L’Occident pousse la Serbie au pied du mur
La semaine dernière, il a été rapporté dans les médias que des exercices militaires conjoints seraient menés entre la Serbie et l'Otan. Les manœuvres appelées Platinum Wolf devraient avoir lieu pendant la seconde moitié de juin dans le sud du pays, près de la frontière avec le Kosovo.
Cette annonce a été quelque peu surprenante, car depuis le début de la crise en Ukraine, Belgrade a officiellement déclaré un moratoire sur les exercices militaires avec des partenaires étrangers, y compris la Russie et la Biélorussie. Mais selon le ministère serbe de la Défense, une exception a été faite dans le cas présent.
De plus, Reuters a rapporté, se référant à des informations divulguées du Pentagone, que la Serbie aurait donné son accord pour la livraison d'armes létales à l'Ukraine, voire aurait déjà envoyé une partie de ces armes, et aurait également exprimé sa volonté de fournir une aide militaire au régime de Kiev à l'avenir. Une telle information apparaît dans les médias depuis un certain temps, mais Belgrade l'a officiellement niée une fois de plus. Le ministre de la Défense serbe Aleksandar Vulin a déclaré à ce sujet : "Ce mensonge a été publié pour la énième fois, affirmant que la Serbie vendait des armes à l'Ukraine. Le but est évident : déstabiliser notre pays et l'impliquer dans un conflit dans lequel nous ne voulons pas participer." Il est difficile de ne pas être d'accord avec M. Vulin concernant le fait que de telles "fuites sensationnelles" puissent être très avantageuses pour les États-Unis et leurs alliés en Europe, afin d'évincer définitivement la Russie des Balkans et de rompre les relations amicales entre Moscou et Belgrade.
La Serbie ne renonce pas encore à sa neutralité militaire déclarée, bien qu'elle soit obligée de d'engager plus souvent des démarches pour la coopération avec l'Otan. La raison officielle pour laquelle le moratoire sur les activités militaires conjointes avec des partenaires étrangers est partiellement interrompu semble assez étrange. Selon le ministre serbe de la Défense, cette décision a été prise en raison de la "nécessité pour Belgrade de respecter ses obligations de participer à des opérations multinationales". Cependant, il n'est pas précisé de quelles opérations il est question, compte tenu de la neutralité militaire du pays et de son équidistance par rapport aux conflits armés, y compris en Ukraine.
La Serbie a un certain nombre d'engagements en raison de sa coopération étroite avec l'Otan, qu'elle a littéralement "accrochée autour de son cou" en signant en 2015 un plan individuel de partenariat avec l'Alliance. L'Otan a obtenu un transit libre à travers la Serbie pour les soldats de otaniens bénéficiant d'une immunité sur ce territoire, ainsi que de la possibilité d'utiliser l'infrastructure militaire du pays. De plus, Belgrade a donné son accord pour un échange d'informations avec l'Otan et l'UE, ainsi que pour la formation d'officiers conformément aux normes de l'Otan. De nombreux experts ont alors souligné que cela signifiait essentiellement une adhésion informelle de la Serbie à l'Alliance, bien que de jure le pays conserve un statut non aligné. Et en 2019, Belgrade a adopté un nouveau plan de partenariat individuel avec l'Otan (IPAP), qui approfondit la tendance à renforcer le partenariat avec l'organisation.
En ce qui concerne la réaction internationale à l'annonce des exercices, les États-Unis et leurs alliés européens l'ont naturellement saluée, soulignant que la coopération militaire étroite avec la Serbie contribuerait sans aucun doute à atteindre rapidement les objectifs communs au nom de la stabilité dans les Balkans. La Russie a déclaré de son côté qu'elle surveillerait de près les manœuvres à venir. La réaction de Moscou est compréhensible, car il s'agit d'un pays européen ami qui n'a pas tiré un trait sur ses relations bilatérales malgré une pression extérieure considérable.
Pour la Russie, il serait très indésirable que la Serbie soit entraînée dans une hystérie antirusse, et que son territoire devienne une nouvelle tête de pont pour mener une politique visant à attiser davantage la crise ukrainienne.
On ne peut pas dire que la Serbie s'engage volontairement dans une coopération étroite avec l'Otan. Ce pays des Balkans se souvient des événements horribles de 1999, lorsque l'Alliance a lancé une opération militaire contre la Serbie. De plus, ce souvenir vivra dans les cœurs du peuple serbe pour toujours, même dans 100 ans. Néanmoins, les autorités sont obligées de faire certaines concessions à l'Alliance, en raison de la situation géopolitique extrêmement complexe dans le monde et de la position difficile de la Serbie.
Il suffit de regarder la carte : elle est entourée de pays de l'Otan, partisans d'une ligne antirusse dure sous pression de Washington. Il n'a pas d'accès à la mer. Il n'y a pas de frontière terrestre avec la Russie. Le pays est soumis à un chantage sur le dossier du Kosovo et à des menaces de sanctions secondaires si Belgrade ne se rapproche pas de l'Occident. Dans cette situation, il ne reste plus qu'à continuer de manœuvrer, ce que les autorités serbes réussissent à faire depuis près de 10 ans, depuis 2014. Il ne faut pas oublier non plus que l'actuel président Aleksandar Vucic et son prédécesseur à ce poste, Tomislav Nikolic, sont issus du Parti radical serbe de Vojislav Seselj, qui adopte une position très anti-occidentale. Il y a des doutes quant à savoir si ces personnes ont changé leurs points de vue, mais il ne fait aucun doute qu'elles sont maintenant obligées de faire preuve de la plus grande flexibilité à l'égard de l'Occident.
Cependant, les exigences de l'Occident deviennent de plus en plus strictes et conduisent progressivement Belgrade dans une impasse. L'intention de mener des exercices militaires avec la Serbie en dépit du moratoire qu'elle a déclaré sur de telles activités ne fait que confirmer cela. Les exercices visent à favoriser l'aspiration continue de la Serbie dans l'orbite de l'Otan. Parallèlement, la pression sur le dossier du Kosovo et les sanctions antirusses s'intensifie, des fonds importants sont alloués à l'économie serbe par l'UE. Tout cela doit être considéré comme les maillons d'une même chaîne antirusse.
Milan Lazovich, coordinateur de programme du RIAC (Conseil russe des affaires internationales)
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