L’instruction à domicile en danger
Cette part de l’éducation non-formelle risque fort de disparaitre sous les coups de boutoir de quelques républicains « intégristes »...
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Peut-on être parent et éducateur et enseignant ? De tous temps certains parents ont voulu gérer en direct l’instruction scolaire de leur progéniture. Qu’est-ce qui peut amener à un tel choix ? Des contraintes professionnelles spécifiques (itinérance), un enfant gravement malade ou handicapé, l’isolement géographique, un choix idéologique ou bien encore tout simplement la possibilité de pouvoir le faire (père ou mère au foyer)... 20 000 enfants seraient scolarisés ainsi dans notre pays. La loi permettant cela depuis 1882 (modifiée en 1998). Procédure simple : déclaration auprès de la mairie et de l’académie, l’administration mettant ensuite en place une enquête visant à vérifier que tout se passe bien (tous les deux ans) et des contrôles pour s’assurer de la qualité de l’enseignement. Les mêmes droits aux allocations familiales sont ouverts aux familles qui font ce choix de l’instruction à domicile, mais des sanctions lourdes sont également prévus en cas de manquement au droit à l’instruction de l’enfant. Bref, un dispositif bien cadré si chacun fait le boulot qui lui revient. Certains argumenteront sur le fait que cela peut freiner la socialisation de l’enfant (cette phrase est une litote, car nullement argumentée par des faits), confondant instruction à domicile et enfermement. Hors la socialisation peut se faire pendant les temps de loisirs, comme les autres enfants, à travers la vie sportive, associative, la culture... Non, vraiment, un bon dispositif laissant aux parents un vrai choix éducatif.
Mais un grain de sable est venu perturber ce bel équilibre des libertés individuelles : la restriction de pouvoir dispenser cet enseignement aux seuls enfants d’une même famille, rendant ainsi impossible les regroupements. Le texte d’origine prévoyait pourtant de permettre à deux familles de se réunir pour instruire ses enfants. Pourquoi cette attaque sur cette liberté d’enseignement ? Parce qu’un rapport sur les sectes a mis en évidence l’enfermement de 18 enfants dans un milieu sectaire (Tabitha’s Place) en prenant pour prétexte cette instruction à domicile. A lire le rapport du sénateur Jean-Claude Carle, il y aurait en fait plus de 5000 enfants qui seraient ainsi sous l’influence des sectes. Je ne mets pas cela en cause, persuadé que la dérive sectaire trouve dans cette liberté un moyen d’enfermement. Doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? A l’heure où l’on vient d’autoriser l’ouverture de classes musulmanes, alors que les autres enseignements confessionnels existent depuis longtemps, en France comme dans le reste de l’Europe, est-ce bien la lutte contre les sectes qui motivent cette attaque ?
Je trouve que les propos tenus par quelques députés sont à ce sujet, inquiétant. "L’école de la République, c’est quand même là qu’on devient citoyen. Pourquoi, finalement, prive t-on ces enfants de cette chance de devenir citoyens dans une société normale" (propos de Georges Fenech, UMP). Jean-Pierre Michel (que j’ai personnellement connu plus tolérant) s’oppose farouchement "à un enseignement qui serait dispensé dans le cadre de la famille". Pourquoi cette virulence ? Pourquoi ne pas appliquer tout simplement la règlementation, renforcer les contrôles, et laisser vivre librement ceux qui le souhaitent. Je n’ai rien trouvé dans les différents rapports laissant transparaitre un éventuel taux d’échec scolaire, c’est donc bel et bien l’instruction à domicile, plus que les sectes, qui semble visée. Rendre l’école obligatoire serait liberticide ; restreindre l’instruction à domicile aux seuls cas de handicap comme le demandait un amendement heureusement abandonné, le serait tout autant. Voilà un enseignement où se sont les enfants qui posent des questions à l’inverse de l’école où on leur en pose suite à un enseignement frontal. On peut avoir une autre vision de la société, on peut proposer d’autres formes d’enseignements à nos enfants ; du moment que leur santé, physique comme mentale, n’est pas menacée ; du moment qu’ils passent avec succès leurs diplômes... Sommes-nous à ce point rongés par la pensée unique que l’on veuille formater ainsi les générations futures ? Nous reprochons à juste titre l’enfermement mental des sectes, prenons garde à ne pas faire la même chose à plus grande échelle...
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