L’Occident va-t-il perdre face au fanatislam, ce troisième totalitarisme ?
Après le long 19ème siècle, il y aurait eu un court 20ème siècle, de 1918 à 1989. Telle est la suggestion de l’historien Hobsbawm. Pendant cette période, l’Occident démocratique s’est trouvé face à deux adversaires contre lesquels il a triomphé. D’abord le nazisme et la victoire des alliés, puis le communisme qui s’est effondré en deux temps, en Europe de l’Est d’abord, avec la chute du mur en 1989, puis en 1992, avec le démantèlement de l’Empire soviétique. Le « monde libre » a vaincu les nazis par les armes et la guerre. Le « monde libre » n’a pas vaincu le communisme par la guerre, même si celle-ci a été froide avec des armes terrifiantes qui n’étaient pas destinées à être utilisées. La chute du communisme est un phénomène assez complexe alliant des conjonctures politiques et surtout économiques avec un retard dans le développement technique qui n’a cessé de s’accroître à partir de 1970. L’image que l’on retiendra de cet épisode, c’est la ruée des Berlinois de l’Est dans les centres commerciaux de l’Ouest.
Passé 1990, on a cru trop vite à la fin de l’Histoire et au triomphe de la démocratie. Le choc des civilisations se voulait un message d’alerte mais qui n’a pas collé à la réalité du monde post-soviétique. Une majorité écrasante de gens et de dirigeants opte pour une civilisation globale permettant la production et la diffusion des marchandises. Chaque pays repose sur deux systèmes, celui (universel) de la marchandise et celui (particulier) de sa culture au sens élargi, qui comprend les modes d’existence, les croyances et le régime politique en vigueur. Le monde contemporain est mis en danger par deux fléaux, l’individualisme consumérisme et les divers fanatismes d’ordre idéologique, politique ou religieux. Certains fanatismes sont idéologiques ou scientifiques, par exemple la phobie climatique qui ne présente aucun risque si ce n’est de gaspiller beaucoup d’argent pour un problème accessoire et plus que secondaire. D’autres fanatismes sont locaux mais le plus répandu reste celui de l’islam qu’on dit radical mais qu’on devrait appeler dévoyé. Cet islam est à « l’islam éternel et spirituel » que le nazisme est à l’Allemagne éternelle ou le soviétisme à la Russie éternelle.
Le fanatisme idéologique fonctionne avec les frustrations économiques. C’est le cercle vicieux. Les lumières et la spiritualité peuvent aller de concert avec l’usage des marchandises et c’est le cercle vertueux. Mais la loi de kronos nous enseigne que le fanatisme se nourrit de lui-même. Alors de quoi se nourrit la spiritualité ? Vous avez la réponse. Je n’ai rien à vous enseigner.
La comparaison entre le nazisme et le fanatisme islamique est légitime mais risque de ne pas nous éclairer pour ce qui est de la réponse à appliquer face à cette menace. Le fanatisme islamique mais aussi juif ou évangéliste s’apparente au nihilisme allemand dans la mesure où il refuse le mode de vie matérialiste occidental, liberal et bourgeois. Le fanatique ne cherche pas à sortir de sa condition, le bourgeois occidental non plus mais il a les fondamentaux pour en sortir et le confort matériel pour en rester à son niveau d’existence acquis. C’est son droit et je ne le conteste pas. Le nazisme a été une réponse politique et étatique à un marasme profond de l’Allemagne. Les fanatismes religieux proposent aussi des réponses, qui si elles débordent dans la sphère publique, deviennent inacceptables pour des laïques et des démocrates. Le djihadisme est devenu une idéologie fédératrice pour de nombreux groupes se réclamant de l’islam, plus ou moins importants et disséminés dans des lieux connus en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. On comprend qu’on ne mène pas le combat contre ces groupes comme on mène une guerre entre Etats avec des armées régulières. Le combat contre la menace djihadiste répond à la notion de guerre fluide, opposée à la guerre entre blocs comme ce fut le cas en 1914 et en 1940. Finalement, ce court 20ème siècle ne s’est pas achevé en 1989. Il se poursuit avec d’autres combats et défis à relever pour l’Occident.
La situation actuelle résulte sans doute d’erreurs d’appréciations et d’un enchaînement de mauvaises décisions qui ont alimenté des tensions dans un monde ne partageant pas les visions occidentales de l’existence. Il ne sert à rien d’établir les responsabilités. Cette tâche est dévolue aux historiens. Les politiciens doivent maintenant trouver les moins mauvaises décisions pour contenir ce conflit non pas mondial mais mondialisé et diffus. Une possible intervention terrestre contre l’Etat islamique est certainement à l’étude dans les états-majors des pays occidentaux. Y associer la Russie et l’Iran aurait de la gueule. Réconciliation et formation d’une coalition d’alliés comme en 40. La photo de famille, des soldats iraniens, russes et américains ! Vous n’y croyez pas ? Pourtant, tout est possible et cet événement peut se décider et se réaliser. Et c’est plus facile et plus utile que de régler la température du globe ou d’aller sur la planète Mars. Les scientifiques sont des grands enfants. Dans les périodes critiques, ils deviennent carrément des idiots, plus rarement des visionnaires !
En ces moments d’extrême confusion, j’essaie de poursuivre une cohérence dans ce court billet de réflexions globales, sans esprit partisan, sans académisme. Un billet qui ne sera pas à la hauteur des défis. Donc, reprenons le fil. La bataille contre le fanatislam ne peut pas être perdue mais elle ne peut pas être gagnée en l’état actuel des dispositions. Je ne parle pas de forces en présence mais de dispositions. Pour régler le compte de l’Etat islamique il existe des moyens plus ou moins conventionnels que connaissent les milieux militaires. Il n’appartient pas à l’opinion publique de décider des moyens mis en œuvre. L’opinion a une légitimité pour décider s’il faut faire la guerre. En 2003 la question se posait pour l’Irak. En 2015 la question ne pose différemment mais il est certain que l’Etat islamique doit être combattu. L’opinion occidentale n’en doute pas et elle ne peut qu’avoir raison.
Une fois énoncées ces perspectives, il faut observer l’autre volet. La bataille des idées, des valeurs, des principes. Le 11 janvier 2015 nous a renseigné sur deux choses. Le fanatislam, avec ses activistes et ses sympathisants, tente de diviser les sociétés occidentales qui en retour, savent que l’Islam n’a rien d’un bloc homogène et se divise lui aussi. C’est le deuxième front qui s’ouvre et qui se jouera à travers les médias, les gens, les savants, les bonnes volontés etcetera mais pas aux armes. Ce deuxième front est simple dans son principe. En face nous avons des gens épris de ressentiments et de haines face à nos valeurs de liberté et aussi la réussite matérielle. Il nous appartient de défendre nos valeurs, notre culture, tout en développant les conditions d’un accès à notre mode de vie pour ceux que l’on a délaissés et mis sur le côté. Développer la culture, l’instruction, la circulation des idées. Et surtout faire fructifier l’esprit des Lumières autant que notre héritage spirituel et religieux. N’en déplaise aux sectaires de la libre pensée athée qui n’a rien de libre mais est enchaînée à un dogme matérialiste sans transcendance et sans espérance.
La renaissance des agnostiques rationnels des Lumières et la révolution des gnostiques des secondes Lumières constitue un dessein raisonnable et lumineux pour cet Occident en perte de repères et qui a été trahi par ses élites. Rien n’est perdu, il suffit de vouloir. Lucidité et pessimisme de la raison, optimisme dans la volonté, pour reprendre une formule bien connue. Il faut analyser avec lucidité la situation, reconnaître les facteurs économiques, politiques et spirituels dans la crise contemporaine. Cela évite de s’en remettre au fossi et fossa. « Remettre la république dans l’école et la société » ; cette formule a été prononcée par le premier secrétaire du PS et c’est consternant de vacuité. Le combat pour l’avenir se joue sur plusieurs plans. Remettre l’économie dans le sens équitable, agir avec des partenaires et travailler la diplomatie, élever le niveau d’instruction pour toutes les tranches culturelles, combattre les fanatismes et les agitateurs idéologiques, si besoin avec les armes qui doivent aussi être utilisées sur le terrain si c’est nécessaire. Chaque citoyen peut s’impliquer dans l’élaboration d’un monde plus vivable. Les belles paroles ne suffisent pas. Il faut des actes et des convictions. Chacun est libre de ses choix. Participer à l’avenir ensemble ou protéger comme un rat ses acquis. Dieu saura reconnaître les siens.
Je ne suis pas satisfait de ce billet. Les choses sont bien complexes et assez confuses pour ne pas se prêter à une analyse sommaire. Mais mieux vaut une analyse incomplète et lacunaire que pas d’analyse du tout. Portez-vous bien !
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