L’Ukraine vue autrement (4)
J’avais commencé ce 4ème épisode, dont le contenu avait comme but de compléter ma tentative d’approche historique de cette région de l’Europe notamment en parlant de Novorossiya et de la Khazarie ainsi que des frontières de l’Ukraine actuelle, quand l’armée russe est entrée en Ukraine, ce jeudi 24 février.
Cette date n’est pas anodine, en effet même si la décision russe semblait prise depuis quelques semaines (la façon dont a été reçu à Moscou l’auto-proclamé président de l’UE était un signal majeur), il était patent que la Russie n’allait pas saboter les J.O. d’hiver de Beijing et il eût été peu heureux de déclencher une offensive le 23 février, jour de la Fête du défenseur de la Patrie en Russie.
Comme depuis plus d’une semaine nous avons deux camps qui s’affrontent et que la censure règne d’une manière que n’ont probablement jamais connus les pays de l’UE depuis 1945, comme un artiste localement célèbre pour jouer du piano à queue est devenu le héros abandonné par la "méchante OTAN", comme Poutine est devenu le "Grand Satan" et Macron "le faiseur de paix", je vais éviter le débat partisan et juste me limiter à "les frontières de l’Ukraine" avec deux exemples qui concernent ses frontières sud :
-la Bucovine du nord, dont Zelensky a parlé en la déclarant territoire ukrainien historique : cette affirmation n’a pas été appréciée de la même façon à Bucarest car cette région est peuplé de roumanophones (roumains et moldaves) et a été annexée par l’URSS lors du pacte Ribbentrop-Molotov. Il y a plus de 400.000 ukrainiens roumanophones dans le sud de l’Ukraine et leurs droits y sont autant "bafoués" que ceux des russophones (situation valable également pour des hongrois et des tchèques dont un petit morceau du territoire a aussi été annexé par l’URSS) ! En 2014 quand la situation est devenue brûlante en Ukraine (massacre d’Odessa et révolte dans le Donbass), le gouvernement de Kiev a voulu enrôler les jeunes roumanophones pour les envoyer se battre dans ce Donbass, les familles de ces jeunes se sont révoltées et le gouvernement a alors abandonné cet objectif ! Cette fois-ci ces populations roumanophones passent la frontière pour se réfugier en Moldavie et en Roumanie. On assiste à un phénomène similaire à la frontière hongroise.
-l’île aux Serpents, (Snake Island, Insula Șerpilor), dont tout le monde vient de découvrir l’existence grâce à la "défense héroïque des 13 soldats ukrainiens qui y sont morts en luttant contre l’envahisseur russe" ... bien entendu cette "fake news" n’a pas été démentie, ces militaires (apparemment au total 83 et non pas 13) se seraient rendus sans combattre, ont été faits prisonniers, puis ont été libérés. Désormais ils seraient sous le coup d’un mandat d’arrêt décidé par la Rada (parlement ukrainien) pour avoir refusé le combat !
Cette île occupe en Mer Noire une place stratégique (eaux territoriales) du fait des ressources qu’on y trouve (gaz, pétrole) et a été annexée en 1948 par l’URSS. À la base il y a le Protocole de Paris, en 1857, qui détermine que son propriétaire est le pays qui possède l’embouchure du Delta du Danube, dont elle est située à 45 km à l’est, donc de russe elle devient alors roumaine ! Dès 1991 le conflit sur la propriété de cette île a ressurgit, cette fois entre l’Ukraine et la Roumanie. Il faut dire que ce delta du Danube, composé de plusiers bras, est aussi la frontière entre ces deux pays ...
En ce sens un dossier a été déposé auprès de la Cour Internationale de Justice de La Haye, laquelle a conclu en 2009 que ce territoire (80% des eaux territoriales sauf l’île reclassée comme simple Rocher) devait revenir à la Roumanie ... et depuis c’est la lutte entre compagnies pétrolières (et les deux états) pour exploiter cette zone ...
Carte de l’île aux serpents, aux bons soins de Bibi Saint-Pol, CC BY-SA 3.0, https://ro.wikipedia.org/w/index.php?curid=174754
Lien wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_des_Serpents
Comme les liens wikipedia sont régulièrement modifiés, j’en mentionne cet extrait (copié en ce 06 mars) démontant que c’est réglé, sans l’être, tout en l’étant :
"Depuis 2009 le litige est donc éteint officiellement, en tout cas pour l'île des Serpents, mais le golfe de Musura (situé juste au nord de Sulina) et la bande d'eaux territoriales au large de celui-ci, en direction de l'île des Serpents, restent en litige car l'Ukraine avait posé unilatéralement des balises-frontière le long de la digue nord du port roumain de Sulina, au sud de la frontière de jure (située entre l'estuaire du bras de Chilia et celui du bras de Sulina). La première source de ce litige résiduel est naturelle : c'est l’alluvionnement qui comble petit-à-petit le golfe de Musura. La seconde source est économique : ce sont les nouveaux gisements de pétrole et de gaz, découverts au large de celui-ci. La marine roumaine a enlevé peu après ces balises, mais l'Ukraine a récidivé et ces opérations se sont répétées à plusieurs reprises depuis. "
Sur ce lien on découvre de vieilles photos de la Bucovine, dans son ensemble : https://hailadorna.ro/bucovina-o-alta-fata-a-regiunii-istorice/
Liens vers mes articles précédents : (1, 2 et 3) : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-3-239562
Source photo de présentation : https://www.icr.ro/pagini/57-de-fotografii-intr-o-galerie-foto-dedicata-romanilor-din-nordul-bucovinei  ;  ;
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