2) Est ce que le consommateur ressent une émotion, est engagé émotionnellement avec le stimuli. Quand je monte une publicité, est ce qu’il y a une émotion qui nait.

3) In fine, est ce que le consommateur mémorise ce que je lui raconte.

Sur ces trois points là, le neuromarketing, les sociétés d’études ont des outils, en particulier l’électroencéphalogramme, qui permet effectivement d’apporter des réponses concrètes et aujourd’hui ça se développe. C’est évident que c’est une technique un peu sophistiquée, il faut surtout se familiariser avec la pensée neuro-scientifique. Elle n’est pas intuitive, et donc cela demande de la part des équipes des sociétés d’études, des entreprises, une certaine curiosité, une certaine compétence, une certaine culture scientifique. En tout cas, le transfert se fait déjà et il va s’amplifier dans les prochaines années c’est sûr. »[9]

Il n’empêche que si le neuromarketing n’en est qu’à ses balbutiements, il apparaît comme impératif de le réglementer afin de limiter son utilisation commerciale et politique. Tout d’abord parce que même si les publicitaires n’ont pas encore trouvé le « bouton magique », leurs travaux sur la mémorisation et sur les impacts des images sur nos émotions ne sont pas moins inquiétants. La fuite du savoir de l’hôpital vers le commercial est assez angoissante.

A ce propos, j’ai identifié un sérieux paradoxe dans la politique menée par la France en matière de législation publicitaire. Si des mesures sont prises pour limiter l’exposition de certains secteurs (alcool, tabac…), il est totalement contre-productif de laisser des entreprises que l’on sait nocives pour la société étudier au plus près nos concitoyens. C’est un non-sens total que l’on permet au nom de la liberté d’expression, mais celle-ci ne s’applique avec évidence que lorsqu’elle sert les intérêts privés des oligarques. Je ne crois pas avoir une posture stalinienne en proposant l’idée de mettre en place une commission de contrôle de l’éthique des entreprises et de leurs filiales, et de ne permettre de mener des recherches sur le public qu’aux entreprises respectueuses de critères à définir par consensus avec la population. Si chacun savait ce qu’il se tramait derrière chaque marque et chaque publicité, il est certain que les réactions du public ne seraient plus si enthousiastes face à ces marques. De même que ces mesures encourageront le développement d’entreprises éthiques à échelle humaine. Les Sociétés coopératives et participatives (SCOP) représentent une véritable révolution dans le monde de l’entreprenariat, étant donné que les salariés détiennent 51% du capital et que le dirigeant est… élu par les salariés. Ne serait-il pas plus gratifiant pour les communicants de travailler pour des entreprises dont ils savent qu’elles ne contribuent pas à aggraver la situation globale ?

Une conclusion à venir.. 


[1] O. Droulers, B. Roullet (2007), Emergence du Neuromarketing : apports et perspectives pour les praticiens et les chercheurs, Décisions Marketing n°46, avril-juin 2007.

[2] RTBF 1, Matière Grise – n°26, . Visionnable sur : http://www.wat.tv/video/neuromarketing-21t1r_2hm19_.html

[3] Neuron, Vol. 44, 379–387, October 14, 2004 : Neural Correlates of Behavioral Preference for Culturally Familiar Drinks

[4] PETRE, A. in Neuromarketing : scanner le cerveau, Canal Jimmy http://www.youtube.com/watch?v=wk-vWqq5srw

[5] TIERNEY, J. (2004), The 2004 campaign : Using M.R.I. to see politics on the brain, The New York Times, 20 avril 2004.

[6] Commission de l’éthique, de la science, et de la technologie au Québec (décembre 2006) ; Les neurosciences à des fins marketing et les jeunes

[7] SERGENT, D. (2006), « Médecine et marketing, une collaboration à risques », 3 janvier, la-croix.com

[8] ZALTMAN, G. (2004) Dans la tête du client, Editions Transcontinental, p.120

[9] DROULERS, O. (2011) in Darketing épisode 20, Neuromarketing, http://dailymotion.com


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2 réactions à cet article    


  • non667 4 février 2012 19:12

    à jonathan
    Gérard Zaltman ajoute que « Le cerveau ne se laisse pas décoder aussi facilement. Nous ne pouvons pas lire les pensées des autres. Nous pouvons seulement dire si les régions du cerveau associées généralement à certains types de pensées et d’affects sont ou non activées. Nous pouvons induire certaines informations sur la qualité de ces pensées en observant quelles autres régions cérébrales s’activent au même moment ou quelle région s’active avant ou après une autre. Tout cela ne nous permet quand même pas de circonscrire la pensée ou le sentiment exact qui provoque l’activation. »[8]

     reflexion hors sujet :
    les dieux informaticiens qui ont crée a partir de l’inerte , des lois naturelles,des variables binaires existantes  les nanoprocesseurs ,les languages de programmations ,les programmes amenant l’inerte chaotique à la vie organisée , ces dieux donc PERÇOIVENT l’état des variables binaires et peuvent décoder nos pensées aussi facilement que nous pourrions les lire dans un livre ! inutile de leurs mentir !
    ces dieux en activant /désactivant /déplaçant les variables peuvent nous insuffler des émotions /sentiments /paroles etc..........
    si nous jugeons bons ces sentiments/... nous disons que c’est le bon dieu qui nous les donne
    si nous les jugeons mauvais nous disons que c’est le diable (mais bien plus rarement celui ci est évoqué )


    • joelim joelim 19 février 2012 16:16

      Je pense que la propagande publicitaire, dont le neuromarketing est le dernier rejeton — à la fois monstrueux et ridicule — va perdre la guerre.

      Pourquoi ? 

      A cause des bouffonneries dont les gens finissent par se rendre compte !

      Exemple : la stratégie marketing de Sarkonni dans la course présidentielle.

      Genre il va s’occuper fissa de la taxe Tobin, ou encore, dans son dernier meeting : «  Ceux qui ont poussé des hurlements dès que j’ai prononcé le mot référendum se sont toujours méfiés du peuple. Ce sont les mêmes qui ne se sont jamais présentés à une élection !  » 

      Sarko du côté du peuple maintenant ! 

      Pas besoin d’avoir le bac pour constater que le saucisson est 100 % pur gras. smiley 

      Et ça va en faire réfléchir certains qui croient encore que ce sont ceux qui ont l’air le plus convaincus qui ont raison. 

      Bienvenue à ceux-là dans le monde réel ! smiley 

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