L’interruption volontaire de grossesse : un droit fondamental acquis ?
La volonté de limiter les naissances existe depuis toujours, au sein de toutes les sociétés. Tabou sexuel, infanticide, avortement ou contraception rudimentaire, les controverses autour de ce sujet sont nombreuses et font partie intégrante de l’histoire. De la prise en charge médicale au crime passible de prison, la place de l’avortement est encore plus sensible à travers le monde. Des idées tantôt opposées, parfois inégales d’un pays à un autre. Lorsque, l’Argentine légalise l’Interruption Volontaire de Grossesse, l’IVG est passible de 50 ans de réclusion criminelle au Salvador. Comment expliquer de tels écarts au-delà des frontières ? La façon d’appréhender la mise à terme d’une grossesse varie donc de manière significative d’un pays à un autre. De l'accompagnement médical au délit, du droit fondamental à l’emprisonnement, la différence de considération de l’avortement est fortement influencée par l’histoire des pays. La religion et les idéaux jouent en effet pour beaucoup dans les décisions politiques sur le sujet des interruptions volontaires de grossesse. L’empreinte du catholicisme, encore très présente dans certains pays, restreint-il l’accès à l’avortement, comme c’est le cas en Amérique du Sud ? Dans le monde, ce n’est pas loin d’une quinzaine de pays qui interdisent l’IVG. A l’échelle de l’Europe, 22 pays de l’union la permettent sans autorisation ni justification au préalable. Des législations qui diffèrent non seulement en termes d’autorisation et de droit mais également en termes de conditions et de délais. La question principale reste cependant la même : doit-on choisir entre la vie de la mère, si celle-ci est en danger, ou la notion fondamentale de droit humain ? Après de nombreuses années, le droit à l’avortement évolue et fait toujours polémique. Les femmes, au cœur de ce débat et les premières au front, font face à des notions d'ordre socio-économique, culturel et politique. Est-il possible de trouver un juste équilibre et de faire de l’avortement un droit fondamental pour celles qui le demandent ?
Contexte du droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse
Près de 40 millions d’Interruptions Volontaires de Grossesse ont eu lieu dans le monde en 2019. Un peu moins de la moitié étaient des avortements à risque. En effet, cet acte, qui n’est pas anodin, a parfois de lourdes conséquences sur la santé des femmes à travers le monde. Mauvaises conditions sanitaires, personnel non qualifié ou encore grossesse trop avancée, les avortements qualifiés de clandestins sont pratiqués depuis des siècles et touchent donc toutes les générations. Même si l’interruption volontaire de grossesse est cadrée par certaines sociétés, comme en France où il est possible de choisir entre plusieurs méthodes selon l’avancement de la grossesse, des années ont été requises pour en arriver là. La forte influence de groupements féministes en est pour quelque chose. Dès 1914, Margaret Sanger avait déjà mis le doigt sur “le pouvoir de décider quand et comment être enceinte”. Fondatrice de l’American Birth Control, cette militante américaine, inculpée à plusieurs reprises pour ses idées avant-gardistes, a permis de faire évoluer l’idée même de la contraception. Sans pour autant parler d’avortement, il était alors question d’éduquer les femmes aux méthodes contraceptives disponibles à cette époque (allaitement prolongé, méthode du rythme, retrait etc). Ce sont bien des années plus tard que les contraceptifs ont évolué et ce, tout au long du XXème siècle.
La législation française de Simone Veil
En France, la loi (article L.2212-1 du Code de la santé publique) permet à toute femme enceinte qui s’estime placée dans une situation de détresse de demander à un médecin l’interruption de sa grossesse, qu’elle soit majeure ou mineure. A l’image de Margaret Sanger et bien d’autres femmes, Simone Veil reste une icône du féminisme pour beaucoup de Françaises. C’est en 1975 qu’elle a eu le courage de proposer une loi permettant aux femmes d’avoir le choix. Plus encore, il était ici question de sauver la vie de celles qui se trouvaient, et se trouvent encore aujourd’hui, dans une situation de détresse. Avant cette date, il semble important de rappeler que l’avortement était réprimé et passible de prison. La seule loi de Neuwirth, votée en 1967, autorisait les femmes à utiliser une contraception. Pour en arriver là, de nombreux débats houleux se sont succédé dans les hémicycles de l’Hexagone. Même si la loi autorisant l’avortement est aujourd’hui acquise, le sujet n’en reste pas moins tabou. Outre l’accès et le droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse, ce sont surtout des lieux d'accueil et d'écoute ainsi que le remboursement des soins qui ont été mis en place par Simone Veil. A cette époque, il était surtout question de réduire considérablement les avortements clandestins qui constituaient un réel problème de société. En effet, ces derniers étaient responsables de la mort de plus de 250 femmes par an. De nos jours, l’avortement touche une grossesse sur trois en France. Cela veut-il pour autant dire que l’avortement s’est banalisé sur le territoire au cours du temps ? Si l’on en croit les statistiques, le nombre d’interruptions serait stable depuis plus de 30 ans (exception faite de l’année 2019 où les chiffres ont été plus élevés qu’habituellement).
Polémiques et controverses autour de l’Interruption Volontaire de Grossesse
Qualifié de “progrès” et de "réelle avancée” par un certain nombre de femmes, le désaccord moral n’est pas en reste quand il s’agit d’avortement. Quelques mouvements d’oppositions soulèvent haut et fort leurs bannières “laissez-les vivre” en connotation au droit fondamental à la vie. Des mouvements pro-vie proposent d’accompagner les femmes enceintes vers une solution autre que l’avortement. Promouvoir la valeur spécifique de toute vie humaine semble être une idée des plus compréhensibles et altruistes. Cependant, cela peut-il convenir à toutes les femmes et toutes les situations sociales ? Les sujets sensibles tels que les viols, les incestes et les malformations génitales restent encore tabou mais ne doivent pas être pris à la légère. Il semble important de considérer l’aspect psychologique dans son ensemble : la situation de la mère et le droit de vie du foetus. En outre, même si l’Interruption Volontaire de Grossesse reste une solution pour un grand nombre de femmes en situation de détresse, les mouvements pro-vie signalent une certaine banalisation de cet acte médical. Cela peut notamment s’expliquer par le fait qu’en France certains moyens de contraception restent à la charge de la patiente tandis que l’Interruption Volontaire de Grossesse est remboursée dans son intégralité. D’une manière générale, les pistes de réflexion ne cessent de croître et alimentent polémique et législation. L’argument fort du droit à la vie de tout être humain, est-il considéré à sa juste valeur ? La France, pionnière sur ce sujet, avance à pas de loup. L’objectif étant de trouver un juste équilibre sur ce délicat sujet de société.
Évolutions récentes de la législation et des procédures
En France comme dans le monde entier, le sujet est en constante évolution. Les débats se succèdent et divisent les populations. L’évolution des croyances, et des sociétés, permet de revoir, petit à petit, les lois et les procédures. Avec la récente pandémie, les autorités sanitaires françaises ont pris la décision de réorganiser le système. Ceci, afin de ne pas dégrader l’accès à l’avortement. Depuis la Covid-19, une dérogation spécifique a été mise en place pour prolonger l’Interruption Volontaire de Grossesse médicamenteuse à sept semaines au lieu de cinq semaines de grossesse. Des conditions assouplies en cette période où les femmes ont plus difficilement accès aux soins et à un médecin. Outre la crise sanitaire, l’accès à l’IVG est-il inégal en France ?
Le débat sur l’allongement du délais légal
Face aux chiffres, il est surtout possible d’entrevoir des disparités selon les régions et les données fiscales. A ce titre, les femmes en situation de précarité ont plus souvent recours à l’avortement que les femmes évoluant dans un milieu aisé. "Entre 3.000 et 5.000 Françaises doivent se rendre à l’étranger, chaque année, faute d’avoir pu avoir un rendez-vous respectant les délais légaux du droit français", souligne le rapport conduit au sein de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Manque de médecins, inégalités sociales, faibles revenus : l’accès à l’avortement est-il de plus en plus difficile ? Suite à ce questionnement, c’est une nouvelle proposition de loi qui a vu le jour en ce début d’année. Rejetée par le Sénat, cette dernière proposait une prolongation du droit à l’avortement de 12 à 14 semaines. Cependant, l’autorisation pour les sages-femmes et les centres de planification de pratiquer des Interruption Volontaire de Grossesse, a, elle, été autorisée. Ceci suffira-t-il à rendre l’avortement plus accessible aux femmes et ainsi limiter les déplacements, parfois dommageables et périlleux, hors de nos frontières ?
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