L’islam est-il compatible avec la malbouffe ?
L’affaire « Quick-halal » fait rage. Après le voile intégral, Harry Roselmack en quête d’un mouton à égorger dans une baignoire, et dernièrement l’imam de Drancy, pas un jour sans qu’un nouvel islamo-mélodrame n’éclate dans nos médias. L’islam semble devenir la nouvelle manne médiatique, avec les faits-divers, et autres sujets mineurs.
Dernière polémique en date donc, celle de « l’halalisation » de quelques Quicks français, n’est pas sans poser diverses questions, toujours croustillantes.
J’envisagerais cette affaire Quick-halal sous le double rapport islam/société française et islam/nouvel ordre mondial. Une petite réflexion que j’espère en tout cas plus productive, moins manichéenne que les conclusions péremptoires tirées ici ou là, sur l’islamophobie française, ce qui est le fruit d’un raisonnement limité, et qui n’a pour seule conséquence que d’enfermer chacun dans son propre carcan, le même qui a mené à l’élection d’un certain Nicolas S, mais la leçon ne semble pas avoir été retenue…
I Quick-halal : discriminations et vivre-ensemble
Tout d’abord, cette polémique constitue une énième déclinaison de la question globale de la place de l’islam dans la société française. L’islam serait par nature dominant, conquérant, et entrerait donc en conflit direct avec la laïcité française qui relègue la religion dans la sphère du privé. Il grignoterait chaque espace de la place publique et se ferait de plus en plus revendicatif, avec la victoire des voix les plus radicales au sein de la « communauté » musulmane française.
Envisageons donc cette affaire sous l’angle du débat sur les discriminations et du vivre-ensemble, après avoir dit quelques mots sur ledit procédé halal.
A Le halal en question
Halal signifie donc une idée de licéité, c’est ce qui est permis pour le musulman, et ce par opposition à ce qui est « hâram », interdit. Le halal recouvre essentiellement les prescriptions d’ordre alimentaire : interdiction du porc, formule rituelle à prononcer lors de l’abattage, et semble-t-il la bête doit être égorgée consciente, c’est-à-dire que l’étourdissement est proscrit…
Pour s’assurer du respect desdites prescriptions, un contrôle s’avère nécessaire aboutissant à une certification et donc une taxe aux organismes compétents.
Deux remarques : 1) Le procédé me semble critiquable d’un point de vue éthique s’agissant de la nécessité de garder l’animal conscient sans qu’il y ait eu étourdissement auparavant ; 2) on peut s’interroger sur le point de savoir si dans les faits la viande labélisée halal l’est réellement. Chez KFC par exemple, c’est contesté (1). Enfin, ce procédé ne risque-t-il pas de renchérir le prix final payé par l’ensemble des consommateurs ?
En soit, et malgré les deux critiques précédentes, il s’agit là d’un débat qui semble prendre des proportions assez démesurées, pour comprendre les réactions épidermiques de chacun il faut considérer le procédé halal dans ce qu’il symbolise, ce dont il serait le nom c’est-à-dire une nouvelle déclinaison d’un islam qui se ferait menaçant et toujours plus revendicatif à l’instar de ce qui peut exister en Angleterre.
D’où les arguments de ceux qui voudraient donner un coup d’arrêt en rappelant les principes républicains (cf. le vote d’une loi sur le voile intégral). Je me passerais bien de ce genre de considérations mais il est vrai que par exemple certains hôpitaux rencontrent apparemment des difficultés avec certains maris musulmans qui refusent que des médecins masculins soignent leurs femmes, ce qui n’est pas sans poser certaines questions… mais il n’est pas improbable qu’il s’agisse d’avantage d’une question culturelle, touchant aux mœurs.
B Variations sur un thème : religion, discriminations et vivre-ensemble
1) Vivre et manger ensemble…dans un Quick ?
Il faut croire que la nourriture halal ne puisse pas "vivre-ensemble" avec la nourriture laïque. Ce n’est pas un régime de tolérance qui est instauré mais une logique de domination puisqu’il y a du y avoir des pressions exercées de la part de quelques islamo-intransigeants… de mémoire, il ne me semble pas qu’il y ait énormément de viande de porc chez Quick, excepté le « mac bacon » d’usage…
S’ajoute également la logique commerciale, qui prend volontiers en compte le facteur islam et s’y adapte, décidant peut être de réduire les coûts impliquant la création de deux espaces halal / non-halal et passe au halal intégral.
2) France vs Islam : islamophobie ou histoire de France ?
Une fois de plus la question religieuse ressurgit dans une société française qui croyait en avoir finit.
Si l’on veut, toutes ces controverses peuvent être vues sous l’angle d’une dérive raciste ou islamophobe mais elles peuvent aussi, avec une légitimité et un fondement historique bien réel être appréciées comme le prolongement du rapport complexe qu’entretien la France avec la question religieuse, ce que ne perçoivent évidemment pas les incultes. La déchristianisation précoce de la France, dès le XVIIIème siècle a été très virulente, or, ledit matraquage idéologique ne tient aucunement compte de cette histoire et on en vient à qualifier d’islamophobie ce qui n’est en grande partie que de l’histoire de France.
3) Le deux poids-deux mesures dans le rapport minorité/majorité
La dialectique majorité/minorité s’applique, ici comme partout ailleurs, mais on voit bien que selon le cas de figure, une idéologie vient peser de tout son poids pour « racialiser » ou « islamophobifier », essentialiser le débat...
Je mettrais volontiers cette affaire "Quick-halal" en rapport avec celle des « soupes identitaires ». Ces dernières, contenant du porc ont, il me semble, été interdites, à l’évidence elles ont du être considérées pour ce faire comme une discrimination fondée sur l’appartenance religieuse des bénéficiaires.
Deux remarques :
1) Tout d’abord, c’est l’intention discriminante qui est privilégiée. Mais, celle-ci mise de côté il s’agit de distributions de soupe contenant du porc, on peut donc se demander si par extension, n’importe qu’elle libéralité puisse être discriminatoire à partir du moment où elle contiendrait du porc. Le critère de la viande de porc constituerait dans tous les cas une discrimination indirecte, l’effet seul étant ici pris en compte, in fine, la viande de porc serait-elle par nature discriminatoire ?
2) Ensuite, l’affaire Quick semble comparable : on impose, à des fins commerciales cette fois-ci, le tout halal, à rebours, n’est-ce pas une discrimination fondée sur la non-appartenance à une religion ? Strictement, je répondrais par la négative, car un non-musulman peut manger halal mais l’esprit est en quelque sorte le même : il s’agit de s’imposer.
Enfin, plus largement, mais cela serait trop élargir le débat, la détermination a priori de ce qui est discriminatoire et de ce qui ne l’est pas est contestable. Il existe peut-être des adeptes de la secte du cochon, ou des philosophes qui ont fait le choix de ne manger que du porc parce qu’ils trouveraient ça éthique : pour quelle raison leur discrimination ne serait-elle pas sanctionnée elle aussi ?
Ce développe ainsi une nouvelle catégorie de privilégiés, ceux qui peuvent faire sanctionner leurs discriminations, ceux qui ne le peuvent pas.
Au-delà de toutes ces interrogations tenant à l‘état actuel de la société française (tiraillée entre l’idéologie antiraciste et le principe de laïcité fruit d’un rapport historiquement conflictuel avec la question religieuse) je voudrais également me pencher plus spécifiquement sur ce que le « Quick-halal » nous révèle de l’islam contemporain et plus précisément de ses capacités de résistance à l’ordre établi.
II Quick-halal : islam de résistance ou de collaboration ?
Je me propose donc ici d’élargir le débat sur les capacités effectives de résistance de l’islam, question qui me parait d’ailleurs la plus intéressante.
Pierre Hillard, docteur en science politique et professeur de relations internationales qui s’est spécialisé dans l’étude de l’idéologie mondialiste souligne le caractère problématique de l’islam pour l’oligarchie promouvant la gouvernance globale. Par la même il décrit l’islam comme un des derniers facteurs de résistance, contre les plaisirs matériels, la société de consommation : la vie n’étant qu’un passage.
En effet, la foi en une transcendance aboutit traditionnellement à un rejet des plaisirs purement matériels et pouvant s’opposer à une fin purement économique de la vie humaine (l’éthique protestante se démarquant ici quelque peu puisque la richesse matérielle est considérée comme un signe d’élection divine). On pourrait donner comme exemple de cette opposition le rejet du travail le dimanche par le christianisme, le dernier jour de la semaine devant être consacré à Dieu. Et ce principe religieux sécularisé persiste et entrave le « tout-économique » en préservant une journée qui puisse être réservée à une vie sociale, familiale, culturelle non marchande ; résistance qui est effectivement l’objet d’attaques du libéralisme.
Qu’elle est la résistance effective de l’islam face au système américanisé ? Cette affaire « Quick-halal » permet de confronter système mondialisé de la malbouffe américaine et islam.
A Islam et malbouffe mondialisée ?
1) A quoi sert d’interdire le porc si c’est pour s’autoriser la m**** ?
Quick, Mc Do, Subway, KFC sauront-ils acquérir une respectabilité, rendre leurs daubes bourrées d’additifs (2) mangeables y compris pour le français musulman ? Il semble bien que oui. Au final tout ceci est bien artificiel, se battre pour avoir le droit de manger le même Quick que tout le monde c’est une démarche particulière et bien peu conséquente. Je serais théologien musulman je trouverais une base juridique pour que le Quick tout entier soit harâm, car à quoi sert d’interdire le porc si c’est pour autoriser la merde ?(3)
2) Quick halal : Islamo-tartufferie ou islamo-résistance ?
L’halalisation d’un Quick est elle une grande victoire pour l’islam ?
Comment peut-on être à ce point intransigeant sur l’ "halalisation" intégrale et exclusive d’un Quick tout en étant libertaire sur les conditions de productions de la malbouffe multinationalisée ?
Est-il réellement possible qu’un musulman conséquent se passe d’une remise en cause d’un circuit de production globalisé où un animal peut avoir pour lieu de naissance le Canada, pour lieu d’élevage l’Australie, d’abattage la Belgique et de découpage un énième lieu en Belgique ?… (4)Une bête qui a fait le tour du monde avant d’arriver dans notre assiette, est-ce bien catholique ?
Comme quoi à côté des prescriptions religieuses il reste une place pour l’entendement et la délibération humaine.
Le voile intégral ne semble d’ailleurs pas échapper à ce paradoxe si l’on en croit cette personne qui, arborant un niqab, était interviewé par un journaliste et faisait valoir que sous son voile elle était tout aussi à la mode que n’importe qu’elle jeune femme. Comme quoi, même le voile intégral n’entrave pas les mouvements de la mode ! Les voilées intégrales ne sont peut-être pas les nouvelles anticapitalistes espérées !
B L’enjeu : résistance ou collaboration ?
On dit que l’Islam est fort, mais cette force sera bien stérile si elle ne contribue pas elle aussi à la remise en cause d’un système autodestructeur. Qui est le grand gagnant du Quick-halal ? Islam contre malbouffe mondialisée la véritable victoire est bien celle de l’américanisation de la société.
Deux voies s’offrent à nous :
1) Continuer dans celle dans laquelle nous nous trouvons depuis quelques années : celle d’une France communautarisée, apocalyptique où la consommation aveugle est reine, les citoyens zombifiés, avec un islam d’apparat (voile intégral…) qui vient donner une coloration identitaire sans remettre en cause les tendances lourdes qui nous mènent vers le meilleur des mondes.
2) Changer de trajectoire, reconstruire une nation faite de citoyens raisonneurs, de vraies valeurs, qui privilégie la qualité plutôt que la quantité, le fond à la forme, le réel aux apparences.
Toute une éthique à refaire en somme. C’est cette dernière voie que prend Albert Ali, qui à sa manière défend un islam français « enraciné » certainement bien plus réfléchi et profond que celui des islamo-consommateurs ou islamo-tartuffes qui ont bonne conscience en avalant leur hamburger. L’antithèse d’un islam mac-donaldisé ou bling-bling façon La Fouine
Pour conclure, à mon sens chaque partie passe donc à côté de l’essentiel :
On s’en prend ou on impose les aspects visibles de l’islam tandis qu’on manque de s’attaquer à l’essentiel c’est-à-dire ce système globalisé qui met en concurrence les hommes, crée des divisions horizontales et promeut partout une même médiocrité uniformisante.
Bonus :
Michel Clouscard dans Apostrophes : le Quick-halal serait-il le même genre de cadeau que celui du Plan Marshall ?
(2) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-secrets-du-big-mac-68211
(3) Ce qui n’est pas une formule en l’air pour qui a vu le docu « Fast Food Nation » (que je ne recommande pas)
(4) Chronique d’Alain Soral dans Flash magazine : http://www.alainsoral.com/2010/01/flash-n%C2%B031-est-en-vente/
73 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON