L’opposition camerounaise est-elle truffée de traîtres ?
De l’antiquité gréco-romaine à nos jours, la trahison représente une théorie absolue, quand on transgresse les règles du jeu. Quelle qu’en soit sa nature : une parole non tenue, une désertion, un mensonge, revêt toujours un caractère disruptif. On ne construit pas une Nation sur le déni des réalités. Et, on ne force pas la main à des adversaires fussent-ils politiques par l’anathème et le mépris.
Dans le jargon politique camerounais, le mot traître est le nouveau leitmotiv des acteurs politiques et leurs fans clubs. En effet, la traîtrise, n’est finalement pas grand-chose en politique. La politique, c’est le terrain d’affrontement entre la morale et le pragmatisme. Pour Machiavel, l’exercice du pouvoir est d’ailleurs un domaine dans lequel il est dangereux pour l’homme politique de s’encombrer de scrupules moraux.
Mais l’émotion suscitée par un tel comportement, n’est pas nécessairement due aux conséquences factuelles de la traîtrise. Il est encore temps que l’opposition bannisse les démons qui l’enfoncent et transcende ses clivages sectaires. La politique n’est pas une secte où on obéit à un gourou ou à une doxa, mais un mouvement dynamique, où les contraires peuvent composer.
Les accusations de « traître ! » se multiplient au sein de la classe politique. En ce moment, les leaders d’opinions qui essuient les foudres incantatoires, sont : Maurice Kamto et Cabral Libii. Chaque camp, accuse l’autre de « traitrise ». Mais, par rapport à qui et à quoi ? D’autant plus que tous ont un adversaire commun : Paul Biya. On ne pourrait pas dire que les attitudes de ces deux leaders, apportent une certaine sérénité, une lisibilité. Leur proximité avec le pouvoir en place effraie.
Personne et mêmes les sympathisants de Cabral Libii, ne parviennent pas à comprendre sa dernière prise de parole, où il déclarait Biya vainqueur et pourtant, il y a si peu, il affirmait tambour battant qu’il saisirait les instances internationales, pour que la vérité des urnes soit connue : « C’est un leader de l’opposition qui a remporté le scrutin », selon lui. Est-ce un traître ?
Maurice Kamto, n’est pas en reste dans cette navigation à vue, dernièrement, lors de son voyage à Addis-Abeba, où il allait saisir l’Union Africaine, pour demander son arbitrage, il s’est quand même entiché du passeport diplomatique délivré par ses bourreaux, et quand on sait que l’usage de celui-ci, requiert l’accord verbal des autorités gouvernementales. Est-ce un traître ?
Les brigades de veille de la démocratie, ont aussi fait parler d’elles, les guerres de positionnement, les querelles fratricides, et autres accusations de basse volée, ont émaillé leurs actions. Leur porte-parole, Junior Zogo, a exposé sur la place publique, les dérives tant tribales que mafieuses de ces officines. Il a démissionné sur ces entrefaites. Est-ce un traître ?
Inaudible, impuissante, face à la machine de guerre du parti au pouvoir, l’opposition est retombée dans ses travers : L’inquisition et l’apostasie. Quoi de plus prévisible en somme, dans une opposition impréparée, tatillonne, indisciplinée.
A défaut d’alimenter un débat contradictoire, elle s’est emmurée, dans une méthode propre aux régimes dictatoriaux. Le pogrom et les purges. Certains militants ont le petit doigt sur la couture du pantalon, car ils doivent tout à leur leader politique ou idéologique. Un jour, ils devront s'affranchir un peu et se libérer du suivisme.
La condamnation morale, l’excommunication idéologique, sont donc maladroitement et grossièrement remises au goût du jour. Seule la différence d’opinion impulse la démocratie. Les sermons autres postures offrent l’affrontement et non la contradiction. Dans l’opposition actuelle, personne ne peut se targuer de donner des leçons de fidélité. Que ce soit, Kamto ou Libii, ils sont tous des transfuges du parti au pouvoir.
Dans la physionomie qu’offre notre opposition actuelle, il n’y a qu’une poignée de militants qui émerge du lot, il est temps qu’elle se débarrasse d’extrémistes panurgiques.
AIME MATHURIN MOUSSY
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