L’Union pour la Méditerranée... un enfant mort-né ?
Je sais bien que l’association entre l’Union européenne et les pays de la rive Sud de la Méditerranée pourrait vous paraître secondaire, lecteurs de ce site. Détrompez-vous. Elle serait au contraire indispensable à notre futur et celui de nos descendants, si elle arrivait à se construire. Compte tenu de son histoire d’une richesse à nulle autre pareille, due au brassage des civilisations qui s’y sont baignées et qui y ont fleuri tout en s’y entrebattant, vous, moi et les autres sommes plus ou moins les enfants de cette mer mythique et nourricière. Il nous faut y adhérer, dans le mélange, avec un respect sans borne pour les gens des deux rives car, source de notre présent, elle contribuera à notre avenir de paix. Et pourtant l’accouchement s’annonce de plus en plus délicat.
Très délicat même et la venue du bébé semble aujourd’hui bien problématique. L’Union pour la Méditerranée souhaitée par bon nombre de pays et sur le berceau de laquelle comptaient se pencher avec attention, sinon avec une certaine affection, feinte ou pas, ses principaux géniteurs, à savoir les président français Nicolas Sarkozy et Henri Guaino, son conseiller particulier, ne pourrait se traduire, hélas, que par la naissance d’un... enfant mort-né. C’est du moins ce que ressentent tous ceux qui en sont les plus fervents partisans, dont je suis, au Sud comme au Nord, de Mare Nostrum.
En effet, la démarche adoptée au plus niveau de l’Europe, depuis peu, paraît très mal engagée. Elle est amenée à continuer de cheminer sur une longue voie sinueuse, encombrée et semée d’embûches, politiques, diplomatiques, économiques et surtout culturelles, qui ne feront que retarder l’éclosion d’un projet indispensable, dans son esprit, à l’équilibre actuellement volcanique de la région et, pourquoi pas, du reste du monde dont notamment le Moyen-Orient et l’Afrique sub-saharienne.
Pourquoi ce scepticisme ?
Parce que, tout d’abord, par un effet d’annonce qui se voulait novateur, la France, ayant stout simplement oublié que le « bébé » était en gestation depuis treize ans, s’est fait taper sur les doigts, transformant illico l’Euromed ou Processus de Barcelone, créé en 1995 autour d’un groupe déjà anachronique de vingt-sept pays des deux rives, soit aujourd’hui un conglomérat d’une quarantaine de membres. Une mosaïque qui, en fonction d’approches culturelles disparates, ajoutera des discordances à celles déjà existantes. En outre, de ce fait, le « dialogue 5+5 » qui se voulait, à juste titre, le pilote « occidental » du vaisseau avec, comme équipage, d’un côté les Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye et de l’autre les Portugal, Espagne, France, Italie et Malte, semble devoir être jeté aux orties.
Scepticisme aussi parce que, de sa naissance jusqu’à nos jours, le Processus de Barcelone appelé à devenir l’Union pour la Méditerranée n’a évoqué que l’aspect économique du projet. En bons marchands, comme il fallait s’y attendre.
Enfin, parce que, comme le recommande l’Union européenne, les pays de la rive Sud voulant adhérer à l’Espace européen sont contraints de convaincre individuellement, chacun, je dis bien chacun, des pays de cette Union. Un véritable marathon en quelque sorte.
Et quel marathon ! D’un côté les « Européens » dont l’Albanie et de l’autre treize interlocuteurs, c’est-à-dire les cinq sudistes du « dialogue 5+5 » auxquels s’ajoutent les Libye, Autorité palestinienne, Israël, Egypte, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie. Comment la Méditerranée reconnaîtra les siens dans cette troupe hétéroclite ? Comment, par exemple, les pays du nord et du centre de l’Europe pourront culturellement - j’insiste sur ce mot - discuter sincèrement avec leurs éventuels partenaires du Sud ? Comment se débarrasser aussi de l’emprise de l’oncle Sam très impliqué dans plusieurs des pays des deux rives et de la Chine qui, sournoisement, commence à se nicher dans le Sud ou bien de l’Iran ? Comment gommer l’influence des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, née des myriades d’investissements ancrés dans les pays du Sud ? Comment pouvoir dialoguer dès lors que, d’un côté comme de l’autre, chacun veut garder jalousement son identité, que l’Europe politique, de la défense et surtout sociale, n’en est même pas aux premiers balbutiements et qu’en face chacun des dirigeants regarde d’un mauvais œil son voisin ?
L’économie dites-vous, les échanges commerciaux, le donnant-donnant de marchandises et de richesses, voilà la clé ? Que nenni. Si tel était le moteur de l’Association, à moyen ou long terme, la civilisation enracinée dans le Sud qui, détrompez-vous, conserve encore tant de valeurs humaines dans les domaines de la famille, des mœurs, de générosité naturelle, de convivialité, de courage et des coutumes, notamment dans l’art de vivre au quotidien en quelque sorte, serait dangereusement contaminée par le Nord jusqu’à s’éteindre définitivement, pour devenir aussi angoissée que l’est actuellement celle de l’autre rive.
Et pourtant, l’embryon de la solution existe. Il se trouve, dans un premier temps, par des contacts sérieux, longs et sincères, d’égal à égal, entre seulement les Européens du sud (avec pourquoi pas leurs régions littorales méditerranéennes) et leurs vis-à-vis de l’autre rive, c’est-à-dire les peuples (et pas seulement les dirigeants) marocains, mauritaniens, tunisiens, algériens, libyens auxquels pourraient s’ajouter les turcs. Des contacts qui ne soient surtout pas seulement... économiques. A eux de charpenter avec solidité les fondations de la future Union pour la Méditerranée, celle des marchands compris.
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