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La barbarie corollaire de l’injustice

Le massacre de Charlie Hebdo est venu alourdir l’horreur et allonger la liste triste et longue des attentats odieux qui m’avaient amené à rédiger Les démons de la foi*. Cet événement appelle à la réflexion et nécessite une analyse attentive et objective du processus nihiliste qui pousse des individus à agir de façon aussi violente au nom de l’islam en brandissant la bannière noire de l’anarchie frappée du nom d’Allah.

La montée de l’islamisme s’inscrit pratiquement en réaction au grand boom des progrès scientifiques des années 60, époque où la société occidentale subissait de grands bouleversements, avec notamment l’émancipation de la femme et l’irruption de la minijupe et de la pilule. Ce qui fut perçu par les musulmans comme une grave corruption des mœurs. Tout cela advenait au moment où les derniers pays arabes colonisés accédaient à l’indépendance dont l’avènement était salué par beaucoup comme le signe et le point de départ de la renaissance prochaine de l’islam. Aspiration de masses longtemps asservies par le colonialisme, celle-ci fut de fait programmée par un courant réactionnaire et intransigeant dont les visées n’ont cessé d’être une expansion mondiale de l’islam jusqu’à son établissement comme unique et vraie religion avec restauration du Califat aboli par Attatürk en 1924.

Une analyse objective établit d’emblée que tous les événements tragiques provoqués par l’islamisme ne participent aucunement d’un prétendu choc des civilisations ou des religions. Car Ben Laden, Al Qaïda et la constellation d’organisations, partant du FIS et des GIA algériens jusqu’au DAESH en passant par les innombrables cellules «  dormantes  » qui s’en réclament, sans pour autant y être nécessairement rattachées, et qui opèrent dans l’ombre partout dans le monde, ne représentent en vérité qu’une frange très marginale d’un islam comptant un milliard et plus d’adeptes dont la lecture du Coran varie selon que l’on se situe à Dakar, à Damas ou à Djakarta. Mais elle est largement influencée aussi par le degré de contentieux qui oppose certains secteurs de l’islam, notamment le monde arabe, à l’Occident.

Car le monde arabe n’a pas digéré le colonialisme. Il l’a subi et en vit le souvenir comme la plus cuisante des humiliations. Les ressentiments sont encore vifs, et la condition des Palestiniens ne cesse de les attiser, du fait que d’une part l’on refuse à ces derniers le droit à un État et des frontières sûres et reconnues et que par ailleurs ils paient le tribut de la violence au prix d’au moins un mort par jour depuis qu’ils furent dépossédés de la majeure partie de leur patrie dont Israël poursuit imperturbablement la colonisation. De plus la politique des deux poids et deux mesures obstinément pratiquée par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la plupart des pays occidentaux en faveur d’Israël ne fait que persuader chaque jour davantage les Arabes, plus particulièrement ceux des masses défavorisées et les plus sensibles à l’injustice que l’Occident vit encore au rythme et dans l’esprit méprisant du temps du colonialisme et de l’impérialisme. Du reste, faudrait-il attribuer au hasard que les deux premières organisations islamiques armées, à savoir le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien, aient été mises sur pied pour contribuer à la défense de la cause palestinienne ?

La France de Jacques Chirac et l’Allemagne de Gerhard Shröder auront eu beau s’opposer de façon la plus résolue à George W. Bush et Tony Blair dans leur volonté de renverser Saddam Hussein pour soi-disant lui substituer la démocratie. Les bombes que ces derniers lancèrent sur Bagdad et sur l’Irak, massacrant sans état d’âme des milliers d’Irakiens comme s’ils s’agissait de mouches à viande incitent hélas ! la majorité des Arabes et une bonne partie du monde musulman à penser que l’Occident est ligué contre l’islam dans le dessein de la réduire à sa raison.

Alors l’injustice qui fut exercée par Bush, Blair et leurs rares alliés au moyen de la barbarie des bombardements massifs, allait fatalement faire apparaître, aux yeux des Arabes, l’Occident tout entier comme tenant de l’iniquité. Ce sentiment sera aggravé par le bombardement et la destruction de la Libye décidés par Nicolas Sarkozy et réalisés avec l’aide de David Cameron et Barak Obama livrant ce pays à une horde de barbares auxquels les Occidentaux se sont en l’occurrence objectivement alliés en dépit de leurs proclamations de bonne foi lancées au moyen de campagnes médiatiques annonçant  "une guerre sans répit contre le terrorisme islamique".

Ainsi, au lieu de produire les sédiments susceptibles de combler le fossé de l’incompréhension, le recours à la guerre l’a élargi en y faisant confluer, impétueux et irascible, le torrent de la haine.

Et, comme de cause à effet, devant la loi du plus fort, armé de B.52 et de Tomahawks, les Arabes se sont mis à considérer avec un peu plus de pessimisme et de suspicion les grandes valeurs de démocratie et de laïcité restées au fond de leur mémoire – du moins de la grande majorité - comme celles du colonialisme oppresseur. Ils se sont donc éloignés un peu plus de la laïcité que les Bush, Blair, Sarkozy, Obama et autres Cameron ont tendu à éradiquer, là où elle existait depuis des temps immémoriaux dans le monde arabe, à coups de «  missiles intelligents  ». Par voie de conséquence, au lieu de se résorber, le voile de l’obscurantisme descend inexorablement sur les périphéries urbaines occidentales pour y aggraver le poids de l’ignorance et des ressentiments.

Du coup, le Coran est devenu une arme de destruction massive. La seule arme de destruction massive que les Arabes n’aient jamais eue entre les mains. La parole divine résonne dans les cœurs plus fort même que la bombe atomique. Portée par les sourates qui invitent les croyants et les vertueux à suivre le droit sentier qui les conduira à obtenir la Grâce d’Allah, et donc le Paradis, elle leur dit que « … quiconque aurait offert à Dieu sa vie, serait considéré comme s’il en avait fait don à l’humanité entière  ». (V. 32 - sourate V ou sourate du banquet).**

Balancés entre la première proposition du verset qui commence par mettre en garde contre le crime : «  Ce fut à cause de ce délit que Nous dîmes aux fils d’Israël que tuer un être humain, sauf en cas d’erreur ou d’accident, serait par Nous considéré comme un crime contre l’humanité entière  », et la seconde qui anoblit et sublime l’holocauste, des imams et des émirs fanatiques ont chaussé les œillères de la foi et dressé les garde-fous des dogmes afin de porter les croyants les plus malléables à croire qu’il faut accomplir le mal pour faire triompher le bien.

 

Mokhtar Sakhri

* Les démons de la foi, Edilivre Aparis, 2012.

** Du verset 27 au verset 32, cette sourate se réfère au crime de Caïn.


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3 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 17 janvier 2015 11:11

    C’est bien de faire de la PUB pour votre livre qui sert à caler la table du salon.. ?


    • Passante Passante 17 janvier 2015 13:01

      une goutte d’eau dans un océan, merci ..

      wa ménhom mann yantadhér..

      • Marius Morin Marius Morin 17 janvier 2015 23:28

        Voulons-nous la paix et la liberté d’expression dans un respect mutuel... facile… sortons les Américains, les Anglais et les Français du Moyen-Orient et le problème est réglé. Il n’y aurait plus de guerres de religions  ou de civilisations ! Beaucoup plus efficace qu’un « Patriot Act » européen !

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