L’intelligence artificielle progresse alors que l’intelligence humaine régresse...

@l’auteur

On a beaucoup parlé ces temps-ci des progrès fulgurants de l’intelligence artificielle avec notamment l’apparition de ce nouveau robot conversationnel Chat GPT.

Il y très longtemps déjà qu’il existe un discours qui vante des choses inexistantes pour permettre de répondre aux fortes régressions que vous constatez aujourd’hui mais abondant toujours dans le sens de la recherche incessante de la consommation effrénée.

Il fût un temps très éloigné déjà, environ 30 ans où on nous a annoncé l’avènement d’une société de communication, société qui ne basait sa communication qu’au travers selon l’expression d’Habermas des outils qui détruisent la communication. D’autres philosophe ont souligné le peu d’intérêt que revêt un tel principe, une société de communication. Lucien Sfez soulignait déjà qu’un citoyen grec de l’antiquité ne doutait pas des vertus du langage et de la discussion, mais à ses yeux une idée de ce genre, une société de communication, n’aurait pas représenté beaucoup plus qu’une tautologie sans intérêt.

L’évolution était marquée par ces tendances et ces grandes modes qui permettent à la fois d’alimenter une société de consommation en transformant la société par un agglomérat qui ne sait plus communiquer avec lui-même, dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, que des symboles trop usés ne parviennent plus à unifier, tout mais plus une société humaine. Toute une génération s’est jetée à corps perdus dans ce concept sans aucun intérêt et c’est trouvé in fine enfermé dans un usage permanent aux outils qui leur évite de penser. D’autres concepts sont venus remplacer ce premier d’une longue chaine de nouveautés, pour en arriver au partage (voyez comment les gens étalent leur vie sur les réseaux) à tel point que lorsque les personnes qui sont sans cesse connectés, qui décrivent pas à pas leur quotidien, se jettent sur leurs outils de communication quand ils se regroupent ; ils n’ont plus rien à se dire, tout a déjà été transmis.

L’Intelligence Artificielle répond aux mêmes besoin économiques. Le terme intelligence est usurpé, largement usurpé. Bien sûr que les outils numériques sont capables de traiter une quantité d’informations à une vitesse bien supérieure à l’humain mais cela existe depuis plus de 40 ans, il n’y a rien de nouveau.

Lorsque vous écrivez : En quelques secondes, cette IA est capable de créer une recette de cuisine, une idée cadeau, et même d’inventer un poème en imitant Victor Hugo. vous parlez d’un processus de création qui n’a strictement rien à voir avec la créativité humaine, aucune machine ne sait fonctionner par induction, toutes les machines ne fonctionnent que par déduction, à l’opposé des facultés humaines.

Savoir simuler ou imiter ce n’est pas de l’intelligence.

les scientifiques constatent les dégâts de ces sollicitations cognitives incessantes qui tendent à faire de nous des crétins numériques, influençables, manipulables

Sans doute est-ce là l’apogée de ce que recherchent nos grandes démocraties, si on peut encore les considérer comme telles. Toutes les mesures politiques qui sont mises en pratique depuis plus de 30 ans vont dans le sens des sollicitations incessantes, comme si le monde devenait lui-même hyperactif. Je pourrais vous parler des anecdotes et des questions très simples que j’ai posé lorsqu’on m’avait demandé de participer à la mise en application des « Contrat Educatifs Locaux » où, selon les principes posés, aucun enfant ne devait avoir de temps pour rêver, c’est à dire ne rien faire de particulier.

A cela s’ajoute la forte régression des savoirs en faisant régresser les niveaux d’exigences scolaires, la carence dans la diffusion des outils de réflexion, de raisonnement, ... tout un pan de transmission qui ne se fait plus.

Comment voulez-vous que les parents, élevés et éduqués selon les grands principes que je vous cite, puissent faire infléchir la tendance à laquelle ils ont donné eux-mêmes l’impulsion tout en sachant que leurs connaissances ne sont plus suffisantes pour prendre le recul nécessaire, il y a bien longtemps que l’émancipation n’est plus.

Je m’arrête là car je suis surpris de votre surprise. Lorsqu’un phénomène est amorcé depuis quasiment 2 générations je ne vois pas comment on peut lui faire faire marche arrière ou simplement le stopper. Sans doute avons-nous tout simplement atteint notre apogée et que nous vivons aujourd’hui la fin d’une civilisation ou du moins son déclin, ce ne serait pas la première fois sur cette terre.