L’Union africaine, acteur des relations internationales ?
Plusieurs observateurs internationaux, à commencer par l’Union européenne, la France, les Nations unies, l’Organisation internationale de la francophonie... ont exprimé, à l’exception d’Alpha Konaré, président de la Commission africaine de l’Union africaine[1], leur satisfaction aux lendemains de la signature de l’accord politique global du 20 août 2006, qui est censé ramener la paix et booster enfin le développement économique du Togo, plongé dans une crise politique depuis plusieurs années[2].
Le silence de ce dernier traduit-il son scepticisme, ou son intention de ne pas s’associer à l’échec probable d’un énième accord politique[3] dans une crise dont la cause principale est le refus de l’alternance politique, ou confirme-t-il la crise profonde dans laquelle ladite organisation est plongée avec pour énième manifestation l’annonce faite par le Président Konaré, le 1er juillet dernier, en marge du 7e sommet de l’Union africaine tenu à Banjul (Gambie), de ne pas briguer un second mandat à la tête de l’organisation, lassé d’être désavoué dans plusieurs dossiers par les chefs d’Etat africains, notamment dans le dossier de la succession dynastique au Togo ?
L’union africaine (UA), créée sur les cendres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le 9 juillet 2002, pour permettre à l’Afrique de se faire entendre sur le plan international en réalisant l’intégration politique et économique, est en deçà des espoirs placés en elle.
Des objectifs compromis pour l’Union africaine
Nombre de ses objectifs et ambitions restent compromis : la démocratisation du continent, le Nepad, la prévention des conflits, la force africaine en attente, la bonne gouvernance...
En ce qui concerne la démocratisation, malgré l’adoption de la déclaration d’Alger, en 1999, condamnant toutes les formes non constitutionnelles d’accession au pouvoir, il semble que la pratique de putsch comme mode de conquête de pouvoir reste de mise. Depuis l’adoption dudit texte, il y a, en moyenne, par an, quatre à cinq coups d’Etat et projets de coups d’Etat, sans compter les coups d’Etat antidémocratiques et ceux, imaginaires ou inventés par certains dirigeants, pour détourner l’attention de leurs concitoyens des vrais problèmes et procéder à des purges et des exécutions sommaires et extrajudiciaires.
Le refus de la majorité des dirigeants africains de signer la Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance (lors du 7e sommet de l’Union africaine), qui vise à promouvoir la démocratie sur le continent, l’organisation d’élections libres et transparentes, et surtout à limiter les mandats présidentiels - et à éviter ainsi les tripatouillages constitutionnels - consacre, à ne point en douter, un désaveu de ladite organisation.
Sur le plan du développement, notre continent reste à la traîne, la pauvreté au sein de nos populations s’aggravant de jour en jour, malgré l’adoption depuis 2001 du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), pendant économique de l’UA.
Le Nepad, qui aborde huit thèmes touchant tous les secteurs d’activités devant entraîner le développement rapide de l’Afrique grâce à de vastes projets communs d’investissement, notamment des initiatives dans le domaine des infrastructures, pour l’environnement, en faveur des flux de capitaux, pour l’accès au marché... et dont le financement repose pour l’essentiel sur la communauté internationale et les investissements directs étrangers, n’a pas eu le moindre commencement d’exécution des promesses de le financer.
Sur la question des conflits, la persistance des conflits armés ouverts et latents confirme l’inefficacité de cette organisation. Malgré la création d’un conseil de paix et de sécurité qui « constitue un système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique », l’UA se révèle incapable de résorber les conflits qui meurtrirent les populations africaines.
L’adoption de la résolution 1706 par le Conseil de sécurité des Nations unies le 31 août 2006 ayant approuvé un renforcement de la mission de l’ONU au Soudan, avec le déploiement d’une force onusienne au Darfour, chargée de relayer la mission africaine, qui s’est relevée incapable de protéger les populations civiles menacées de cette région, repose la problématique de la mise en place, prévue à l’horizon 2010, de la Force africaine en attente (FAA) devant permettre aux Africains de ne plus dépendre de la communauté internationale pour la résolution des crises survenant sur le continent.
Sur diverses questions, comme l’immigration clandestine, l’UA est incapable d’adopter une démarche commune face aux politiques ébauchées ici et là, notamment par certains pays de l’Union européenne comme la France, l’Espagne, ainsi que par les pays africains de transit africains, et de proposer des solutions idoines à ce problème.
En matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, elle n’est pas en mesure, malgré les textes, de faire face aux pillages des ressources africaines par des régimes autoritaires, avec la complicité de certains dirigeants occidentaux, et même au sein de l’organisation (cf. le détournement de sept millions de dollars dans le cadre de la conférence des intellectuels d’Afrique et de la diaspora, organisé à Dakar en octobre 2004).
Quel avenir pour l’Union africaine ?
Le doute se confirme sur la capacité de l’Union africaine à réaliser l’ambitieux projet d’intégration politique et économique au niveau continental sur la base de la bonne gouvernance, pouvant lui permettre de jouer sur le plan international un rôle accru d’acteur du système international.
Il semble que cette organisation, privée des moyens financiers (avec un budget atteignent péniblement 60 millions de dollars et des arriérés de cotisation de l’ordre de 100 millions de dollars), soit devenue un syndicat des chefs d’Etat africains dictateurs et corrompus comme le fut l’OUA. L’Union européenne, qui entretient des rapports privilégiés avec des pays africains, dans le cadre de l’Accord de Cotonou la liant aux 77 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), doit encourager les forces de changement sur ce continent, pour l’émergence de nouveaux dirigeants respectables, issus d’élections libres et transparentes, qui auront à cœur l’intérêt des Africains, et pouvant trouver des solutions aux différents problèmes comme l’émigration des jeunes, la corruption, la pauvreté...
L’Union européenne a intérêt à avoir une Union africaine renforcée, et composée de pays démocratiques comme partenaires pour une bonne évolution des relations internationales, au lieu laisser l’Afrique avec l’Union africaine se soustraire à la marche du monde et des relations internationales.
Le deuxième sommet Europe-Afrique, initialement prévu à Lisbonne (Portugal) en 2005, et plusieurs fois reporté, doit offrir l’occasion aux Européens de poser les contours d’une nouvelle coopération plus constructive avec l’Union africaine, pour une pérennisation de relations internationales plus égalitaires, d’autant qu’entre l’hyperpuissance américaine et l’empire chinois, l’Afrique et l’Europe ont un destin commun.
Komi TSAKADI.
[1] Organisation internationale regroupant les 53 pays africains sauf le Maroc :www.africa-union.org.
[2] Le Togo a été gouverné par un président-dictateur Gnassimgbé Eyadema pendant plus de trente-huit ans. A son décès, en 2005, son fils lui a succédé, à la suite de l’organisation d’une mascarade électorale marquée par une répression sanglante et des déplacements de populations fuyant cette répression en se réfugiant dans les pays voisins.
[3] Une dizaine d’accords politiques signés entre le pouvoir et l’opposition n’ont jamais été respectés. L’Union européenne a, par ailleurs, suspendu son aide au Togo depuis 1992, pour déficit démocratique.
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON