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L’information sauce conseil régional du Languedoc-Roussillon

Qu’un conseil régional informe les citoyens de ses activités, quoi de plus légitime et nécessaire ? Mais pourquoi faut-il qu’il le fasse invariablement sur le mode hagiographique ? C’est que, sans doute, nul ne peut se soustraire au principe fondamental régissant « la relation d’information » et un pouvoir, moins que quiconque : on ne livre pas volontairement une information susceptible de nuire à soi-même. Le mensuel du conseil régional du Languedoc-Roussillon est donc lui aussi emporté dans le tourbillon grisant de l’autocélébration jusqu’à en perdre la raison. Mais le paradoxe ironique de l’histoire est qu’à vouloir éviter toute critique, il en vienne pourtant à livrer à son insu et contre son gré une information susceptible de lui nuire !

De format tabloïd, en quadrichromie, « Vivre en Languedoc-Roussillon » est un mensuel gratuit qui ne vit pas d’autre publicité que de celle du conseil régional. Il ne peut ainsi recenser sans les encenser les actes du conseil et de son président.

La geste héroïque du conseil régional


- Dans le numéro 42 de juin 2008, par exemple, qui compte 24 pages, dès la page 2, une clameur accueille le lecteur : « Merci ! » crient en chœur et l’un après l’autre onze heureux bénéficiaires de subventions pour un aéroport, une médiathèque, un théâtre, ou un projet d’insertion professionnelle. Tous tiennent à rappeler dévotement la grosse somme allouée, qui va de 16 000 à 800 000 euros. Il n’y a guère que le président de la Ligue Languedoc-Roussillon de football – avec, c’est vrai, la responsable d’une association d’assistance psychiatrique – pour taire le montant reçu. Sans doute est-ce par pudeur.

- « Un millier d’élus rassemblés autour du pacte régional  », chante ensuite un article sur la convention régionale des élus, présentée comme « une première en France ». Et onze élus PS, PRG, UMP, divers droite ou sans étiquette, de célébrer à l’envi l’heureuse initiative.

- Un dossier de cinq pages est plus loin consacré à la louange de la nouvelle et géniale appellation d’origine, « Sud de France ». Un des producteurs sollicités n’en revient pas et se demande encore comment n’y avoir pas songé plus tôt. Créée par le conseil régional pour promouvoir les « bons produits » locaux, elle vise martialement à les lancer, lit-on, « à la conquête de l’Hexagone ». On est même allé chercher une ancienne Miss France, « enfant et star du pays » pour brandir l’étendard. Vêtue comme le chaperon rouge, elle a été modestement intronisée « ambassadrice Sud de France ». Et « (elle est) fière de représenter (sa) région », tient-elle à annoncer sur la pleine page qu’on lui accorde. Qui en aurait douté ?

- Parmi les autres grands projets dont est vantée la vocation internationale, on trouve celui de l’université de Montpellier, estampillée elle aussi « Sud de France ». Elle est, lit-on, « en pôle position », depuis qu’elle a été choisie par le gouvernement avec neuf autres universités françaises pour atteindre « l’excellence internationale  ». Une autre ambition internationale du conseil régional est « (d’ouvrir) le marché britannique aux entreprises  » : la Grande-Bretagne est le premier importateur mondial de vin et la région en a à revendre !

- La vie quotidienne n’en est pas pour autant oubliée : « C’est voté !  » clame triomphalement un titre réunissant les dotations allouées à l’amélioration des transports ou à celle de la formation dans une rubrique curieusement appelée « le journal officiel ». Le ton hagiographique de cette rubrique n’est pourtant plus pas plus incontinent que celui des autres.

- Pour finir, quatre pages traitent de questions humanitaires, sportives, et culturelles : on y relève la création d’un centre régional d’histoire de la Résistance parce que « la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre », le dernier Tour de France d’un cycliste local qualifié de « sage », un hommage en occitan et en français à un poète occitan et de même un article en catalan et en français sur Amélie-les-bains, une ville thermale catalane.

- Il est tout de même une page qui tranche, tristounette, parmi les 23 autres et leurs brassées d’éloges étalées en gros titres parmi aplats et images colorés : c’est, lit-on, « une tribune libre réservée à l’expression des groupes politiques » représentés au conseil. Maigre espace de liberté, à vrai dire, au régime sec ! Pas de photo ! Pas de gros titre ! Une typographie minimaliste : six partis se partagent cinq petites colonnes. Moins pour chacun d’eux que pour l’ex-Miss France « ambassadrice Sud de France » et ses fadaises ! Sans doute, le manque de place !

Un culte rendu à un président de conseil régional

C’est vrai qu’il n’en reste pas beaucoup une fois que Georges Frèche, le président du conseil régional, a été servi. Sur 24 pages, on ne relève pas moins de 11 photos du grand homme, seul ou en groupe, et parfois deux ou trois sur la même page.
Le magazine en mains, impossible de rater son image centrale à la une ! Il est filmé en gros plan sur grand écran à la tribune de la Convention régionale des élus, centre de tous les regards d’une assemblée réunie dans une salle de spectacle. Et on ne peut davantage le manquer en refermant le journal : il est encore en dernière page dans le demi-cercle des personnalités réjouies, foulant le tapis d’un salon cossu pour célébrer une nouvelle fois « l’Université de Montpellier Sud de France » et, avec elle, le Languedoc-Roussillon « en pôle position  ». La métaphore de course automobile, on le voit, est si appréciée qu’on la répète ! Qu’elle soit vide de sens, qui s’en soucie ?

A l’intérieur du mensuel, dès la troisième page, deux photos confirment, s’il était besoin, que c’est bien le même homme qu’on a aperçu en première page : l’une, en format d’identité, accompagne son éditorial, l’autre le montre assis en conversation avec une PDG lors d’une autre convention, celles des « décideurs ».

Ensuite, il ne faut pas moins de trois photos sur les six qui illustrent les deux pages réservées à « la Convention régionale des élus », pour suivre à la trace le président. Que l’une d’elles soit l’exacte réplique de la première page, ne gêne pas ses thuriféraires : la répétition inlassable est le procédé de l’inculcation.

La distinction de l’université de Montpellier offre encore l’occasion d’une nouvelle et nécessaire réapparition parmi les artisans de cette réussite, car rien de ce qui est important n’est étranger au président. De même est-ce, cette fois, en bâtisseur qu’il est filmé un peu plus loin, lors de la pose de la première pierre de l’École nationale du génie rural de Montpellier.

Une surprise de taille est tout de même réservée en page 18. Puisqu’on ne doit rien ignorer de la magnificence du président, on le voit sur deux photos inattendues à l’occasion de la remise d’une décoration mystérieuse, la médaille de « la Confradia de Los investigadores ». S’agit-il d’une confrérie cooptant des explorateurs comme Christophe Colomb ? Le mensuel n’en dit mot. On apprend seulement que cette distinction a été remise au président par l’archevêque de Tolède, et primat d’Espagne, le cardinal Antonio Cañizares Llovera : on voit, en effet, le récipiendaire tendre le col à l’écharpe, puis l’exhiber sur son torse avec orgueil aux côtés du prélat qui, croit-on savoir, s’est récemment signalé pour son opposition résolue à la politique de José-Luis Zapatero en matière d’égalité entre hommes et femmes.

Après ce coup d’éclat, on ne le croira pas, mais c’est le désert ! Plus une seule photo du grand homme à contempler jusqu’à ce qu’on referme le magazine et qu’on le retrouve sur un tapis de haute laine parmi des personnalités régionales !

Pareil organe dédié à l’exclusive promotion d’un homme et d’une assemblée régionale sur fonds d’impôts locaux, n’est certes pas le seul du genre. C’est même une habitude très répandue. Qu’il soit municipal ou régional, ce type de magazine ne connaît que l’hyperbole paroxystique dans la louange de ces auteurs et ne croit qu’aux vertus de la répétition frénétique comme méthode d’inculcation par excellence. L’idée ne paraît même pas l’effleurer que tant d’outrances puissent manquer leur but et déclencher la répulsion, fût-ce sous sa forme civilisée qu’est le sourire de l’ironie quand il ne reste rien d’autre au citoyen pour préserver sa liberté d’opinion.

Paul Villach

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13 réactions à cet article    


  • Marc Viot idoine 26 juin 2008 10:58

    Bon, apparement, si le contradictoire n’existe pas dans ce magazine régional, vous nous faites le plaisir de le porter sur un média national.

    Louanges vous soient rendues !

     

     smiley


    • foufouille foufouille 26 juin 2008 11:28

      en bourgogne et en champagne c’est exactement pareil. on decrit un monde merveilleux ou aucun probleme n’existe.......


      • Pie 3,14 26 juin 2008 12:45

        Le jeu consiste dans ce genre de presse à compter le nombre de photographies où apparait l’heureux élu par rapport au total. On peut atteindre 100% dans les bulletins municipaux en période électorale...


        • Keruel 26 juin 2008 15:15

          Navrée de vous préciser que le code électoral prévoit précisément que les élus ne peuvent plus apparaitre, ni en photo, ni en signant un éditorial ou un quelconque article du journal municipal en période électorale.

          C’est un motif d’invalidation qui est particulièrement connu et surveillé par tous les candidats.


        • Keruel 26 juin 2008 15:11

          Je partage les commentaires sur cet article qui s’émeuvent à juste titre du côté excessif des propos tenus. Je voudrais néanmoins apporter une petite nuance politiquement incorrecte dans le concert de dénonciations que je lis...

          Je vois pour ma part un premier avantage à ce type de publication qui permet tout de même aux électeurs de connaitre les modalités de dépenses de l’argent public et les choix budgétaires qui sont réalisés par les collectivités. Cela me parait d’autant plus nécessaire pour un Conseil Régional ou un Conseil Général dont les compétences et missions sont encore très obscures pour nos concitoyens. Il y a une certaine incohérence à exiger toujours plus de transparence et à dénoncer les informations fournies.

          En outre, et je me fais honteusement l’avocat des collectivités locales, il est aussi assez agaçant d’attribuer régulièrement des subventions à des structures qui finissent par penser qu’il s’agit là d’un dû qui doit tomber régulièrement et naturellement dans des volumes croissants, sans avoir ni à remercier ni à justifier de l’utilisation pertinente desdites subventions.

           


          • Paul Villach Paul Villach 26 juin 2008 15:24

            @ Keruel

            Cher Keruel,

            Attention, pas de confusion ! J’ai d’entrée précisé que l’information sur les activités d’une collectivité locale est légitime et nécessaire. C’est ma première phrase !!!

            Le seul problème que je soulève est le mode hagiographique qui est la règle pour diffuser cette information.

            Onze photos du président du conseil régional sont-elles nécessaires à l’information des citoyens ? Cordialement, Paul Villach.


          • Keruel 26 juin 2008 15:36

            Disons pour être très clair :

            1 - je ne vois pas pourquoi un CG ou un CR ne ferait pas un peu sa pub sur les actions qu’il conduit (disons "valorisation" pour être moins impertinent)

            2 - le processus d’élections engage à celà...

            3 - l’idéal est de former le citoyen à la lecture critique de ce genre de support... ce que vous vous employez à faire je crois ?

            3 - à quand un article sur l’omnivalorisation du Président de la République dans les medias ?

             

             

             


            • finael finael 26 juin 2008 17:57

              Et qui paye ledit tabloÏd à votre avis ?

              Vous ne saviez pas où passent vos impôts, maintenant vous en avez une idée !


            • Alexeï 26 juin 2008 23:33

              Hagiographie des uns et lâcheté des autres.

              Vous montrez utiliement que des élus de tous bords participent à cette hagiographie d’un personnage particulièrement répugnant. Il suffit de rappeler ses propos racistes (les harkis traités de sous-hommes, propos que l’on a plus entendu depuis Hitler, la présence écrasante de Noirs dans l’équipe de France de football). Pourquoi n’y a-t-il aucun politique ou journaliste qui rappelle la gestion clientéliste de ce Monsieur qui, par caprice, s’est fait offrir une voiture dont le coût est supérieur de 10 000 euros (payée avec l’argent public) à celle son prédécesseur Jeacques Blanc élu avec les vois du Front National ? ou de son bureau de fonction de 80m2 décoré de meubles philipe Stark (également payé avec l’argent public ?

              C’est cela le socialisme : je donne des leçons que je ne m’applique pas et tout cela avec l’argent public.


              • liberte cherie 27 juin 2008 00:10

                Idem à Grenoble.

                On a le journal de la mairie. Mensuel à la gloire du maire.

                Le journal de la metro (communauté des communes).

                Celui du département et celui du conseil régional.

                Une seule satisfaction. Personne ne les lit. Ils restent empilés sur le boites aux lettres.

                Cette profusion de propagande montre bien la difficulté qu’ont les politiques de justifier devant le bon peuple du poids croissant des prélevements obligatoires pour un service déplorable. En effet si le service rendu était bon, il ne serait pas necessaire de l’imprimer sur 100 pages et de le distribuer gratuitetement. Tout le monde le constaterait.


                • Molathe 27 juin 2008 09:21

                   

                   

                   

                  Merci de votre article, vous soulignez si bien ce que sont ces torchons Tartufesques.

                  Mais je dois vous dire qu’au second degré, si on ne les lit pas trop souvent ce sont quand même des sources de rigolades inépuisables comme vous nous le démontrez si bien. Mon cabinet de lecture personnel, mes toilettes, accueillent avec plaisir ces brûlots au 4ème degré, et m’occasionnent à ces moments solennels quelques bonnes crises de rire ...

                  Mais je ne peux m’empêcher d’être chagriné pour mes concitoyens qui les lisent au premier degré et qui derechef s’engouffre dans les isoloirs pour voter selon leur bon vouloir regorgeant de "c’est écrit dans le journal, donc c’est vrai". Et remercient ainsi leurs édiles de la laine qui leur est mangé sur le dos à la sauce du mépris.

                  Notre Ceaucescu Régional assume très bien cette publicité. Il ne semble même pas en pâtir. Pourtant il est plus qu’évident de se sentir dans une république africaine tant la vérité et la transparence éblouissent notre bonne ville de Montpellier à l’instar de son soleil. Les Français sont des veaux, les Languedociens des limaces.

                  J’en arrive à me demander si ce sont nos édiles qu’il faut condamner pour la grossièreté de leur manœuvres ou si ce n’est ce bon peuple qui se croit en démocratie ? Alors il est déjà bien puni, mais ne le sait toujours pas. Agissent-ils en tirants méprisants ou ne font-il pas que répondre à la demande ?

                  Aurions-nous les présidents et la presse que nous méritons ?


                  • Belle lurette 29 juin 2008 21:35

                    g freche à fait de montpellier une ville vivante (mais les impots qui vont avec) et a sû faire les bons choix contrairement à nimes. il est vrai que ce gars à un égo démesuré, faisons comme molathe de la litterature de chiotte, moi ça m’a servi à les repeindre.


                    • Lapa Lapa 30 juin 2008 17:42

                       Les dépenses de communication et de représentation ont augmenté de 53% en un an... mais enfin cette pubilicité permanente porte ses fruits puisque par un sondage commandé par lui-même, Georges Frêche est "la personnalité qui représente le mieux la région" largement devant Brassens et Moulin... Comme quoi montrer sa trombine dans un torche-cul est mieux payé en retour que se les faire couper par les nazis...

                      On a tous eu notre part de lecture de ces magazines des régions, départements, agglomérations, villes voire quartiers ou arrondissements claironnant sans cesse la victoire de la lumière sur les ténèbres. Soyons contents d’être heureux dans le meilleur des mondes. Depuis que je vois de la pub pour le métro.... dans le métro je ne m’étonnes plus de rien ...

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