L’ultra-libéralisme vu comme un nouveau totalitarisme
Comme après 1945, nous allons bientôt nous demander comment le plaisir que prennent les membres de la sphère politico financière à pervertir les rapports humains et à modifier l’ordre naturel du monde a-t-il pu gangrener l’ensemble de la planète et la précipiter dans le chaos.
En 1938, nous étions dans un contexte particulier.
Un peuple, humilié pendant plus de vingt ans par ses vainqueurs de 1918, voulut retrouver sa fierté en portant au pouvoir des personnes animées par une haine irraisonnée contre un groupe d’individus stigmatisés comme complices des dérives du capitalisme international et désignés comme étant à l’origine de tous les malheurs d’une nation.
Depuis le début des années quatre-vingt, un nouveau système, nourri de la vanité et la vénalité de quelques uns, se met en place en se rattachant à la vision manichéenne du monde proposée par le modèle financier anglo-saxon.
Comme les nazis, ses instigateurs organisent la destruction systématique d’un groupe social désigné : les classes moyennes européennes coupables de disposer de l’éducation et des moyens suffisants pour représenter une menace contre l’ordre primaire qu’ils veulent rétablir.
A l’instar des Etats-Unis qui, depuis la conquête de l’Ouest, ont séparé le monde entre bons et méchants, la sphère politico financière scinde désormais le monde entre riches et pauvres.
Margaret Thatcher a été l’initiatrice, en Europe, de cette bipolarisation qui hiérarchise les individus en fonction de leur valeur marchande.
Se calant sur le modèle fourni par ses cousins américains, elle a mis en place les réformes pour développer le secteur financier au détriment de la production industrielle.
Alors que les nazis déportaient les peuples, les ultra-libéraux ont eu l’idée, pleine de cynisme, de déporter les outils de production.
La guerre économique et son langage feutré entre gens bien éduqués a ainsi remplacé la guerre entre armées.
A la mort physique des déportés nazis s’est alors substituée la mort sociale des chômeurs, donnant ainsi l’illusion à la caste politico financière de pouvoir se dédouaner de sa responsabilité puisqu’il n’y avait apparemment pas délit d’holocauste.
Apparemment, car si l’on s’en réfère à sa définition - Holocauste : massacre ciblé et systématique d’un groupe social ou ethnique - , le débat reste ouvert.
L’obsession de la Dame de Fer n’était, ni plus ni moins, que d’appliquer la théorie darwinienne de l’évolution des espèces à l’espèce humaine : les plus forts ( riches ) dominent naturellement les plus faibles ( pauvres ) et les éliminent.
L’application de cette théorie, qui se rapproche de la théorie de la race Aryenne développée par les nazis, a permis de transformer le monde en un gigantesque casino aux mains de spéculateurs dénués de toute vision à long terme et de tout affect humain, à l’image de Patrick Bateman, héros du livre de Breat Easton Ellis - American Psycho.
Façinés par le pouvoir économique perçu comme un élixir qui permet de tout obtenir, des biens matériels aux plaisirs charnels, les hommes politiques se sont inféodés au lobbying des grands groupes industriels.
Or, comme l’écrit Philippe Starck dans l’un de ses derniers livres, il n’y a pas de traduction mieux appropriée pour le mot lobbying que le mot corruption.
La corruption a ainsi été légalisée, par ceux-là même qui sont censés la combattre.
Se calant sur le modèle anglo-saxon, les politiciens du monde occidental ont ainsi dépensé toute leur énergie à faire valider par leurs concitoyens la règle, totalement fausse et mensongère, qui voudrait que ce qui est légal ( les lois votées par le parlement corrompu par les lobbies ) est forcement moral.
Afin de pouvoir profiter tranquillement de la collusion qu’ils organisaient et des profits personnels qu’ils pouvaient en tirer, les mondes politiques et économiques ont appliqué la même recette que le régime nazi vis-à-vis de sa victime désignée.
Se calant sur le modèle utilisé par tous les régimes totalitaires, l’objectif poursuivi a été de gouverner le peuple par la peur : peur de la déportation géographique liée aux délocalisations, peur de déclassification sociale, peur de perdre son emploi…..
Les grands médias, courtisans serviles du pouvoir politico financier, ont relayé ce mécanisme de gouvernance par la peur en s’appliquant à diffuser des informations qui entretiennent un sentiment d’insécurité générale.
Or la peur est un facteur de régression sociale. Lorsque chaque citoyen devient un ennemi, c'est-à-dire un concurrent qu’il faut éliminer pour satisfaire aux diktats de puissance et de taille critique imposés par les esprits primaires qui régentent le monde, aucune cohésion sociale n’est possible.
La mondialisation est fondée sur trois principes essentiels :
Augmenter la valeur ajoutée des entreprises et la rémunération des actionnaires en réduisant la masse salariale des employés peu qualifiés grâce à des transferts de production vers des pays à faible niveau de rémunération et à faible protection sociale.
Atteindre une taille critique suffisante pour soumettre les fournisseurs à une pression permanente sur les prix.
Réduire l’être humain à sa fonction animale de consommateur.
Comme sous le régime nazi, des esprits pervers et cruels jouissent de la peur qu’ils observent chez ceux qu’ils enferment dans leur logique cynique.
Ainsi, des ingénieurs employés par un équipementier automobile français, ont récemment été soumis à un choix particulier : être déportés sur un site de production en Roumanie en étant soumis au Droit du travail local et au salaire local ( 600 € brut par mois ) ou subir un licenciement économique.
Dans ce même monde impitoyable de la sous-traitance automobile, les fournisseurs sont également soumis à la technique perverse des enchères inversées.
Le principe est le suivant : Un donneur d’ordre informe trois fournisseurs que leurs offres ont été retenues pour la fabrication de tel sous-ensemble et qu’une enchère aura lieu tel jour entre 14h et 17 h.
Le jour venu, les trois fournisseurs se connectent à un serveur informatique spécialement mis en place à cette occasion, chaque fournisseur étant anonyme et identifié comme fournisseur 1, 2 et 3.
Les enchères inversées commencent. Le fournisseur 1 propose un prix de 100 € pour sa prestation, ce prix étant visible pour les fournisseurs 2 et 3. A 14h20, le fournisseur 2 ayant refait ses calculs propose un prix de 98 €….etc…A 17 h les enchères inversées sont closes et le moins disant économique remporte le marché.
A l’identique de ce qui se passait dans l’Allemagne nazie, des personnes apparemment éduquées basculent petit à petit vers un mode de fonctionnement barbare vis-à-vis de leurs semblables.
Elles prennent plaisir à les soumettre ou à les humilier en les réduisant à leur fonction de petites variables d’ajustement économique, méprisables d’accepter l’asservissement au système qu’elles ont elles-mêmes mis en place.
L’état de conscience de la classe politico financière à nous imposer un système qui détruit les liens sociaux et déshumanise des sociétés qui ont mis des siècles à se construire est total.
Cette caractéristique, qui transforme en jouissance l’observation des souffrances qu’on inflige aux autres, les rapproche des esprits cruels à l’origine d’un des pires totalitarismes qu’ait connu le 20éme siècle.
Il n’est pas anodin que le peuple allemand valide à nouveau des règles de fonctionnement basées sur des rapports de force et sur l’adhésion à un mouvement collectif régit par une minorité qui engage une majorité dans sa logique de destruction.
Pris individuellement, les Allemands semblent très concernés par l’écologie.
Pris collectivement, ils se soumettent aux lois de la mondialisation, laquelle éloigne les lieux de production des lieux de consommation et génère un gaspillage énorme des ressources naturelles de la planète en coûts de transport et en pollution.
Une des explications à cette dérive collective, qui ouvre la voie à toutes les barbaries, pourrait être que les Allemands sont éduqués dans un rapport de soumission à des lois qu’ils valident sans en mesurer la portée.
Il est étonnant de voir qu’en Allemagne, même si une rue est libre de tout véhicule, aucun piéton ne traversera la chaussée si le feu pour piéton est au rouge alors que les piétons français prendront la liberté de le faire.
Là où le Français exerce sa liberté, l’Allemand accepte de perdre son libre arbitre.
Cette différence est fondamentale dans l’accomplissement de son rapport aux autres.
D’un côté la valeur première est sa conscience en tant que sujet libre facteur de diversité, de l’autre celle qui prime est son utilité en tant que sujet soumis à des règles dictées par la collectivité.
Animée par son besoin viscéral de puissance, l’Allemagne ferme, une nouvelle fois, les yeux sur l’épuration sociale en cours et la disparition des diversités et des spécificités culturelles générées par la mondialisation.
L’uniformisation du monde ne lui pose pas de problème, puisqu’elle s’organise sur la base de rapports de force qui constituent précisément sa manière naturelle de communiquer.
Lors de leurs dernières vacances en Espagne, un couple d’amis m’a relaté les faits suivants.
Ayant loué une maison par l’intermédiaire d’une agence gérée par un couple d’Allemands, ils avaient appelé la veille de leur arrivée pour signaler qu’ils seraient sur place le dimanche au lieu du samedi.
Lors de la remise des clés, après que le gérant leur ait confirmé que la maison restait libre le dimanche suivant, un débat houleux est intervenu puisque celui-ci voulait bien leur louer la maison du dimanche au dimanche au lieu du samedi au samedi mais réclamait un jour de loyer supplémentaire…… au motif que les dates de réservation n’étaient pas respectées !!
Ayant aussi profité de leur séjour pour visiter d’autres maisons à louer dans le même secteur, ils avaient pénétré dans une villa laissée libre le matin même par ses locataires Allemands dans laquelle la vaisselle n’était pas faite, des immondices trainaient par terre, des tasses de café étaient encore sur la table à moitié pleine…….au motif que le ménage était compris dans le prix !!
Le premier exemple est révélateur de ce que, dans le mode de fonctionnement allemand, le contrat est plus important que le bon sens, la volonté de faire plaisir et d’arranger la situation lorsque c’est possible.
Le second démontre un manque total de respect pour autrui et notamment pour la classe inférieure représentée par la femme de ménage espagnole qui devra nettoyer la villa.
Enfermés jusqu’à l’absurde dans leur logique du respect des règles, les Allemands manquent toujours de la subtilité nécessaire pour apprécier une situation en fonction d’un contexte qui varie selon les circonstances.
Incapables d’apprécier leurs semblables comme des sujets sensibles qui luttent pour conserver leur dignité face aux épreuves que propose la vie, ils ne s’embarrassent pas de délicatesse et ne semblent toujours pas disposer de la palette des nuances émotionnelles nécessaire pour s’adapter à des personnalités diverses et variées.
Cette incapacité à communiquer les engage à valider leur adhésion à des mouvements collectifs dont la force protectrice les rassure et les protège de leur rapport brutal aux autres.
Les multinationales n’étant administrées que par des pervers égoïstes, fanatisés par la course au profit comme substitut à leur vide intérieur et à leur angoisse d’être mortel, cette brutalité s’est malheureusement propagée à l’ensemble du monde.
Les valeurs françaises que sont la liberté, l’égalité et la fraternité sont devenues incompatibles avec celles utilisées par la caste politico financière qui fonctionne sur les principes de la soumission, de la hiérarchisation et de l’égoïsme.
La soumission, source de toutes les perversions est sa valeur dominante.
Au contraire d'obéir qui permet d'accepter un ordre dont on saisit la portée parce qu’il nous paraît juste et justifié, se soumettre c’est accepter la loi du plus fort sous la contrainte .
Les Français sont capables d’obéïssance s’ils comprennent le sens des consignes qu’on leur demande d’appliquer.
Au nom de leur liberté de penser, ils ne veulent cependant pas être intégrés dans un processus qui déshumanise le monde.
Incapables d’accepter la perte de cette liberté, ils ont développé un dégoût du monde moderne et un dégoût d’eux-mêmes, en tant que complices passifs ou actifs d’une évolution que certains qualifient honteusement de progrès alors qu’elle est vécue par eux comme une régression et un retour de l’homme à l’état de nature.
Notre consommation excessive d’anxiolytiques n’a pas d’autre explication que ce sentiment de lâcheté et d’impuissance qui nous ronge lorsque s’exposent à nos yeux les ravages sociaux de notre participation, contrainte et forcée, à un système qui détruit nos valeurs républicaines.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les fanatiques de la caste politico-financière :
Ne vous étonnez pas qu’un nouveau fanatisme religieux émerge comme rempart pour combattre la loi universelle du profit que vous souhaitez imposer à toute la planète.
Ne sous-estimez pas notre capacité de résistance au système que vous souhaitez nous imposer car :
- Même sous anxiolytiques, là où vous privilégiez la puissance et la force, nous resterons indulgents pour les faiblesses humaines qui conditionnent notre humanité.
- Même sous anxiolytiques, là où vous voulez uniformiser le monde, nous continuerons à vouloir nous épanouir dans la diversité source de créativité.
- Même sous anxiolytiques, là où vous tentez d’oublier votre triste destin d’êtres mortels en engageant le monde dans une marche forcée qui détruit sa diversité, nous continuerons à accepter, avec humour, notre finitude certaine et à privilégier la vie joyeuse en société à la triste solitude de psychopathes en col blanc obsédés par l’argent.
- Même sous anxiolytiques, là où vous continuez à alimenter votre brutalité naturelle en exploitant à nouveau une main d’œuvre bon marché, nous nous refuserons toujours à humilier, par des salaires indécents, des populations déjà fragilisées par leur déracinement et leur extrême pauvreté.
- Même sous anxiolytiques, nous continuerons à vouloir grandir le genre humain et à éduquer nos enfants pour qu’ils ne deviennent pas des clones de vos personnalités déshumanisées par un excès d’égoïsmes et prêtes à valider tous les totalitarismes.
Car, même sous anxiolytique, nous continuerons à avoir une âme.
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