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Accueil du site > Tribune Libre > L’informatique, filtre de la pensée ?

L’informatique, filtre de la pensée ?

On entend partout traiter de l’information, de l’ouverture au monde par le net, du libre accès à des idées ou à des images qu’une impitoyable barbarie costumée en chinois ou à l’iranienne s’efforce d’entraver ! Mais a-t-on suffisamment compris le sens du mot information, lequel signifie une disposition à recevoir une forme, à subir son empreinte ? A cet égard, grande est la sagesse du prince des philosophes, Aristote, qui déclare la vertu faite aussi d’ignorance, de conservation d’une certaine virginité.

En réalité que nous offre l’information diffusée sur Internet, sinon une censure de moins en moins déguisée, une anesthésie du savoir : personne ne se doute de la disparition de données sans cesse revues et corrigées jusqu’à être éteintes. Telle est la tyrannie du système informatique qui opère en deux temps : il fait passer du monde concret, réel et livré à lui-même, celui des choses en soi, à un monde fictif, arrangé, contrôlé par une volonté d’imposer une idée de liberté, un type normal d’existence, c’est-à-dire normalisé et bientôt déraciné. Dans un second temps, en effet, la conscience oublie sa propre racine, car elle estime être suffisamment nourrie par l’information : être formée = s’informer. Chacun est entraîné non plus à vouloir connaître, mais à ressembler à un type idéal, à vêtir un jean semblablement délavé, pour ne pas être catalogué anormal, trouver un langage commun.

Parler l’emporte sur réfléchir : fini l’entretien continu et silencieux de l’âme avec elle-même, ainsi que le noble Platon définit la pensée dans un dialogue de sa maturité. Son disciple Aristote avait beau prétendre qu’il n’y a pas de pensée sans image, on a renversé le rôle et la servante est devenue la maîtresse : il n’y a que des images qui à elles-seules portent une seule pensée, celle de l’identité à un modèle unique. Il s’agit moins de communiquer que de communier dans le même alcoolisme, étant entendu que le symptôme par excellence de ce dernier est l’euphorie, le sentiment de se bien porter, de n’avoir besoin de rien d’autre que de la satisfaction de soi. Entendez, du reste, par unique, dans ce que nous entendons par modèle unique, ce qui en dehors de lui ne saurait exister. C’est un unique diabolique, car le divin crée, mais celui-ci absorbe toute création autre que ce qu’il impose.

Donnons-en des exemples : Un Parisien d’il y a quelques années pouvait se promener le long de la Seine et chercher chez un bouquiniste de quoi alimenter et ouvrir sa curiosité. Les librairies anciennes ou d’occasion étaient nombreuses sur la rive droite et un livre pouvait ainsi tomber entre les mains d’un lecteur. S’il entrait dans une bibliothèque, telle la Bibliothèque Nationale ou ailleurs, le catalogue écrit par matière ou auteur lui assurait de pouvoir accéder au fond, à tout le fond répertorié. Aujourd’hui, par les moteurs de recherche il est interdit au fond réel de paraître. Quiconque n’est pas jugé conforme est anéanti ; une information, répondra-t-on, peut être postée sur Internet, sur Facebook, Daily Motion ou You Tube. Oui, à la condition que certain groupe ne proteste pas, et il suffit de constater qu’une information ne dure pas, si elle offre un caractère trop particulier, étranger à la norme imposée.

Le ménage a été fait par les censeurs dans nos bibliothèques, à commencer par celle des instituts religieux, qui vendent leur fond en ne conservant que ce qui est le plus souvent demandé. L’informatique s’inscrit dans un cadre plus vaste de désertification. Citer l’écrivain britannique surnommé Orwell sur la novlangue s’impose ici, et chacun devrait savoir que son livre devait s’intituler 1948, mais que par crainte de dénoncer ouvertement la dictature de Staline son éditeur londonien lui fit changer la date en 1984. Sommes-nous devant la porte de l’Antéchrist, futur directeur des consciences, frappons et il nous ouvrira, occasion de le jeter dehors cet éternel usurpateur ?


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7 réactions à cet article    


  • Morgan Stern 11 mars 2011 09:14

    Internet n’empêche personne d’aller chiner sur les quais de la Seine.
    Par ailleurs, tout n’existe pas sur le net, ce qui laisse encore une belle place au « réel ».

    Si parler l’emporte sur la réflexion de fond, c’est aussi parce qu’il en va de même dans le monde réel. En gros, vous accusez Internet de choses dont il n’est pas responsable.

    Aujourd’hui, par les moteurs de recherche il est interdit au fond réel de paraître.

    N’importe quoi. C’est comme en librairie. Il y a ce qui est proposé en tête de gondole et ce qu’il y a au fond des rayons.
    Si vous ne savez pas chiner sur Internet, n’accusez pas Internet.

    Personne ne se doute de la disparition de données sans cesse revues et corrigées jusqu’à être éteintes.

    N’importe quoi. Si vous ne le saviez pas, n’accusez pas pour autant les autres d’être ignorants.
    Ce n’est pas parce que vous tombez des nuées qu’il en va de même d’autrui.

    Par ailleurs, comme vous êtes très logique avec vous-même, vous jugez pertinent de nous informer de vos pensées immatures sur un support numérique volatile.
    Votre philosophie c’est « faites comme je dis, pas comme je fais » ?


    • dionysos 11 mars 2011 09:59

      je pense que l’auteur a raison. on constate un appauvrissement de la pensée de plus en plus criant.
      Bien sur, on peut se procurer énormement de choses sur internet, mais la censure fonctionne à plein régime, et dès que l’on cherche un peu, on s’aperçoit qu’il est difficile de s’informer vraiment.
      En librairie, des milliers de livres ne sont plus disponibles, parce que jugés sulfureux par certains, ou tombant sous le coup de lois liberticides. Le Camp des Saints ne pourrait pas etre publié aujourd’hui.
      le manque de culture généralisé des jeunes générations, et ce n’est pas de leur faute mais l’école les crétinise chaque jour un peu plus, ne pourra qu’aggraver le problème.
      Merci à des gens comme le projet LENCULLUS de remettre à notre disposition des livres introuvables.


      • voxagora voxagora 11 mars 2011 12:39

        .

        Votre remarque sur la censure me fait penser à un épisode de
        « Le ciel de la Kolyma » d’Evguénia Ginsburg :
        il s’agissait de trouver une charge contre elle, prisonnière « libérée » en Sibérie,
        et les soldats ont fouillé son taudis à la recherche d’indices subversifs.
        Ils ont trouvé que « Le chat botté » l’était suffisamment pour être confisqué comme preuve.

        Attention, chez nous aussi, si nous sommes soupçonnés de quelque méfait,
        tout peut faire preuve. C’est ce que j’appelle le syndrome du Chat botté ..

      • Francis, agnotologue JL 11 mars 2011 10:05

        Bah ! Toute médaille a son revers.

        L’auteur écrit : « Mais a-t-on suffisamment compris le sens du mot information, lequel signifie une disposition à recevoir une forme, à subir son empreinte ? »

        Curieuse définition de l’information, je trouve. Je lui conseille la lecture plutôt que l’écriture. Il pourra peut-être devenir un meilleur « filtre ».


        • voxagora voxagora 11 mars 2011 12:32

          .

          Je crois que l’auteur est moinssé parce qu’il fait une règle générale
          de ce qui n’est qu’un aspect de l’information .

          De même quand on décrète un appauvrissement de la pensée,
          ou une « montée » du niveau,
          il y a aussi, et l’auteur le démontre, une tendance à réduire toute chose de manière binaire.

          C’est flagrant depuis quelques années dans nombre de titres d’articles, ou d"émissions :
          on pose une donnée, et on la fait suivre d’UNE question qui réduit l’ensemble des réponses
          à un choix binaire.
          AAAAAAAAAAAAAAAAA : xxxxxxxxxxxxxxxxx ou yyyyyyyyyyyyyyy ?




          • Traroth Traroth 11 mars 2011 15:12

            Internaute depuis bientôt 20 ans, je partage le point de vue de l’auteur sur le fait qu’il faut se méfier de ce qui parait évident. Internet nous permet d’accéder à l’information, mais nous impose aussi une quantité ingérable d’informations qui peut facilement donner l’impression que tout est futile. Internet est un terrible levier pour le relativisme.

            La première chose à apprendre, c’est de savoir faire le tri entre information importante et information anecdotique.

            Mais il faut quand même rappeler qu’Internet donne accès à des informations qui étaient tout simplement hors de notre portée auparavant.

            • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2011 18:25

              Tout à fait d’accord.
              Il y a une certaine confusion dans cet article. Internet n’est pas Informatique et vice versa.
              On peut faire de l’informatique, sans jamais s’intéresser à ce qu’on dit sur Internet.
              L’informatique existait bien avant le web et Internet.
              Internet aurait bien pu continuer sans passer à la communication.

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Dortiguier


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