La 5e République, une république de « factieux »
Et elle commence fort ! Par un coup d’État en 1958, fomenté par l’entourage civil et militaire du Général de Gaulle, pour l’installer aux commandes de la France. Il faut régler d’urgence l’affaire algérienne qui s’enlise depuis 1954, date de la Toussaint rouge ! En effet, depuis 1954, la guerre d’Algérie perdure sans que personne ne puisse y mettre un terme. Piaffant d’impatience, de Gaulle est pressé de s’installer à l’Elysée, (contrairement à la propagande gaullienne qui voudrait qu’il se fît tirer l’oreille). Bien au contraire, celui que certains surnommaient « Le grand ruminant », attendait son heure… Elle est là ! C’est donc sans grande résistance que de Gaulle se laissera « convaincre » et tirer de sa retraite de Colombey les deux Églises, en 1958.
Mais dès son installation à l’Élysée, de Gaulle et son entourage n’auront de cesse de « saborder la 4eme République » ! Ils n’auront pas beaucoup de mal, elle est en état de déliquescence, et, comme une poire blette, prête à tomber de l’arbre républicain. Pour la forte et écrasante personnalité de l’homme qui bénéficie de la légende dorée de « libérateur de la France », légende largement hypertrophiée par la propagande d’après-guerre, comme tout ce qui le sera durant les 80 ans qui vont suivre, et la succession de Présidents de la République tous aussi nuisibles les uns que les autres, le régime parlementaire de la IVe république ne correspond absolument pas aux aspirations de grandeur et de domination du Général, il lui faut une constitution sur mesure, il l’aura !
Dans l’ombre, devant et derrière lui, s’agitent les spectres de la soumission à Washington.
Le régime parlementaire ne lui convient pas, comme il ne convient pas non plus aux parlementaires qui s’entre-déchirent depuis des années entre droite et gauche, et centre, sur l’épineuse question de l’Algérie Française et qui s’empresseront de rallier le Général. De Gaulle, c'est l’éternel retour ! Il fit partie de la IVe, de 1945 à 1947 pour s’en défaire et y revenir enfin, prêt à en découdre avec le régime parlementaire et verser dans le paradoxal régime présidentiel, où tout passe par un seul homme, malgré les deux chambres.
Loin d’être parfait, le régime parlementaire assurait un équilibre constant entre les deux chambres : Sénat et Parlement, où le Chef du Gouvernement (Président du Conseil) assurait l’exécutif et où le Président de la République incarnait la garantie des institutions, et la séparation des pouvoirs.
Le vote des parlementaires avait primauté.Tout passait par le Parlement et le Sénat, le Président de la République n’avait qu’un rôle en demi-teinte, celui de garantir la séparation des pouvoirs, en tant qu’arbitre des institutions. Clemenceau suffisamment finaud disait des Présidents de la République : Messieurs ! Prenez les plus bêtes !
Tout bêtassou qu’il étaient – dans le genre, nous eûmes des champions du monde - le Président de la République était un peu l’ « huile de moteur » de la mécanique parlementaire. Au-dessus des partis, le PR surplombait et en cas de crise constitutionnelle, il arbitrait. A-partisan, le Président de la République validait les lois, les promulguait après le vote législatif du parlement et le contrôle du Sénat.
Pour les factieux de la Ve république, au contrôle des affaires à partir de 1958 jusqu'à nos jours, pressés de détruire la France, ses institutions, son peuple et sa constitution en la modifiant moultes fois, le régime présidentiel représentait et représente d'autant plus, une aubaine incontournable pour les apprentis-dictateurs.
C’est ainsi que nous avons vu successivement depuis 1958, plusieurs modifications de la constitution sur des sujets vitaux pour la France et les Français, sujets qui engagent l’avenir du pays sans être passés par la voie référendaire.
Les traités internationaux, comme Maastricht et Schengen, où la France va perdre petit à petit sa souveraineté.
La forte personnalité du successeur de V. Giscard d’Estaing, F. Mitterrand va permettre lors d’un référendum complètement pipé, d’appeler aux urnes les Français largement influencés par la propagande médiatique et présidentielle et la forte implication personnelle et participative de Mitterrand aidé de son entourage, pour influencer le choix des électeurs. Et pour cela ils s’y entendent !
Le régime présidentiel de la Ve république, aida forcément beaucoup Mitterrand à peser de tout son poids dans les résultats finaux du référendum en 1992. A tel point, que tout ce qui allait suivre porterait la marque ineffaçable de Mitterrand. En effet, avec l’élection de Mitterrand en 1981, c’est une autre forme de despotisme qui vit le jour. Mitterrand, autant que De Gaulle, affublé d’une très forte personnalité – bien plus que son prédécesseur Giscard - allait complètement transformer les institutions à sa guise et surtout à la guise de l’immense réseau de son entourage immédiat, issu de mai 68.
Pendant ce temps, les ténors parlementaires les plus responsables et les plus inquiets pour la souveraineté de la France, comme Ph. Séguin prêchaient dans le désert des dangers de la future Union Européenne puisque l’image fabriquée de Mitterrand et retenue médiatiquement pendant des mois, parlait encore plus fort et haut que celle des députés au Parlement. Le débat eut bien lieu, mais il fut occulté par l’action délétère du Président de la République, Mitterrand qui usa de toutes les ficelles de son métier de politique et d’une dialectique qu’il maîtrisait à la perfection. Les Français obnubilés par l’image du PR, ne voyaient rien d’autre. On se souvient aussi que pendant la deuxième guerre mondiale, ce fut une autre image que les Français retinrent : Chef de l’État français, celle de Pétain !
L’image frelâtée du protecteur. Leurre que reprendront de Gaulle en 1958, et sa longue suite d’imposteurs !
Le Président de la République, bardé de tous les pouvoirs, ravale au second plan la représentation des Français avec les deux chambres, (Sénat, Parlement). Je rappelle que depuis 1958, c’est le PR qui choisit son premier Ministre, qui, à son tour choisit ses ministres, ce choix bien entendu sera validé par le PR, et l’on se doute bien que ce dernier y aura mit sa grosse patte dans le choix terminal. Grosse patte passée par la « patte blanche » des loges et des obédiences.
Dès 1958, la forte personnalité du général va servir de détonateur pour réduire encore plus le rôle des parlementaires. La propagande gaullienne va se servir des différentes mésaventures et scandales qui ont éclaboussé les 3eme et la 4eme républiques, pour crier à l’instabilité des institutions du fait de la nature même du régime parlementaire.
On fera croire au Peuple souverain que d’aller choisir son Président de la République, par le suffrage universel direct à deux tours, assurera la démocratie.
Fausse piste, car comme l’explique Philippe Fabry, Docteur en droit constitutionnel, « l’élection du Président de la République comme principale assurance de Démocratie est une monstruosité… La concentration des pouvoirs dans un seul individu mène droit aux dictatures, assises sur un régime autoritaire ».
Le suffrage universel direct dans l’élection du Président de la République.
Nous avons pu constater que l’élection au suffrage universel uninominal à deux tours, a donné, par deux fois, des régimes autoritaires.
Une première fois avec Louis Napoléon Bonaparte, (Napoléon III), élu au suffrage direct universel par les Français, à la tête d’une éphémère IIe république, pour verser ensuite dans l’Empire avec le titre d’Empereur des Français. Ce régime autoritaire conduira à 1871 et à la défaite de Sedan.
Le deuxième exemple,et pas des moindres, celui de De Gaulle qui nous intéresse ici.
Pour de Gaulle, le rôle de simple inaugurateur des chrysanthèmes du PR, son autorité seulement symbolique sous la IVe, il va sans dire que ce n’était pas suffisant pour celui qui se voyait un destin... historiquement gigantesque.
Passer sous la moulinette constante du Parlement, subir ce système issu de la Révolution française et du serment du jeu de paume, de Gaulle ne peut s’empêcher de se rêver un destin peu plus lustré, Chef de l’État, combiné au rôle éminent de... Chef des Armées !
D’ailleurs, ça tombe bien, de Gaulle est général 5 étoiles. De plus, nous sommes en pleine guerre d’Algérie, quoi de mieux qu’un militaire de haut rang pour régler le problème ? Il sait comment parler aux képis !
De plus en plus, se dessine et se précise la nécessité pour l’entourage de de Gaulle, de se débarrasser de l’encombrante IVe république – régime parlementaire – et de passer ipso facto à la Ve – en changeant la constitution.
Que l’on se rassure, il continuera d’aller inaugurer les chrysanthèmes, rallumer la flamme du soldat inconnu, etc., et de se composer cette figure de Chef de la Nation, garant de ses Institutions ! La belle affaire ! Du point de vue européen,la France va devenir en 1958 le seul pays européen de type régime présidentiel. En effet, tous les pays d’Europe se partagent entre régime parlementaire et monarchie constitutionnelle. La Vème sera une sorte d’exception française, à laquelle la personnalité du Général donnera une sorte de caution historico-médiatique, un Général très à l’aise devant les micros – il avait fait son apprentissage à Radio - Londres auprès de Churchill – continuera inlassablement à parler aux… « Françaises, Français », et les amener en 1962 à l’élection du Président de la République, par le suffrage universel uninominal à deux tours !
Suffrage sans quorum et possibilités de tripatouillages divers entre les partis politiques, au deuxième tour, toujours sans quorum.
Deuxième coup de force constitutionnel. Depuis, la France vit au rythme, non pas d’élections législatives équilibrées permettant de dégager au Parlement des majorités confortables des forces d’oppositions et issues de scrutins démocratiquement organisés, de façon à ce que les lois soient votées dans des circonstances équilibrées, assurant une véritable opposition conséquence du choix des électeurs. Elle vit au rythme d’élections présidentielles, septennales, puis quinquennales, continuelles, où tous les chefs de partis travaillent à leur carrière personnelle, réduisant du même coup, le rôle des députés, tripatouillant les circonscriptions, opérant depuis des décennies des découpes, des charcutages géographiques avec les circonscriptions, pour asseoir leur pouvoir, inversant les dates des suffrages législatifs et présidentiels ! Escroquerie ! Hormis le personnage de De Gaulle, hypertrophié par son aura et l’appel du 18 juin, celui de Mitterrand hypertrophié par ses sherpas, nous ne pouvons pas considérer l’élection présidentielle comme un satisfecit aux meilleurs, mais une absurdité dans la durée, un continuum de l’abêtissement électoral.
Nonobstant la personnalité des Présidents de la République qui jouent et influent sur les affaires du pays, où doivent être prises des décisions extrêmement lourdes de conséquences, démocratiquement, c’est un non-sens ! Une hérésie constitutionnelle, un subterfuge insupportable pour qui est enclin à la Démocratie.
Plus le temps a passé depuis 1958, plus ce régime que je qualifierais d’inique, a renforcé les pouvoirs exorbitants du Chef de l’Exécutif, devenu une sorte de « primat électif », comme le dit Philippe Fabry, où les pouvoirs sont concentrés entre les mains de petits roitelets appelés « Chefs d’État ». Ainsi, depuis 1958, nos institutions sont captées par le régime gaulliste puis par ses successeurs qu’ils soient de droite ou de gauche, ou du centre, le parlement de la Ve République répondant de moins en moins aux aspirations des Français d’ être représentés par ceux qu’ils élisent. Entre temps, la pression de Washington, de l’OTAN, au fil des ans, ont vidé les institutions françaises de leur substance, pour nous amener directement dans une « dictature » présidentielle européiste.
Le choix des Présidents.
Après de Gaulle qui instaurait un régime autoritaire, mais bien inféodé aux USA, malgré ses positions anti-OTAN, de façade, puisqu’il sortit du commandement intégré, mais pas du pacte atlantique, il est difficile de parler de démocratie, le concernant. Car de Gaulle transformait le suffrage universel en plébiscite. Il s’agit d’une forme avancée de despotisme. Pourquoi ?
L’élection du Président de la République dans une démocratie ne devrait être qu’anecdotique. Comment le Peuple souverain peut-il se retrouver et se reconnaître dans une seule personnalité incarnée par un seul homme ou femme de parti, où la concentration des pouvoirs et l’influence du parti qui le porte au sommet, en fait un « despote » partisan ?
Cette concentration des partis mène droit aux régimes autoritaires, quelle que soit la personnalité du récipiendaire. Faible, il sera la marionnette portée au sommet de l’État par les forces centrifuges (visibles ou occultes) qui l’actionnent. Fort, il écartera toute opposition et contestation.
Pourvu d’une personnalité plus nuancée, il ménagera la chèvre et le choux, avec le risque que cela comporte.
Le plébiscite n’assure en rien l’équilibre des institutions. Même si l’idée est séduisante pour les Français de l’époque. En 1962 c’était une nouveauté – et de Gaulle n’était pas n’importe quel personnage inconnu sorti des arcanes de partis politiques.
En instaurant un régime présidentiel, les Gaullistes ont commis une faute majeure dont nous payons aujourd’hui, les conséquences tragiques.
Cependant, en 2022, la quasi admiration ressentie pour de Gaulle, par certains , 51 ans après sa mort, s’avère pour les générations actuelles, une recherche de symbole fort de la France, au moment où le pays est en train de sombrer bel et bien, en un mot comme en cent : disparaître. La prestance gaullienne, nous ne risquons pas de la retrouver chez les actuels maîtres de l’Élysée, ni chef de l’exécutif, ni chef du gouvernement, ni parlementaires, etc. Ni non plus la queue leu-leu à chaque suffrage présidentiel tous les 5 ans de candidats qui se présentent devant les électeurs, dont la quasi majorité seraient mieux inspirés de postuler chez Pinder ! Certes, ce n’est pas de Gaulle, ni sa femme Yvonne que nous aurions vus se tortiller en dansant sur le parvis de l’Élysée, le jour de la fête nationale, ni de Gaulle se prêter à des roulades joyeuses et printanières dans le gazon du parc, ni autre chose encore qui ne font plus rire les Français, malgré le grotesque de la situation.
Rien ne subsista de la raideur gaullienne et du côté pate-notre de Mitterrand dans les postures officielles des chefs d’État qui lui succédèrent. Sinon Pompidou et la démarche lourde, lente et le sérieux d’un caissier de banque. Il conservait de ses origines de « ventrachoux », l’air finaud des paysans du terroir profond, et il n’était pas question pour lui d’aller compter le pâquerettes, préférant les tuyaux rouillés de Beaubourg ! Giscard jouait de l’accordéon, et pour raffermir son image d’homme près du peuple, partageait un café-crème avec les éboueux de Paris. Faire peuple, posture intégrale du Président de la République française, première écorchure de la fonction présidentielle. Il n’avait rien compris ! Celui qui lui succéda porta la posture élyséenne, au sommet de l’art de prendre les Français – comme ses prédécesseurs – pour des cloches. Gravir des roches de Solutré fut la solution, se faire filmer à Latche dans les Landes entre le fromage de bique et la lecture tranquille devant un feu de cheminée, faire guili-guili à son chien, et tout ça pour émouvoir dans toutes les chaumières de France, malheureusement cela a fonctionné auprès des masses éblouies par… l’image et les cadrages des techniciens de la télévision.
Chirac nous époustoufla par ses multiples facettes, animal des villes, animal des champs, ses jeux de mots laids, etc. Il éblouit beaucoup les gogos, il énerva encore plus, et démolit tout autant les institutions, avec la….cohabitation en dissolvant l'Assemblée Nationale dûment élue, (un exemple parmi tant d’autres), encore une conséquence des pouvoirs exorbitants que permet la 5eme république régime présidentiel ! A force cela devenait sordide et continuait jusqu’à aujourd’hui où la sordidité du régime n’a plus rien à démonter de son horreur absolue.
Jamais peut-être la recommandation de Clemenceau n'a autant été d'actualité... Les plus bêtes !
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