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L’Internationale aliénatrice

Horizon délirante, écrin de fantasmes improbables, parfois inclus dans certaines structures paranoiaques à grande échelle, le Mondialisme, vision d'un ordre Mondial libéré des Nations parasites, est promu par une majorité de leaders politiques et de gouvernements. Cette perspective par essence totalitaire, dont les clés sont aujourd'hui accessibles (ou en passe de l'être) à l'ensemble des peuples, a son armée de réserve : chacun la nommera comme il voudra, lui trouvera toutes les ramifications possibles, elle se compose essentiellement de ce qui est ici désigné sous le terme de "libéraux-bourgeois". 

 Il n’y a pas de complot(s) : il y a une vue de l’esprit que chacun a admis. Cette vue de l’esprit est acquise par paresse, par suivisme, par lâcheté ; il ne s’agit pas simplement d’opportunisme, de mesquinerie ou de haine. Les gourous eux-mêmes peuvent être persuadés du bien-fondé de leur vision, d’ailleurs, s’ils trouvent écho en permanence et que leur défiance à la raison ou à l’harmonie est accepté passivement, voir suscite une approbation majoritaire et sans remous.

Sans doute que peu croient encore à la dualité « progressiste/conservateur » (en tout cas à son caractère déterminant) ; d’ailleurs, tous ceux qui voudront disséquer cet antagonisme relèveront sans mal qu’il s’agit, pour les deux camps et dans diverses circonstances, de valider des valeurs et une certaine idée du Monde et de l’ordre qui, d’un contexte à l’autre, peuvent basculer complètement. Ainsi, le néo-libéralisme (pourtant férocement associé aux "conservateurs" lorsque les artisans du "progrès social" sont réduits à des caricatures bruyantes, rustres et ineptes) se sert des labels progressistes pour s’opposer à ceux qui, lorsque sa règle seule dicte la marge de la société et fait converger tous ses aspects, sont assimilables à des arriérés, ou au moins à des esprits fermés et aigris ; comme si le néo-libéralisme, parce qu’il était intrusif et clinquant, parce qu’il était nouveau, était l’émissaire du progrès ultime tant attendu ; comme si le néo-libéralisme nous émancipait de ces voies et de ces voix du passé, alors qu’il se substitue à toutes les tentatives de subversion des masses à leur détriment. Et si les adversaires de cette marche funeste accordent eux-mêmes tant d’importance au néo-libéralisme, c’est qu’alors qu’il pourrait être un élément dans la besace des progressistes, un point de détail que ces derniers garderaient à disposition, parfois tritureraient pour étoffer leur logiciel, c’est au contraire l’horizon supérieur qui les dépassent et les a pris en otage.

Néanmoins, il faut reconnaître que cette dualité guide encore, met des ornières lorsque nous pensons et absorbons la politique. En d’autres termes, c’est une grille de lecture qui, sans nécessairement flouer, limite les débats publics et parfois les réflexions personnelles (nous la sur-évaluons tous, à un moment ou l'autre dans notre cheminement, quelque soit les titres, les slogans dont nous usons pour y faire référence). Toutefois, s’il est aisé d’avoir conscience que les défenseurs du Sens Unique occupent le devant de la scène, la nature de celui-ci est parfois plus difficile à définir ; quel est ce Sens Unique, quel est cet ordre du Monde, voilà la question qu’il faut se poser et qu’il faut tenter de résoudre, sous peine de s’abîmer dans des postures et des idéaux aguicheurs ou percutants, mais fantasques et névrotiques, dont les effets se substitueront parfaitement aux causes qui nous accablaient.

Admise telle qu’elle, l’opposition « progressiste/conservateur » ne se calque pas sur celle « droite/gauche », mais elle est discriminatoire pour toutes les visions les moins consensuelles et, par définition, les plus aventureuses mais aussi les plus généreuses et ambitieuses. A l’inverse,en cumulant des formations trop rapidement promptes à admettre la réalité tel qu’elle est dictée, nous nous retrouvons démunis et par peur d’envenimer les choses, nous laissons les projets et les idéologies les plus voraces refonder, sans notre consentement, mais avec l’illusion que tout se passera bien, notre environnement. Or, sur ce dernier il est devenu normal, évident, que nous n’ayons plus de prises ; nous l’avons appris et tenter de se défaire de ces liens, lorsque l’idée nous traverse l’esprit, nous semble trop harassant, trop loin. Car une société dissociée n’est plus qu’une masse d’impotents ; et ceux à qui ne suffisent pas les compensations ou la promesse d’un avenir auprès de l’Eldorado néo-libéral se confondent soit dans la dépression, soit dans une espèce d’état de colère diffus qui ne trouve jamais le moyen d’exulter. Si cette colère inspire le repli, la hargne et l’illusion de supériorité, elle ne fait qu’enfermer celui qu’elle habite et dilue encore toute possibilité de renouveau. Mais lorsque cette colère permet un déclic, une aspiration à la sagesse et au développement, alors elle peut devenir un moteur et si ses motifs sont avisés, dépassionnés et partagés, alors cette colère cède la place à l’espoir et à la paix ; car il n’y a pas de paix sans Hommes avertis et éveillés.

C’est ainsi qu’une même acceptation du Monde est partagée ; avant même d’être une vision unique, c’est une norme ancrée. Le sacrifice de ses peuples à des forces extérieures est irrationnel en soi, pourtant il apparaît évident à des castes qui refusent de l’admettre en ces termes ; mais il y a la loi et l’esprit de la loi et aussitôt, nous comprenons que c’est l’âme même qui est pervertie par des dogmes cultivant, derrière des desseins opulents (et parfois même, fraternels et heureux), les intentions les plus sournoises, veules et banales de l’Homme. C’est pour cela que la conséquence des processus en cours n’est qu’ennui et abrutissement des masses par volonté d’échapper voir se soustraire au vide instauré non pas par la « liberté » qu’évoquent les néo-libéraux, alors qu’ils savent que cette liberté n’existe que pour ceux qui ont les moyens de s’extraire du marasme, de grandir et tout simplement, de vivre et non de survivre.

Mais les néophytes savent s’accorder autour des valeurs promettant une place au soleil ; le néo-libéralisme a cela d’infâme qu’il se rallie des individus modestes, parfois désœuvrés, parce qu’il leur fait leurrer l’appartenance à un système supérieur ; alors qu’ils les rend dépendants et serviles, il leur donne le sentiment d’être plus fort et plus épanouis. Ceux-là sont souvent les chanceux, les nouveaux riches, les petits bourgeois montants ou gavés de haine et de principes ou idéaux ”démocrates”, croyant savourer leur revanche sur la vie, ou bien estimant que les autres sont plus faibles pour éviter d’admettre qu’ils ne doivent leur statut qu’à un concours de circonstance (et pas nécessairement à des succès, du travail ou du talent, mais tellement souvent à un abandon, une lâcheté et même une soumission, bref à un conformisme mesquin qui est une fuite en avant emportant tout). La mise à mort spirituelle, identitaire et bientôt économique de ceux qui n’adhèrent pas à ce Monde « libre » est alors légitimée et effective.

Ce totalitarisme est sentencieux, obscurantiste, mais il est aussi éblouissant et stimulant – sans quoi il ne séduirait pas durablement, n’attiserait aucune passion ni aucune adhésion. L’emprise néo-libérale est promue par ces « libéraux-bourgeois » ; disséminés des deux côtés des blocs (”droite/gauche” mais également, dans une autre et moindre mesure, ”progressiste/conservateur”), ils occupent les grandes formations dans la majorité des États occidentaux et se retrouvent en général, pour adopter un point de vue schématique, dans les deux grands partis (ceux dont on dit, à raison pour le cas de la France ou des États-Unis, qu’ils constituent une alternance de façade).

Si la fin des grandes idéologies a ainsi signé un consensus autour des valeurs « libérales » ; et que celles-ci sont traduites par la perspective de ceux qui les récupèrent ; alors, le Sens Unique est lié au Mondialisme.

Et, moralement, essentiellement, les néolibéraux sont liés au Mondialisme, puisque ce qui conduit à se sacrifier à une telle perspective, c’est la quête viscérale d’une liberté effrénée, d’une volonté d’omnipotence illusoire mais sans concession. Il s’agit de jouissance monomaniaque et égoïste, jalouse, comme on est jaloux de sa vision pure, parfaite et progressiste du Monde, qu’on ne veux prêter à ceux qui, de facto, deviennent des ploucs, des abrutis, parfois des « fachos », des « réactionnaires » quoiqu’il en soit (reste à en déterminer le degré et la nature). Il n’est pas difficile de cerner ici pourquoi trop d’idéalisme et d’angélisme prépare le terrain des vicieux.

En marge de cela, il faut mesurer combien l'intention libérale a été trahie (au moment ou elle est devenue un gros mot) : l'idéologie qui prônait l'exaltation de l'individu est devenue celle de son aliénation. D'idéal de libération et de confiance envers le citoyen, aujourd'hui elle est l'arme de ceux qui réduisent l'individu à un maillon, non pas d'un destin collectif, mais d'un ensemble hétérogène anesthésié et offert aux desseins d'une fraction probablement visionnaire, assurément folle, malheureusement débridée au point peut-être demain, de se trouver sans entraves.


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Zogarok

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