L’indépendance bretonne : mission impossible (2)
Reprenons ensemble le fil de cet article et replongeons nous dans le passé qui, comme nous l’avons indiqué précédemment était « garant de l’avenir ». Donc au dix-septième siècle la Bretagne était une région défavorisée du royaume de France alors que trois siècles plus tôt, avant son association avec la couronne de France , la Bretagne était relativement prospère dans le contexte de l’époque. Donc sur le plan économique, sous le règne de Louis quatorze, la Bretagne avait perdu au change. Entre cette période et la révolution de 1789 le sort de la Bretagne évolua peu, contrôlée par les fermiers généraux et largement sollicitée pour les guerres en dentelles de Louis quinze, la Bretagne dût fournir de forts contingents de soldats, le plus souvent enrôlés contre leur gré grâce au subterfuge de loteries pour le moins aléatoires, pour ne pas dire truquées. C’est à cette période qu’eu lieu l’épisode du fameux « d’ar guer » ( « à la maison » en breton). Un contingent de conscrits bretons manifesta son refus d’aller à la guerre pour le roi de France en criant « d’ar guer » aux oreilles des officiers royaux. Le commandant en chef, ignorant de la langue bretonne compris :« à la guerre ». Il les envoya de force sur le front des combats, en première ligne... Bien sur ce n’est qu’une anecdote mais elle met en lumière la nature des relations entre la Bretagne et le royaume de France.
Ceci étant dit le sort de l’ensemble des provinces du royaume n’était guère plus enviable, mais en Bretagne la barrière linguistique ajoutait un handicap supplémentaire en plus du mépris traditionnel des élites française pour le fait breton.
En 1789, les députés du Finistère prirent une part active au déclenchement de la révolution dans l’espoir d’obtenir une forme d’émancipation de la Bretagne vis à vis du pouvoir français. La constitution de la première République de 1792 proclamait la République française « UNE ET INDIVISIBLE ». Le sort de la Bretagne était joué !
L’épisode du premier empire bonapartiste ne laisse pas vraiment de place particulière au fait breton pris dans le maelstrom de l’épopée napoléonienne qui secoua l’Europe entière de Madrid à Moscou. Faut il rappeler que Napoléon Bonaparte accéda aux pouvoirs suprêmes grâce initialement à sa situation de sauveur de la République face à la coalition des monarchies européennes rétrogrades et réactionnaires, qui s’étant liguées pour anéantir l’intolérable aigle corse, avait sonné l’hallali de concert dans l’espoir de s’adonner à une curée historique au détriment de l’ensemble des peuples européens ?
La comète napoléonienne embrasa brièvement le ciel européen d’une lumière exceptionnelle ternie par tant de batailles meurtrières dont l’Empereur ne fut pas le seul responsable. Initialement ses guerres furent des guerres de défense de la République face aux factions monarchiques coalisées pour lesquelles l’existence d’une République en Europe était un fait monstrueux et intolérable.
La Bretagne, à ma connaissance, ne connut pas en ces circonstances de destinée particulière qui aurait pu la singulariser.
Faisons un bond en avant. Le dix neuvième siècle, la révolution industrielle. La Bretagne, hormis le pôle St Nazaire -Nantes, ne bénéficia pas d’un fort élan de modernité industrielle. Les ports comme Brest et Lorient avaient néanmoins une certaine importance stratégique et militaire. L’industrialisation de la pêche permis l’éclosion en Bretagne de l’Ouest de nombreuses conserveries occasionnant l’émergence d’un prolétariat ouvrier dans lequel femmes et enfants furent sévèrement exploités. Mais à lire Émile Zola nous conviendrons que ce fût le sort du commun dans l’ensemble de la France. La bourgeoisie ayant succédé aux nobles, discrédités par leur refus de promouvoir la révolution industrielle, ne montra pas plus de mansuétude ni de bienveillance à l’égard des humbles que les aristocrates de l’Ancien Régime. L’agriculture bretonne ne dépassa pas beaucoup le stade de l’agriculture vivrière. Peu de mécanisation, pas de progrès notables en science agronomique, aucune rationalisation. Quasiment jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le milieu agricole breton fût pauvre, démuni, peu instruit et maintenu dans l’ignorance par un clergé pour lequel l’instruction publique était le péché capital.
Le dix-neuvième siècle a été celui où la Bretagne a été vraiment laissée pour compte par le pouvoir français. Cette province, s’est alors lentement embourbée dans un marasme généralisé. Analphabétisme, paupérisation, isolement linguistique et culturel, absence de leadership des pouvoirs régionaux, une véritable convergence de déficiences a plongé la Bretagne dans des heures sombres et pitoyables. Au point que des intellectuels comme Chateaubriand ont été touchés par cette misère humaine , toujours digne et stoïque en Bretagne, chez ce peuple breton si courageux et résilient. L’âme contemplative des bretons est elle une légende ? Néanmoins le dix-neuvième siècle en Bretagne et ailleurs vit naître le mouvement romantique.
La première guerre mondiale : 1914-1918. Un cataclysme européen sans précédent, une horreur innommable, une boucherie sanglante et imbécile, parfaitement inutile provoqué par l’incurie des dirigeants politiques. L’élite politique européenne a alors orchestré le massacre systématique des peuples. Jean Jaurès, rare opposant à la guerre a payé le prix fort pour son attachement au pacifisme. Et La Bretagne ? En tant que province pauvre, peu industrialisée, privée de moyens de production utiles à la guerre, peuplée d’allophones incultes, les états majors français n’ont pas hésité à prioriser la conscription massive de ces bretons en marge de la société française. Le résultat a été lourd de conséquences. Nulle part ailleurs en France les monuments aux morts ne sont plus grands qu’en Bretagne, hormis sur le théâtre des opérations dans le nord-est. Les chiffres sont difficiles à établir avec certitude mais il est probable que 800 000 bretons furent tués pendant cette guerre inhumaine sans égard à l’origine nationale. Bien sur la grande guerre n’épargna personne. Mais le pouvoir français fit le choix politique de favoriser la conscription bretonne. Ce fait est éloquent en soit.
Je vous propose une seconde pause. Nous allons conclure cet article ultérieurement.
Kenavo.
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