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Accueil du site > Tribune Libre > L’UE au piquet... (d’) exécution !

L’UE au piquet... (d’) exécution !

Quelques notes d’obscures agences révélatrices d’un tempo européen à la dérive. Indignation.

De sacrés veinards les évaluateurs cornaqués par Fitch Ratings, Moody’s ou Standard & Poor’s. Ce n’est pas de la mauvaise graine, du fumiste à l’occiput rasé de près qu’ils doivent noter. Ils laissent cette ingrate tâche, qui se densifie parfois d’une lame au cœur en représailles, aux enseignants reconvertis en garde-chiourme terrorisés.
 
Chez ces censeurs là, on ne fait pas sous soi, non ! On fourre bien profond des nations en perdition. Alors comme ça, d’un coup, une obscure société privée peut faire chuter un pays – Etat et peuple pour le même abyme – simplement par le sordide panurgisme des investisseurs internationaux ! Ce monde se délite, pas de doute !
 
Avec le cancre de l’UE, celui qui se fait dorer près du soleil, qui n’a que le farniente rémunéré en tête, qui a même trafiqué ses résultats au début de la décennie quatre-vingt du Vingtième pour passer l’épreuve d’entrée, on a du je-m’en-fichiste de premier choix ! Alors on dégrade, hop ! Le comble ? C’est que le bonnet d’âne grec devra payer l’agence qui l’a mis au piquet. Une jouissance en deux temps.
De simples agences de notation pourraient ainsi mettre en pièce la zone la plus pacifiée du globe, après soixante ans d’ambition européenne, au risque d’exacerber les pires réflexes nationalistes des peuples. Et rien, pas l’ombre d’un poing sur la table ou dans la tronche des invisibles censeurs par les dirigeants, soi-disant solidaires, de l’UE.
 
Alors oui, laxisme grec, portugais et espagnol. Ces Etats dépensent trop. Selon ce critère, la France n’a pas à être épargnée. Dans quelques semaines, mois, années, les mêmes agences pourraient faire joujou avec le triple A de la France : la fin des largesses budgétaires sonnerait. Les investisseurs se détourneraient alors vers de plus juteuses zones et le déficit cumulé ne pourrait être comblé sans d’énormes sacrifices de la population.
 
Resterait l’Allemagne, et quelques satellites budgétairement exemplaires, pour revendiquer le label UE, telle une coquille vide de sens. Péril à venir pour une construction européenne qu’aucun n’a voulue politique. A ménager les intérêts de chacun, on en a sacrifié la viabilité globale ouvrant la voie aux charognards. On est arrivé à une complexité institutionnelle tournant à vide où chacun des membres n’a comme obsession que de préserver ses intérêts propres.
 
L’UE volerait alors en éclats pour un retour aux nations accolées pour la rivalité. Mesurera-t-on qu’à l’origine du cataclysme il y aura eu ces quelques sociétés qui auront émis une opinion engendrant un chaos immaîtrisable à court terme.
Faut dire qu’elles avaient une revanche à prendre. Rappelez-vous leur crasse incompétence lorsqu’il a fallu anticiper la gabegie Subprimes… Là, plus de raideur inflexible, mais une suspecte abstention. Aucune impartialité chez les bougres. Des traînées de merde bien puante, ils en charrient des kilos sous leurs godasses vernies. Alerter sur ces produits financiers pourris, c’était se flageller avant l’heure. Ces agences de notation financière globales ont participé, plus ou moins directement, à l’élaboration des modèles de titrisation des crédits hypothécaires à risque. Une culbute financière de plus avant d’aller tirer l’oreille d’Etats qui, eux-mêmes, ont dû, dans l’urgence, colmater le système au bord de la banqueroute explosive. Un tirage du lobe qui ressemble bien plus au supplice du pal pour Papandréou ! Perfides officines qui ont une vertu, par incidence : confirmer l’avancée du délabrement de la construction européenne.
 
Dimanche 9 mai 2010, vers dix-sept heures, j’aurais une pensée pour les inspirateurs de l’UE. Fêter Schuman, Monnet et leur aspiration commune à une terre européenne enfin pacifiée, oui, vingt-sept fois oui ! Les soixante ans de cet appel fondateur rappelleront à nos esprits en vrac tout le bien-exister qu’on leur doit… même si la belle bête initiale n’a plus de charme pour les peuples toujours enclin au réflexe accusatoire dès que la solidarité européenne leur coûte.
Un hommage mérité donc, mais pour une intention brisée ; un anniversaire en forme d’incantation d’un modèle moribond. Bien plus que le coup de férule de Standard & Poor’s à la Grèce, c’est la navrante tergiversation des membres de cet ensemble qui désespère. Piteux spectacle de dirigeants prêts à laisser tomber un des leurs. Là c’est le triple E pointé !
 
Faire entrer de nouveaux pays, ça on est doué : performant, glouton, on est, au point même que nos dirigeants d’alors ont ouvert la porte à douze nouveaux copains sans même avoir changé, AVANT, les règles du jeu. Tout confiants, exaltés par l’enthousiasme post 1989 et la volonté aveuglée d’un retour d’ex pays de l’Est dans le giron de l’Europe capitaliste. Inconséquents, concons comme leurs pieds nos dirigeants pour croire au même enthousiasme populaire sitôt les flonflons rangés et le sujet institutionnel à l’ordre du jour. Ah ! le Chirac, quand il en balançait une, l’autre se décrochait ! A force d’animer ses gonades avant d’écouter sa Raison, il a dézingué l’attelage européen.
 
J’étais pour le Oui à la feue Constitution, mais je n’allais sûrement pas contester la légitimité du débat, tout comme la légalité du refus dans les urnes. C’est la gigantesque connerie du Conseil européen dans le choix chronologique des objectifs qui est à stigmatiser.
 
Quelques années inutiles suite à cette gourde gestion du planning, puis l’espoir d’un nouvel élan avec le tout nouveau frétillant de l’Elysée. Traité de Lisbonne adopté au forceps, tellement simplifié qu’il en est évanescent à la pratique. Une tartufferie que la crise rend plus grinçante encore à chaque annonce d’une dégringolade économique, financière et aujourd’hui budgétaire.
 
Un exemple révélateur ? On devait mettre fin à la présidence tournante de six mois qui donne le tournis et n’a plus aucun sens à vingt-sept. Un président élu pour deux ans et demi devait être le visage stable et la voix forte de l’UE : lui apporter l’impulsion vitale. Qui peut croire que nos dirigeants souhaitent une véritable unité politique ? Ils ont foutu un personnage sans envergure, falot, un ectoplasme inaudible avec des manettes atrophiées et ont surtout conservé le système du pays membre qui donne le La pendant deux trimestres. Le prochain, c’est la Belgique, au bord de l’implosion-scission. Comme un signe…
 
Autant le dire : on nous a pris pour des cons et aucune réforme réelle n’a eu lieu. Adopter un texte sans modifier ses comportements, c’est se torcher avec ses engagements en se limitant à l’annonce médiatisée. Une pratique politique de plus en plus courante.
 
Alors il reste quoi ? La devise « Unis dans la diversité » ? Pierre Uri, conseiller économique et financier de Jean Monnet, l’inspirateur de la CECA, résumait dans un article du Monde, le 9 mai 1975, l’état d’esprit qui régnait au début de cette incroyable initiative : « les difficultés de chaque pays étaient considérées comme des difficultés communes à résoudre en commun. » Soixante ans plus tard, tragique régression : divisés par égoïsme à courte vue serait le triste résumé à placarder au fronton d’une UE complexe par ses instances, mais sans plus aucun souffle. Alors quoi, on laisse tomber la Grèce, puis le Portugal, puis l’Espagne, puis l’indigne Irlande ?
 
Pour Monnet et Schuman, le mal suprême, payé si cher en Europe, est « l’esprit de domination, qui avilit autant celui qui domine que celui qui est dominé. » On n’en est pas loin.
 

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6 réactions à cet article    


  • Freebird 3 mai 2010 14:07

    Concernant la Grèce, il est facile de refaire l’histoire aujourd’hui, avec le recul. Mais quitte à mettre Paris en bouteille, allons-y jusqu’au bout et posons la question qui n’a pas encore été posée : et si la Grèce n’avait pas intégré l’euro dès sa création, en 2002, où en serait-elle aujourd’hui ? Sans doute dans une situation encore pire.


    Concernant les agences de notation, il faut, là aussi, essayer d’analyser froidement la situation. Ces agences ne sont que le messager, il ne sert donc à rien de s’en prendre à elles. Le fond du problème vient du fait que les européens ont du mal à accepter le message qu’elles nous délivrent, celui d’un monde qui change et dans lequel le poids économique et géopolitique de l’Europe décline dramatiquement, au profit de l’Asie et, dans une moindre mesure, de l’Amérique latine.

    Quant à l’Europe, je fais partie, comme l’auteur, de ceux que nous ne tarderons pas à appeler les euro-déçus. L’idée de départ était belle mais il y a clairement eu tromperie sur la marchandise au moment de la mise en oeuvre. L’élargissement de 2004, à la fois sur le fond et dans la forme, restera une erreur monumentale qui risque bien de mener à la fin pure et simple de l’UE.

    • Laurent_K 3 mai 2010 16:53

      Sur quels éléments vous basez-vous pour estimer que la Grèce serait dans une situation encore pire si elle n’avait pas intégré l’Euro ? Ce n’est pas que je sois en désaccord avec vous, mais je vois autant d’éléments pour que contre cette affirmation.

      Concernant les agences de notations, il y a un moment où il faut arrêter de s’interroger : elles ne sont pas objectives. Rien ou presque sur les USA ou la Grande-Bretagne qui font tourner la planche à billet pour essayer de survivre, rien sur les subprimes mais sévérité extrême pour les PIGS (charmant acronyme d’ailleurs très révélateur d’un certain état d’esprit). Une fois, cela peu passer pour une -grosse- erreur, mais la répétition ne laisse plus de doute sur leur manque d’impartialité.

      Et pour l’Europe, malheureusement, nous sommes d’accord. Quel gâchis !


    • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 3 mai 2010 19:06

      Merci pour votre participation à ce débat. Je rejoins vos réflexions complémentaires, pour l’essentiel.


    • Bilok 3 mai 2010 17:12

      Jean Monet et Robert Schuman étaient bien des agents américains. Cette information provenant de documents officiels déclassifiés a été rapportée par le Daily Telegraph en date du 19 septembre 2000.

      Comme on peut le voir dans la vidéo de François Asselineau : Les 12 impasses de l’UE

      http://u-p-r.fr/?page_id=255

      A partir de 0’45 seconde dans la premiére partie. 

      Nous pouvons en déduire que l’histoire de la construction de l’Europe est un mensonge et donc de part le fait que le but réel n’est surement pas celui qui fut avancé pour plaire à l’opinion publique.


      • xray 3 mai 2010 21:07


        L’Allemagne, sur qui le financement de l’Europe repose, risque de se sortir de l’Europe par le haut. Espérons que la France sera capable d’en faire autant. 

        Aujourd’hui on nous parle d’un grave problème de finance avec la Grèce. 
        À y regarder de plus près, il s’agit d’un faux problème. Un problème fabriqué de toute pièce. La Grèce n’est pas un cas unique. 
        L’église Orthodoxe grecque, échappant à toute fiscalité, est devenu le plus grand propriétaire foncier en Grèce (pratiquement le seul). On ne compte pas aussi les dizaines de milliards investis sur les marchés boursiers. 

        Hier on a oublié de nous parler du boulet Polonais. 
        À peine intégrée à l’Europe, la Pologne a utilisé les 80 milliards d’euros de la dotation européenne pour acheter des avions militaires américains. « Il faut dire que les Polonais sont très riches. » 

        Dans la foulée, la Pologne va utiliser « cette nouvelle liberté » pour interdire le droit à l’avortement. Cela ne peut qu’augmenter le niveau de vie des Polonais qui, dans la réalité, est l’un des plus bas d’europe. 

        Demain on passera sous silence que la Turquie dispose actuellement d’une quinzaine d’ogives nucléaires gracieusement offertes par les étasuniens dans le cadre de l’OTAN. 


        L’EUROPE du Chaos 

        Le problème n’est plus de « construire » l’Europe. Le problème est : « Comment se débarrasser de cette saloperie ? » 

        On s’achemine vers une société européenne sans nom, sans repères matériels réels, gavée de mensonges, de drogue,  de religions. Une société entièrement soumise au totalitarisme religieux. 


        Menteur comme un journaliste 
        http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/archive/2010/05/03/menteur-comme-un-journaliste.html 



        • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 13 mai 2010 11:07

          Erratum : Dimanche 9 mai (...) j’aurai une pensée". Mon scepticisme par rapport au bon fonctionnement des institutions européennes est tel que j’en ai fait un lapsus de temps : un conditonnel présent au lieu d’un futur. Histoire de me justifier...

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