L’incompréhension
Les derniers mois ont été animés par le débat sur l’identité nationale et les différents faits divers qui sont venus s’y greffer. Le net, qui permet à chacun de réagir à l’actualité « chaude », a grandement alimenté ce débat...pour le meilleur et le pire.
J’ai pris un malin plaisir à parcourir les différents forums qui traitaient de sujets liés à l’identité nationale et aux faits divers qui alimentaient les brèves de comptoir et la première impression que j’ai eue, c’est l’incompréhension qui régnait entre deux mondes qui ne voulaient pas dialoguer. Cette absence de dialogue se manifestait en premier lieu par les positions victimaires que prennent les deux parties. En fin de compte personne n’est responsable de rien dans ce pays...je dirais même que nous sommes tous irresponsables...
Par exemple, bon nombre de débats, en particulier sur Agoravox, ont porté sur l’Islam. On avait d’un côté ceux qui s’élevaient contre l’islamisation rampante de la France à coup de faits divers plus ou moins bien exploités le tout assaisonné de versets du Coran montrant l’incompatibilité de l’Islam avec les valeurs de la République ; de l’autre côté, il y avait ceux qui pointaient du doigt ce gouvernement prêt à tout pour séduire un certain électorat avide de réponses musclées sur tout ce qui porte sur l’immigration et la délinquance, que l’islamisation était fantasmée et que tout ce tintamarre ne faisait que stigmatiser une population qui était dans sa très grande majorité intégrée. Et ainsi, les commentaires s’accumulaient où chacun exposait ses propres droits..."mais moi, j’ai le droit !"...tout en exposant les devoirs de l’autre.
Néanmoins, beaucoup oubliaient dans ces longs fils, qu’en tant que citoyens, nous avions tous des droits et des devoirs. Deux maux caractérisent notre époque : d’une part, la certitude qu’a chaque personne de n’avoir que des droits sans se soucier de ses propres devoirs et d’autre part (conséquence du premier mal) le fait de donner beaucoup trop d’importance aux libertés individuelles au détriment des libertés collectives. Ces maux touchent toute notre société, sans distinction de sexe, de race, de religion ou d’opinion. Et ces deux maux sont au cœur de ce sujet.
Les plus assidus pourront transposer ces maux aux différents débats qui ont secoué le net et la France entière afin d’asseoir leurs certitudes ou au contraire amorcer une remise en cause de leur position.
De ces maux qui nous habitent chacun, il ne peut naître qu’une incompréhension féroce pouvant aller jusqu’à la rancune (où l’autre est la cause de nos malheurs). Cette incompréhension peut être amplifiée par le moindre fait divers (l’affaire Liès Hebbadj par exemple) qui sera prétexte à une extrapolation plus ou moins hasardeuse sur toute une population. On en arrive à cette triste constatation : on vit dans l’illusion de notre puissance que ces deux maux nous confèrent. C’est donc dans la prise de conscience de l’existence de l’autre que viendra notre salut et non pas dans le refus de le voir ou le désir de le jeter. Cette illusion de puissance se manifeste particulièrement parmi une jeunesse française dont les parents ou grands-parents sont étrangers et qui s’identifie pleinement à leur pays d’origine sans pour autant l’apprivoiser. J’ai du mal à me persuader que des gens qui ne connaissent le pays de leurs ancêtres que par les courts séjours qu’ils ont pu effectuer (principalement pendant les vacances d’étés) puissent se sentir pleinement de ce pays. La vision qu’ils ont de leur pays est fortement biaisée ; pour beaucoup, ils connaissent mal les mentalités, la situation politique, économique, sociale etc. de ce pays. C’est forcément un monde de bisounours bien plus attrayant que la morbidité française qu’ils peuvent reconnaître à mille lieues. Lutter contre ces maux c’est accepter d’être ce que l’on est malgré les déceptions et les frustrations que cela peut engendrer.
La question "qu’est-ce qu’être Français" n’est pas si stupide que ça en fin de compte (enfin, elle ne se résume pas strictement à avoir une carte d’identité française bien que formellement ça soit vrai). Parce que personne ne le sait...on a tous tendance à projeter ses fantasmes, à idéaliser et homogénéiser "sa France". La France est un vieux pays, s’exclamait Villepin à l’ONU en 2003. Elle est tellement vieille qu’elle se sent obligée de regarder en arrière. Regarder en arrière pour se glorifier ou s’auto-déprécier. Ceux qui proclament que la France n’a pas à rougir de son passé colonial sont souvent les premiers à jeter l’opprobre sur la Convention et les massacres de Vendée et inversement. Nouvelle incompréhension, me direz-vous...on n’arrive peut-être plus
Je considère que les candidats à l’élection présidentielle de 2012, devront concentrer leur réflexion sur notre devise "Liberté, Égalité, Fraternité" sur les frontières et sur le sens (d’un point de vue individuel et collectif) qu’il faut donner aux trois termes. Cette devise est à mon goût ce qui symbolise le mieux notre identité nationale. Le moment de l’histoire moderne (1940-1944) où la France ne fut plus vraiment la France (en premier lieu parce qu’elle était occupée en partie puis totalement) a vu un gouvernement qui a modifié cette devise. A part quelques illuminés et/ou dégénérés, cette devise parle à chacun et elle doit nous aider à redonner une cohésion à ce pays qui sombre de jour en jour dans le médiocre et la séparation des mondes.
P.S : à une époque (début 2001) où il était plus raisonnable, un certain Dieudonné qui se préparait à concourir pour les présidentielles de 2002, affirmait que "Liberté, Égalité, Fraternité" était en soi un parfait programme politique. J’espère qu’il n’a pas changé sur ce point.
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON