L’Iran : l’enrichissement d’uranium
Les aventures actuelles, comme les précédentes, du régime de Téhéran au niveau régional ne pourront jamais être correctement comprises, tant que l’on ne prendra pas en compte l’armée des chômeurs et des affamés mobilisés depuis le soulèvement de 2019 dans la société iranienne.
Lors de l’embrasement de la mi-novembre 2019, le pouvoir clérical a réussi à étouffer l’incendie qui a duré plusieurs jours, en tirant à bout portant sur au moins 1500 personnes, dans leur immense majorité des jeunes. Puis, le Covid-19 a pris le relais pour maintenir la tête du régime hors de l’eau et contenir la seconde vague de colère générale jusqu’à ce jour. C’est pour cette raison que la théocratie a adopté une stratégie d’immunité collective, ou plus exactement de mort massive, dans laquelle au moins 70% de la population seront infectés et des centaines de milliers de vies emportées. Le meilleur moyen de paralyser la société dans la douleur pour l’empêcher de penser à un autre soulèvement. On comprend alors pourquoi, contrairement aux autres pays, Téhéran n'a encore pris aucune mesure pour acheter le vaccin.
L’enrichissement d'uranium
On est en droit de se demander pourquoi ce régime a-t-il recours à l'enrichissement d'uranium à 20% sur le site nucléaire de Fordou, selon le plan stratégique adopté par le Parlement ?
« L'augmentation de l'enrichissement d'uranium est une violation des engagements de l'Iran et a de graves conséquences », a déclaré l'Union européenne dans un communiqué.
Mais le régime des mollahs, confiant dans le retour de Biden au sein du JCPOA, a débuté l’enrichissement à 20% pour faire de l’ouverture des négociations une priorité de Biden en faisant pression sur l'Europe. Il est très clair qu’il faudra au nouveau locataire de la Maison-Blanche au moins quelques mois pour prendre le contrôle de la situation et éventuellement entamer les négociations du JCPOA.
Ensuite, l'effondrement de l’économie iranienne et la menace grandissante de l'armée des affamés et des chômeurs a exercé de lourdes pressions sur le régime iranien ces derniers mois. En effet, pas un jour ne s’est passé sans que les portraits de Khamenei et de ses acolytes ne soient incendiés à travers le pays. Cela envoie un message très clair à Khamenei, qui a survécu avec peine au soulèvement de 2019.
La mise en place de bases d'entraînement de combat dans toutes les agglomérations, en particulier dans le Grand Téhéran, par les gardiens de la révolution et les miliciens du Bassidj sous prétexte de lutte contre le coronavirus, reflète la peur d'un soulèvement. Selon les médias officiels, au moins 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. La police a déclaré à plusieurs reprises avoir saisi ici et là de grandes quantités d'armes et de munitions à de jeunes insurgés.
Depuis les élections législatives de l'an dernier, Khamenei a été contraint de mener une politique dite de « contraction ». Elle consiste à ne garder que les hommes les plus loyaux et les plus alignés dans le cercle du pouvoir. À l’heure actuelle, il souhaite compléter cette politique en plaçant un général des pasdarans ou un intime à la présidence afin de rendre le régime monolithique. Son but ultime est de faire face aux insurrections à venir et aux sanctions.
Entre l'enclume et le marteau
Par conséquent, la crainte d'un nouveau soulèvement d’une population souffrant de la misère et de la répression est une chose que le régime ne peut tolérer. C’est pourquoi il se précipite vers l'enrichissement d’uranium comme vers une porte de secours, cherchant à forcer Joe Biden à négocier immédiatement. On le voit aussi s'emparer d'un navire sud-coréen pour tenter d’extorquer des milliards de dollars à la Corée du Sud, proche alliée des États-Unis, sous prétexte de vouloir acheter le vaccin avec l'argent gelé dans ce pays, mais en réalité pour contourner les sanctions.
Il est clair que le régime iranien veut revenir au JCPOA 2015, qui avait laissé intacts son influence régionale et son programme de missiles tout en lui permettant de maintenir bon nombre de ses installations nucléaires. En outre, avec les milliards de dollars débloqués et la vente de pétrole, il avait été en mesure d’organiser un vaste réseau d’agents à sa solde. Mais nous sommes désormais en 2021. Le paysage géopolitique de la région a considérablement changé. Les intérêts des États-Unis demeurent dans la région, le nouveau bloc israélo-arabe, ainsi que l'insistance de l'Égypte, de l'Arabie saoudite et de la Turquie pour assister aux prochaines négociations du JCPOA ne laissent aucune place à ces aspirations. Le régime iranien a toujours assuré sa survie sur les deux piliers que sont la répression dans son pays, et le terrorisme et la belligérance à l'étranger.
Le rôle de l'Europe
En 2018, un diplomate iranien en poste en Autriche a été arrêté pour avoir comploté un attentat à la bombe – heureusement neutralisé – contre un grand rassemblement de l'opposition iranienne dans la banlieue de Paris. Après deux années d’enquête et de prison, il a été jugé en Belgique. Des centaines de parlementaires européens et américains, ainsi que des personnalités politiques de premier plan, avaient assisté à ce rassemblement. Cet attentat terroriste aurait pu causer un carnage sans commune mesure en Europe.
Par ailleurs, Rouhollah Zam, un journaliste iranien réfugié en France qui avait appelé à des protestations et des manifestations en décembre 2017, a été enlevé par le régime iranien et exécuté malgré les protestations des pays européens. Navid Afkari, un jeune champion de lutte, dont le crime a été de participer à des manifestations pacifiques, a été exécuté sous la fausse accusation d'avoir tué un agent de sécurité et malgré toutes les protestations occidentales.
Toutes ces aventures et tout ce mépris des normes internationales interviennent dans un contexte d'impunité. Le régime iranien n'a payé strictement aucun prix pour ses assassinats et ses exécutions. Si l'Europe avait conditionné ses échanges commerciaux avec l'Iran à un moratoire sur les exécutions, et si elle n’avait pas laissé impunis le terrorisme et le chantage de Téhéran, ce régime n’aurait certainement pas été aussi encouragé à se livrer ouvertement à du terrorisme et de la piraterie sous les yeux de tous. C'est le tragique résultat de la politique de complaisance européenne avec l'Iran. Il est urgent de la changer.
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON