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Accueil du site > Tribune Libre > L’orange de Noël...

L’orange de Noël...

 

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Les enfants recevaient autrefois une simple orange en guise de cadeau de Noël... les temps ont bien changé, désormais ils sont submergés de cadeaux. Noël est devenue une fête de la surconsommation, où les enfants sont souvent choyés à l'excès.

 

Jusque vers le milieu du vingtième siècle, l'orange était un mets de choix, venu des pays du sud, un fruit aux teintes dorées, symbole de soleil.

 

Et quand on y songe, quelle merveille ! Un fruit tout en rondeurs et sensualité, un fruit aux senteurs enivrantes, aux couleurs chaleureuses de l'été, au coeur même de l'hiver.

Autrefois recouverte d'un papier de soie, l'orange exhalait ses parfums, dès qu'on la découvrait...

Une merveille de la nature que nous ne voyons plus, tellement nous sommes blasés...

 

Il faut relire la somptueuse description qu'en fait Alphonse Daudet, dans Les lettres de mon moulin.

Il évoque ces fruits en faisant appel à tous les sens...

Il est vrai qu'il décrit ces oranges alors qu'elles sont encore sur les arbres...

Couleurs, senteurs, éclats des fruits, l'évocation nous fait voyager vers l'Algérie, à Blidah...

Les oranges de Blidah sont magnifiées, entourées d'une "auréole de splendeur", serties d'un feuillage "sombre, lustré, vernissé".

Elles apparaissent dans un décor de neige où "tous les fruits poudrés à frimas avaient une douceur splendide, un rayonnement discret comme de l'or voilé de claires étoffes blanches..."

Les oranges sont sublimées et deviennent des trésors, elles sont comparées à "des verres de couleurs", "des fleurs éclatantes". Une exclamation restitue l'admiration du spectateur : "c'est là qu'elles étaient belles !"

Les couleurs rayonnantes des fruits sont amplifiées par le décor blanc de neige.

Les oranges sont personnifiées, comme vêtues de "claires étoffes blanches" "de soutanes rouges sous des robes de dentelles, de dorures d'autel enveloppées de guipures."

Plus loin, l'auteur nous fait découvrir les oranges d'un jardin au nom magique et mystérieux : "Barbicaglia", un jardin en Corse près d'Ajaccio...

Le seul nom de ce lieu fait rêver ! Les sonorités redondantes de labiale "b", les échos répétés de la voyelle "a', de la voyelle "i" nous transportent dans un univers poétique.

Et la description qui suit fait intervenir différentes sensations, d'abord le sens olfactif : "les orangers en fleur et en fruit brûlaient leurs parfums d’essences."

Puis, on entend "le bruit mat d'une orange mûre, tombée tout à coup... sur la terre pleine."

La sensation visuelle contribue à la beauté du tableau :"des fruits superbes, d’un rouge pourpre à l’intérieur..."

Entre les feuilles des orangers, la mer offre aussi un arrière plan somptueux avec "des espaces bleus éblouissants comme des morceaux de verre brisés qui miroitaient dans la brume de l’air."

Ainsi, Daudet nous fait percevoir ces merveilles de la nature : les oranges, des fruits aux teintes solaires, aux parfums enivrants, aux formes sensuelles...

 

 

Le texte :

 

"Pour bien connaître les oranges, il faut les avoir vues chez elles, aux îles Baléares, en Sardaigne, en Corse, en Algérie, dans l’air bleu doré, l’atmosphère tiède de la Méditerranée. Je me rappelle un petit bois d’orangers, aux portes de Blidah ; c’est là qu’elles étaient belles ! Dans le feuillage sombre, lustré, vernissé, les fruits avaient l’éclat de verres de couleur, et doraient l’air environnant avec cette auréole de splendeur qui entoure les fleurs éclatantes. Çà et là des éclaircies laissaient voir à travers les branches les remparts de la petite ville, le minaret d’une mosquée, le dôme d’un marabout, et au-dessus l’énorme masse de l’Atlas, verte à sa base, couronnée de neige comme d’une fourrure blanche, avec des moutonnements, un flou de flocons tombés.

Une nuit, pendant que j’étais là, je ne sais par quel phénomène ignoré depuis trente ans cette zone de frimas et d’hiver se secoua sur la ville endormie, et Blidah se réveilla transformée, poudrée à blanc. Dans cet air algérien si léger, si pur, la neige semblait une poussière de nacre. Elle avait des reflets de plumes de paon blanc. Le plus beau, c’était le bois d’orangers. Les feuilles solides gardaient la neige intacte et droite comme des sorbets sur des plateaux de laque, et tous les fruits poudrés à frimas avaient une douceur splendide, un rayonnement discret comme de l’or voilé de claires étoffes blanches. Cela donnait vaguement l’impression d’une fête d’église, de soutanes rouges sous des robes de dentelles, de dorures d’autel enveloppées de guipures…

Mais mon meilleur souvenir d’oranges me vient encore de Barbicaglia, un grand jardin auprès d’Ajaccio où j’allais faire la sieste aux heures de chaleur. Ici les orangers, plus hauts, plus espacés qu’à Blidah, descendaient jusqu’à la route, dont le jardin n’était séparé que par une haie vive et un fossé. Tout de suite après, c’était la mer, l’immense mer bleue… Quelles bonnes heures j’ai passées dans ce jardin ! Au-dessus de ma tête, les orangers en fleur et en fruit brûlaient leurs parfums d’essences. De temps en temps, une orange mûre, détachée tout à coup, tombait près de moi comme alourdie de chaleur, avec un bruit mat, sans écho, sur la terre pleine. Je n’avais qu’à allonger la main. C’étaient des fruits superbes, d’un rouge pourpre à l’intérieur. Ils me paraissaient exquis, et puis l’horizon était si beau ! Entre les feuilles, la mer mettait des espaces bleus éblouissants comme des morceaux de verre brisés qui miroitaient dans la brume de l’air. Avec cela le mouvement du flot agitant l’atmosphère à de grandes distances, ce murmure cadencé qui vous berce comme dans une barque invisible, la chaleur, l’odeur des oranges… Ah ! qu’on était bien pour dormir dans le jardin de Barbicaglia !"

 

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Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2018/11/l-orange-de-noel.html

 

Le texte intégral :

https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_de_mon_moulin/Les_oranges

 


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16 réactions à cet article    


  • Clark Kent NEMO 21 décembre 2018 17:37

    La tradition de l’orange n’a jamais été liée à Noël, mais aux « étrennes », une tradition venue de Rome, et elle était offerte au nouvel an, pas à Noël qui était une fête purement religieuse.

    L’origine était que Tatius avait considéré comme un augure favorable qu’on lui eût fait présent, au premier jour de l’an, de quelques branches coupées dans un bois consacré à Strena, déesse de la force célébrée le premier janvier, et il avait converti en coutume ce qui n’avait été que l’effet du hasard. Il avait donné aux présents qu’il avait reçus le nom de Strenae, dont nous avions fait « étrennes » avant que celles-ci tombent en désuétude et soit amalgamée avec Noël, devenue fête païenne.

     A des branches d’arbre, les romains avaient substitué des figues, des dattes, du miel, symboles, comme nos confitures et nos dragées, de toutes les douceurs qu’ils souhaitaient à leurs amis pendant le cours de l’année nouvelle. Les clients joignaient une pièce d’argent aux étrennes qu’ils donnaient à leurs patrons, ce qui était un signe de tribut.

    D’origine païenne, les étrennes ont été condamnées comme pratique « diabolique » par les pères de l’église dont Saint-Augustin, mais les papes modernes ont appris à composer avec le marketing, Coca-Cola, le Père Noël et Halloween.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 décembre 2018 17:50

      @NEMO

      Gamin dans le nord on la recevait a la saint Nicolas.



    • dr.jambon-beurre dr.jambon-beurre 21 décembre 2018 20:29

      elle était offerte au nouvel an, pas à Noël

      Dans le nord-est, ma mère recevait la sienne à Noël.


    • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 22 décembre 2018 14:38

      @NEMO

      Si, l’orange a été liée à Noël mais pas comme cadeau... Un simple dessert !
      Dans les années de misères d’après guerre, tous les gens qui s’en souviennent vous diront que les enfants devaient se partager au dessert une même orange...

      «  »D’origine païenne, les étrennes ont été condamnées comme pratique « diabolique » par les pères de l’église dont Saint-Augustin...«  »

      Disons que ce n’était pas « la chose » en elle-même qui était condamnée, mais les excès... Saint Augustin était le voisin de mes Ancêtres... Il est même certain qu’il avaient partagé plusieurs fois ensemble le même repas.


    • aimable 21 décembre 2018 19:17

      tant que j’y ai cru , je considérais le père noël comme quelqu’un de profondément injuste en privilégiant les plus riches qui eux recevaient tout et ceux dont je faisais partis avaient les miettes quand il y en avait !

      Effectivement nous recevions cette fameuse et unique orange au nouvel an .


      • Clark Kent NEMO 21 décembre 2018 20:05

        @aimable

        oui, aux étrennes du nouvel an, pas à Noël


      • rosemar rosemar 21 décembre 2018 21:00

        @NEMO

        « Des pommes, des oranges ou des sucreries étaient alors déposées dans les souliers disposés sous le sapin ou près de la cheminée. L’orange, qui fut pendant longtemps considérée comme un mets luxueux, était uniquement consommée par les classes populaires lors des grandes occasions, comme au moment de Noël. »


      • mmbbb 22 décembre 2018 09:38

        @rosemar tout ce qui est rare est precieux Jadis le sucre qui etait un luxe et le sel aussi , Dans les Alpes il y avait la contrebande du sel , Un refuge a St Veran, s appelle le Gabelou, les douaniers vivaient en ce lieu Par ailleurs salaire vient de sel, parce qu auparavant on payait en sel . D ici quelques annees on payera peut etre en eau pure ou en oxygene . Quant a moi je recevais une orange en etrenne de la part des vieilles dames dont j apporterais quelques services . Néanmoins, je ,ne suis pas épris de nostalgie, je me sens moins etrique dans notre époque contemporaine, chacun peut construire sa vie, ces campagnes ne seraient pas désertifiées si les esprits avaient plus ouverts et si l on avait apporte un plus de soin a ces generations qui ne furenrt pas une chance inouie pour ce pays . Désormais, ce ne sont plus les oranges, mais les voitures flambées au cognac qui marquent la fin de l annéee . Les francais ont choisi cette nouvelle tradition. 


      • rosemar rosemar 22 décembre 2018 12:56

        @mmbbb

        Tout ce qui est rare est cher... désormais, on trouve partout des oranges, mais sont-elles cultivées sans pesticide ?


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 décembre 2018 19:39

        Tiens une fête du Pas de Calais (boulonnais) qui date du moyen âge. Juste avant Noël on creuse des betteraves et on y fait des yeux et une bouche .On la décore puis on l’eclaire de l’intérieur avec une bougie ...Ça vous rappelle rien ? On appelle ça les génels ...


        • phan 22 décembre 2018 11:11
          Saint-Nicolas (6 décembre) distribue une orange et du pain d’épices portant son effigie.
          Le Carnaval de Binche demeure un patrimoine vivant exceptionnel, un événement populaire, humain et social hors du commun. Il a d’ailleurs été reconnu Patrimoine Oral et Immatériel de l’Humanité par l’UNESCO en 2003. Les oranges sont lancées dans la foule en guise de cadeaux, ne les refusez pas.
          L’empereur Aurélien fait célébrer la naissance du Dieu-Soleil, Mithra, le dieu du futur islamo-nazisme iranien (dixit le Canard Laquais (CL) : le 25 décembre).
          Orange, c’est la couleur du maillot de l’équipe d’Hollande (surtout la famille Rothschild s’est combinée avec la maison Orange de Hollande (famille royale) pour fonder la Banque d’Amsterdam au début des années 1600, elle devint la toute première banque centrale privée au monde).
          Photo souvenir de l’opération Linebacker II : « les Oranges de Noël 1972 ».

          • rosemar rosemar 22 décembre 2018 12:54

            @phan

            Merci pour ces illustrations, mais la dernière est terrible.


          • zygzornifle zygzornifle 22 décembre 2018 13:50

            @rosemar

             Maladie des abonnés d’Orange


          • zygzornifle zygzornifle 22 décembre 2018 13:30

            La famille m’offrait oranges chaussettes et pièces en chocolat c’était mon noël de parents ouvrier et le cadeau royal, un réveil mécanique du CE de l’entreprise de mon père .....

            Le repas était simple , vol au vent riz quelques huitres escargots crevettes mais pas de quoi s’étouffer et du vin pour les adultes , pas de foie gras caviar champagne qui étaient bien trop cher ....

            Je buvais du Lithiné , une boisson gazeuse sous forme de poudre en sachet que l’on mettait dans une bouteille d’eau .....

            Après discrètement je finissait le fond des verres des adultes histoire de .....


            • Loatse Loatse 22 décembre 2018 14:00

              « Pour manger mon orange, j’ai attendu que Cécile soit de retour. Je l’avais enveloppée dans un mouchoir et placée dans l’armoire, au fond d’une boîte à chapeau pour éviter que les rats ne l’entament.
              L’épluchage a fait l’objet de tout un cérémonial. Je voulais la couper sans enlever la peau. Cécile m’en dissuada et me montra comment il fallait s’y prendre. Elle découpa la peau avec un couteau, en spirale régulière, d’une seule pièce que je recueillis précieusement ... »


              (in l’orange de noel« de Michel Peyramaure)


              Période des fêtes 2018 le 21 : Un magasin bondé, dans lequel un meuble réfrigérant exhibe quelques rares chapons, dindes, à croire que la plupart des gens vont déguster leur bestiole en mode date très limite le »soir du« ... Plus loin le rayon fruits et légumes débordent de... mandarines (petit fruit acide le plus souvent, sauf la merveille de corse qui coute un bras), Le prix de la pomme fruit (canada)censée accompagnée la bête avec ses marrons s’est envolé, le filet d’orange d’espagne déprime devant tant d’indifférence..


              Arrêt devant le rayon textile enfant (pour ma petite fille), et un pull blanc duveteux orné d’un chouette canard humoristique. Je prend, le tate (résistera t’il au premier lavage sans devenir une serpillère ?)

              Tu veux rire !? me lance fille ainée... on va se moquer à l’école... (grrr, sales mômes !) Laisse maman, j’irai lui prendre un »chèque cadeau"...


              mouais, à déballer, ca va être sympa tiens !


              J’attrape au passage un paquet de serviettes de tables ornées d’un père noel (ce sera déjà ca pour l’ambiance avé le sapin plastique qui ne sent pas la forêt mais bon sacrifier un tchiot pèpère qui s’imaginait devenir le roi de la forêt un jour, je peux pas)


              Bouchons sur les routes, tout le monde a malgré tout l’air content... Les traits un rien tirés, en mode sidération parfois, mais content..


              alors si tout le monde est content, on va l’être aussi, histoire de ne pas gâcher la fête... et rester la mamie/maman farfelue qui en plein repas, vous colle des cantiques de noel (ou tout du moins tente le coup chaque année ...)


              On ne se refait pas.. ;)

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