L’ouverture qui pointe
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Il tendit l’oreille. Des voix lui disaient qu’il fallait, pour redresser la France et s’acquitter de la dette, qu’il s’entoure de bons français, bons européens, sincères, soucieux de faire échec à l’extrémisme de gauche. Qu’il faudrait qu’il décide très vite d’un tel entourage exécutif. Cette recomposition de la vie politique, qu’il appellerait comme bon lui semble, serait l’alliance qui lui permettrait de tenir. Nous y arrivons.
Il était d’accord : il fallait en effet en finir avec les vieilles lunes. Il lui fallait donner de nouveaux gages et nommer de nouveaux cardinaux. Alors, il allait promouvoir un gouvernement de supermen capables de redresser la Maison France comme une entreprise. Il se ferait aider d’intellectuels médiatiques (il en restait encore à bien vouloir s’afficher avec lui) et de patrons de bonne volonté, rencontrés dans des journées du Medef.
C’était urgent.
Il fallait qu’il s’y mette vite. Plus ils seraient nombreux à trinquer sur les échecs et moins la cuite, partagée, serait amère. Il était pressé par le temps, les élections en ligne de mire. Après dix mois d’exercice calamiteux, il se devait de donner de nouveaux gages à la société civile qui tenait le fric. Le Parti Socialiste aux abois se sauverait électoralement, même au prix d’une amputation sévère d’élus au profit de ses nouveaux alliés. En échange de la justice sociale.
Ces hommes et ces femmes qui rentreraient au gouvernement nouveau se verraient rebaptisés, car, venus du centre-droit, ils se verraient par un joyeux glissement sémantique, désignés comme membres d’un pôle du « centre gauche ». Les leurres étaient à la mode.
Il fallait manœuvrer vite, maintenant.
Qui résisterait à cette volonté de consensus national fort (juste pour un moment, bien entendu, « pour-sauver-la-France-qui-est-un-grand-pays-qui-n’est-fort-qu’uni-dans-les-moments-difficiles ») qui ferait taire les « oppositions-factices-face-aux grands-enjeux-et-aux-défis-du-temps ». Dans sa tête, il avait déjà les mots pour le dire. Il suffirait de quelques mises au point par ses porte-plume et quelques recadrages télévisuels de Claude Sérillon.
Le moment était venu, le temps propice et les conditions optimales pour l’ouverture. Fine mouche, il nous l’expliquerait l’essentiel pour nous faire mordre à l’hameçon.
Devenu libéral, pris dans une mécanique qui ne lui permettait pas de faire plus contre ses électeurs, ayant renoncé à se donner les marges de manœuvres nécessaires et les moyens pour aboutir à une meilleure justice sociale dans le pays, le Président allait prendre sa décision.
L’Europe des peuples allait attendre longtemps.
Léon
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