L’intermittent, le cheminot et le journaliste
Le constat est simple : quand les facteurs se mettent en grève, il y a toujours des imbéciles pour se plaindre de ne pas recevoir leurs factures.
À mon humble place, j’ai toujours aimé les grévistes, et pas seulement parce que la grève des chauffeurs de bus m’autorisait à ne pas aller à l’école. Postiers, cheminots, profs, aiguilleurs du ciel, urgentistes, sages-femmes, intermittents du spectacle, éboueurs, pilotes de ligne, ils défendent, au-delà de leur dignité au travail, un intérêt général, des biens communs matériels ou non. C’est-à-dire que tout un chacun bénéficie de leurs victoires. Par conséquent, le sport national qui consiste à considérer les grévistes comme des preneurs d’otages me donne des hauts le cœur.
Ce sport stupide, les médias dominants en sont les plus fervents adeptes, suscitant et attisant la tendance. Les raisons d’une grève seront toujours noyées sous une douche glacée de formules méprisantes – comme pour refroidir les ardeurs de celles et ceux qui luttent. Voici, puisque c’est d’actualité, la distance neutre et objective de certains journalistes traitant la grève des intermittents et des cheminots :
(Captures d'écran de L'Express, du Figaro et de Ouest France.)
Les luttes sociales sont en permanence abordées sous l’angle des désagréments occasionnés, sur-dramatisés, et l’on ne parle surtout pas de ce qu’elles sont. Expédiés, les raisons et l’honneur de la colère ; on surligne au contraire le déshonneur de ne pas travailler. Quant au journal Le Parisien, c'est avec une grande éthique qu'il va chercher la calomnie et le buzz dégueulasse jusqu'au bout :
(LeParisien.fr, 11/06/14)
À chacun de ces bons bourgeois pétris d’individualisme, on devrait faire bouffer une à une les pages de Germinal.
Rappelons-leur l’accident de Brétigny-sur-Orge qui a coûté la vie de sept personnes en juillet dernier. Peu après, les syndicalistes avaient dénoncé « la médiocrité des travaux réalisés par des entreprises sous-traitantes », interrogeant : « Comment peut-on imaginer pouvoir supprimer plus de 10.000 emplois de cheminots qualifiés et formés en cinq ans, réaliser une somme inégalée de travaux, produire toujours plus de trains et transporter plus de voyageurs sans qu’il y ait une répercussion sur le niveau de sécurité ? » Ah, salauds de syndicalistes qui se préoccupent de vies humaines !
Parmi tous ces médisants, l’un s’illustre particulièrement : le célèbre « dessinateur » Plantu, bien connu pour avoir commis naguère le savoureux et original amalgame Mélenchon = extrême-gauche = extrême-droite. Voici donc avec quelle éclatante intelligence Plantu rend compte des combats sociaux :
(Le Monde et L'Express.)
Ses dessins n’étaient déjà pas drôles avant, maintenant ils foutent la nausée. Or, ce que le délicat Plantu ignore, c’est qu’en commettant ce genre de chefs d’œuvre, il se vautre allégrement dans l’argumentaire de l’extrême droite qu’il se targue parfois de combattre. Ainsi, les députés du FN ne se sont-ils pas exprimés contre l’amnistie sociale l’année dernière ? N’est-ce pas le FN qui s’en est pris hier avec violence aux cheminots en grève, accusés d’être responsables de la mauvaise santé du groupe ? En comparant les travailleurs qui se défendent à des djihadistes, le lumineux Plantu fait le lit de l’extrême droite.
Si tous ces aveugles médiacrates pouvaient se mettre en grève, ça nous ferait des vacances…
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