L’Olympe et les morts-vivants

Constantin avait déjà atteint sa 52^ième année, cela faisait déjà 20 ans qu’il avait eu accès à sa résidence high-security qui remplaçait les centres-villes des grandes métropoles qui n'avaient pas pu résister aux nombreux intrus qui s'immisçaient dans le quotidien des décideurs, des artistes, des hommes de culture ou de médias, des universitaires, de tous ceux qui animaient le monde (du moins selon leurs dires). Heureusement, les nouvelles technologies avaient permis de s'affranchir des murs, des murailles ; des barbelés, toutes choses qui enlaidissaient le monde sans aucune efficacité pour séparer les nantis des envieux. Maintenant, le bâtiment tout entier était sous surveillance satellitaire pour détecter la venue de toute personne étrangère, c'est à dire sans le QR-code lui donnant l'accès. Et ce n'était que la première barrière, celle située à 1 km du bâtiment central. A l'intérieur du cercle défini précédemment, des caméras de surveillance pouvant se livrer à une reconnaissance faciale ou morphologique étaient disposées tous les 10m. Des drones high-tech pouvaient prendre leur envol si un signalement suspect était détecté ; il avait les moyens de neutraliser la personne inopportune grâce à des jets de gaz lachrymogènes (ou léthaux selon le niveau du risque).

Macéo, son cousin, était à peine plus jeune que Constantin. Il avait toujours été bon en Mathématiques, ceci dès ses premières années de Lycée qu'il avait suivi dans un Lycée ordinaire, non directement lié à l'Olympe. Les lycées accessibles à l'élite n'avaient plus depuis longtemps de Professeurs mais des précepteurs qui ne s'occupaient que de cinq ou six élèves. Les cours étaient personnalisés et il n'existait pas de programme général. Il était né avant que les implantations crâniennes d'électrodes ne soient rendus obligatoires et ses dons en Maths lui avait donné l'accès au cursus privilégié. Au début, les gens du commun ne voyaient que des avantages à se débarrasser de leur portable pour un système d'électrodes qui permettaint les mêmes prouesses. La puissance des algorithmes d'Intelligence Artificiel disponibles surpassaient de très loin les possibilités des Smartphones antiques. Toutefois, l'implantation intracérébrale de microélectrodes de platine se révéla à long terme dommageable pour les neurones environnants et on leur substitua des plaques conductrices de matériaux polymères conducteurs insérées sous la peau du crâne. Des équipes de neuro-chimistes et des ingénieurs en transmission hertzienne travaillaient ardemment pour connecter directement les ondes cérébrales avec les superordinateurs avec lesquels on pouvait consulter les data centers les plus performants. Macéo avait avait fait profession de chapeauter l'ensemble de ce type d'activités. Il le pouvait car il n'avait subi aucune implantation et il était donc capable de pensées personnelles.

Marceau était le jeune frère de Constantin et lui non plus n'avait pas été doté d'électrodes permettant une communication avec les ondes cérébrales. Il adorait les animaux mais il ne put pas en faire son métier : la plupart des animaux sauvages avaient été congelés vers sa vingtième année. Il s'agissait de préserver les espèces animales qui ne pouvaient pas survivre à cause de l'absence presque totale de milieux naturel à la surface de la planète. Les animaux domestiques, géniteurs de trop d'excréments, avaient tous été euthanasiés peu après. Marceau aimait aussi des jeux comme le Monopoly ou la Bonne Paye. Il n'existe pas de société sans banquiers, ceux-ci ne représentent peut-être pas le plus vieux métier du monde mais ils sont d'après eux les plus utiles. Marceau ne devint pas banquier, métier suranné à cette époque là, mais logisticien en flux financiers. Il devait orienter les investissements vers tel ou tel secteur afin de pérenniser les systèmes sociaux et sociétaux des simples comme des nantis. En tout, presque 10 milliards d'individus dépendaient de ses bons choix dont quelques millions au sein de l'Acropole. Celle-ci était en fait dispersé dans le monde entier avec les protections nécessaires. Il était aidé dans son travail par d'innombrables hommes du commun implantés qui assuraient la maintenance des moyens informatiques et fournissaient les données statistiques nécessaires à ses besoins.

Le seul problème pour les parents de Ella, la petite soeur de Macéo, fut de trouver en quoi elle n'était pas douée. Toute petite elle excellait en dessin en tenant compte des perspectives. A six ans elle savait lire et écrire et elle put sauter une puis plusieurs classes. Le reste de la scolarité fut à l'avenant. Comme son frère et ses ses cousins elle ne fut pas obligée de se soumettre aux implants crâniens, ses qualités naturelles l'en dispensèrent. Un peu par hasard mais après beaucoup de travail, elle fut chargée de la gestion des populations des non-olympiens. La reproduction sexuée avait été maintenue chez eux bien que les taux différenciés de testostérone entre humanoïdes mâles et femelles conduisaient à des conflits et même quelquefois à des agressions. Une petite population totalement asexuée avait été étudiée à titre expérimental aux alentours de Saint-Cucufa. On se rendit vite compte qu'une atonie d'une ampleur saisissante s'était vite installée, les être asexués devenaient plus que contemplatifs, inertes, sans vigueur et sans désirs si ce n'est vouloir fumer frénétiquement des branches de bouleau qu'ils ramassaient par terre. Les installations qui devaient permettre la reproduction purement chimique des individus furent en conséquence démantelées et l'expérimentation fut définitivement arrêtée. Les non-olympiens se reproduisaient donc librement à condition de respecter le cahier des charges imposé par leur bagage génétique. Toute forme de punitions avait été prohibée dans leur monde. Les individus déviants indésirables qui mettaient en cause la stabilité de la société étaient soumis à une mort sociale : plus d'accès aux réseaux, plus de messages possibles, plus de visibilité sur les réseaux, plus de possibilité d'interagir. Un algorithme dédié permettait d'afficher sur le profil de la personne à écarter des mots maudits : complotiste, antivax, raciste, fasciste... Après quelques mois, l'individu concerné, le plus souvent, mettait fin à ses jours sans l'aide des autorités.

Anna, la soeur de Constantin et Marceau, était la plus jeune. Elle aimait danser le Lac des Cygnes, les robes de princesse, les landaus dans lesquels elle promenait ses nourrissons les plus aimés. Dans le monde ancien, une telle attirance pour tous les traits caractéristiques d'une petite fille aurait pu conduire à de sévères correctifs non-genrés au sein de la maternelle. Heureusement, la scission entre la minorité des gens restés naturels et la multitude des autres lui avait épargné ces tracas. Par la suite, elle abandonna l'esthétisme pour se consacrer aux activités culturelles des non-olympiens. La réalité virtuelle fournissait l'essentiel de leurs possibilités d'occupation : voyages virtuels, savoir virtuel, rencontres virtuels, jouissances virtuelles,... En cas de besoin, l'excitation électrique des neurones dopaminergiques pouvait être commandée par les autorités pour procurer du plaisir. Les stimulations devaient cependant être limitées au strict minimum car elle conduisait en cas d'excès à une apathie nuisible qui nuisait à la fourniture des biens matériels indispensables aux Olympiens.

Les Olympiens quant à eux se livraient avec délectation et sans limites aux ébats naturels : l'Amour mais aussi la Haine, la générosité mais aussi la sauvagerie, la Paix mais aussi la Guerre.